Les employées de maison, en majorité éthiopiennes, au Liban, se retrouvent une nouvelle fois livrées à leur triste sort. Déjà esclavagisées la plupart du temps par un système qui ne leur accorde aucune protection, l’épidémie de Covid-19 et la fermeture des frontières qui s’est ensuivie les laissent à l’abandon. Abandonnées à la fois par leurs employeurs et leur pays, ces femmes savent que leur avenir est plus qu’incertain.

Des femmes qui veillent depuis plusieurs semaines devant l’ambassade d’Éthiopie

Elles sont des dizaines à attendre, dans la rue, à même le sol, que leur pays s’intéresse enfin à leur sort. Les employées de maison éthiopiennes, renvoyées par leurs employeurs qui, sous prétexte qu’ils n’ont plus d’argent, ne les paient plus, attendent depuis plusieurs semaines de pouvoir rentrer chez elles, en Éthiopie. Diala Haidar, chargée de campagne d’Amnesty International au Liban, se désespère : « La scène se reproduit tous les jours. » Tous les jours en effet, des familles libanaises abandonnent leur employée de maison devant l’ambassade d’Éthiopie. Une fois à la rue, ces femmes n’ont nulle part où aller, donc elles restent devant l’ambassade, en attendant que cette dernière daigne se soucier de leur sort. Mais c’est peine perdue : « Certaines femmes avec qui je me suis entretenue n’ont même pas été reçues par le personnel consulaire qui refuse de les laisser entrer », raconte Diala Haidar.

Ce drame illustre la situation dans laquelle se retrouvent nombre d’employées de maison. Les employeurs ne payent souvent plus leurs employées. « Ma Madame [employeuse] m’a dit qu’ils ne pouvaient plus me payer. Je gagnais 150 dollars. Je pouvais rester chez eux sans salaire. J’ai refusé. Ils m’ont conduite ici, et m’ont dit : “Ton pays n’a qu’à s’occuper de toi” », raconte  Mazaa, 23 ans, ancienne nourrice et femme de ménage. Comme elle, de nombreuses employées sont victimes d’abus de la part de leurs employeurs, et sont aujourd’hui abandonnées par leur pays qui ne les laisse pas rentrer chez elles. « Ces femmes comptent parmi les personnes les plus marginalisées de la société et paient le prix fort de la crise économique exacerbée par le Covid-19 », selon Heba Morayef, directrice pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.

Image d’illustration— Oscar Espinosa / Shutterstock.com

La kafala, un système proche de l’esclavage

Le calvaire des employées de maison éthiopiennes au Liban (certaines viennent également du Ghana, du Kenya, ou encore des Philippines, du Sri Lanka ou du Bangladesh), n’est pas nouveau. Il est encouragé par la kafala, très répandue au Moyen-Orient, qui permet à un employeur de devenir le parrain légal de son employée, qui ne peut désormais plus démissionner sans l’autorisation de son employeur, lequel, bien souvent, lui confisque son passeport. Ce système ouvre la voie à de multiples abus (séquestration, salaires impayés, rémunérations trop faibles…). Résultat, de nombreuses employées de maison meurent. « Lorsqu’elles ne meurent pas d’une chute, en nettoyant les vitres ou sous les coups de leurs employeurs, ces femmes mettent fin à leurs jours, en tentant de fuir des patrons qui les maltraitent ou en se jetant carrément dans le vide, car la mort leur semble plus douce que l’esclavage », raconte la journaliste Anne-Marie El-Hage, dans un article de L’Orient-Le Jour. « Je pleurais tous les jours. J’ai essayé de me tuer trois fois cette année-là. Leur maison c’est ma prison »raconte Mary, une employée de maison qui s’était confiée à Amnesty International en 2018. Le 18 juin dernier encore, une employée de maison a été retrouvée pendue chez ses employeurs.

Depuis avril 2019, des discussions étaient en cours au ministère du Travail libanais, avec le groupe de travail sur la réforme de la kafala, dirigé par l’Organisation internationale du travail (OIT). Le 20 juin dernier, ils ont apporté la touche finale à ce projet, comme le rapport L’Orient-Le Jour. Désormais, les employées de maison devraient bénéficier d’un nouveau contrat et de nouveaux droits. Ce nouveau contrat a pour but d’empêcher le travail forcé, la possibilité pour l’employée de résilier le contrat. Elle ne sera plus enfermée à clé, comme cela se fait encore très régulièrement, et bénéficiera d’un jour de congé hebdomadaire et de 9 heures de repos quotidien. Avant de signer le contrat, l’employée sera informée dans sa langue des modalités, des tâches à accomplir. Le salaire ne sera pas inférieur au salaire minimum pour une semaine de 48 heures de travail. Reste à savoir si ce nouveau contrat sera appliqué et comment.

En attendant, le calvaire des employées de maison éthiopiennes laissées à l’abandon par leurs employeurs et leur ambassade est loin d’être terminé. Pour l’instant, environ une trentaine d’entre elles ont été logées provisoirement par les autorités libanaises dans un hôtel. Selon Diala Haidar, « à ma connaissance aucune autre opération n’a été menée depuis ». Pour l’instant, les seules personnes à leur venir en aide sont la communauté éthiopienne de Beyrouth qui leur apporte de la nourriture et des Libanais émus par leur sort, qui leur paient des nuits d’hôtel. À la lumière des manifestations qui ont lieu un peu partout dans le monde pour mettre fin au racisme, une sorte de « Black Lives Matter » libanais a vu le jour, demandant du respect pour les personnes noires au Liban, ainsi que l’abolition de la kafala.

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4 Commentaires
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de simple bon sens !
de simple bon sens !
3 années

Voilà, enfin, un article qui montre l’ignoble « crapulosité » de certaines cultures et/ou coutumes … La « colonisation » – aujourd’hui tant décrié (et complètement à tort à qlq exceptions !) – avait justement pour but d’amener la « civilisation du respect humain » … quoiqu’en dise nos gauchistes ignares, ignorants ET limités à leurs… Lire la suite »

dodo15
dodo15
3 années

Ce que vous oubliez de préciser tout comme AI c’est la kafala est une pratique musulmane car le racisme contre les noirs est si je puis dire « blanc » et les arabes font partie des « blancs ! Vous êtes donc malhonnête…