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Municipales : à Goussainville, un nouveau maire accusé d’avoir été fiché S
Abdelaziz Hamida, qui s'est présenté sans étiquette, a été élu maire de Goussainville, dans le Val-d'Oise.

Municipales : à Goussainville, un nouveau maire accusé d’avoir été fiché S

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Abdelaziz Hamida, anciennement proche de l’islam rigoriste, a été élu dimanche 28 juin à Goussainville, commune déshéritée du Val-d’Oise. Il avait porté plainte contre l’Express, qui affirmait qu’il était fiché S. Un procès doit se tenir à la mi-septembre.

En temps ordinaire, il y a du bruit au-dessus de Goussainville. Cette commune du Val-d’Oise, qui compte 30.000 habitants, est perpétuellement survolée par les avions qui décollent et atterrissent à Roissy-Charles-de-Gaulle. Autant dire que le confinement et la réduction drastique du trafic aérien ont apporté un peu de calme... Mais un autre évènement a marqué la commune, ce dimanche 28 juin : un nouveau maire a été élu au second tour des municipales. Abdelaziz Hamida, un quadragénaire franco-marocain sans étiquette politique, l’a emporté dans une triangulaire avec 38% des voix, face au maire sortant Alain Louis (divers gauche) et à la candidate LR Elisabeth Hermanville, ancienne maire de la commune.

Procès à la mi-septembre

Un aboutissement pour l’heureux élu, conseiller municipal depuis 2014, qui s’était lancé en campagne dès le début de l’année 2019. Mais un sparadrap colle au nouvel édile : l’Express a révélé en septembre 2019 qu’il avait fait l’objet d’une fiche S pour islamisme. « Hamida avait éveillé l’attention des services de renseignement en raison de ses activités prosélytes et pour compter dans son entourage plusieurs personnes fichées pour radicalisme », écrivait l’hebdomadaire. L’intéressé s’en défend et a porté plainte en diffamation, ce qui donnera lieu à un procès.

« La date d’audience doit être confirmée prochainement, mais ce sera a priori mi-septembre devant la 17e chambre du Tribunal de grande instance de Paris », indique Abdelaziz Hamida à Marianne. Pas sûr, toutefois, que la justice fasse la lumière sur l’éventuel fichage du nouveau maire. « Il ne se passera absolument rien, parie une source policière. La position de principe du ministère de l’Intérieur est de ne pas répondre et les journalistes vont invoquer le secret des sources. »

"Vrai républicain"

Goussainvillois de naissance, Abdelaziz Hamida est devenu une personnalité incontournable de la ville, dont il a été président du club de football. Celui qui se définit comme « entrepreneur » a développé des boulangeries prospères dans la commune. Musulman pratiquant, il avait été l’interlocuteur du maire sortant Alain Louis pour la construction, il y a une dizaine d’années, de la mosquée Essalam, réputée proche de l’UOIF, une émanation des Frères musulmans. Selon une source policière citée par l’Express, Hamida aurait aussi fréquenté le Tabligh, un mouvement fondamentaliste musulman dont la spécialité est le prosélitysme. C’était avant que le maire Alain Louis ne lui propose d’entrer dans sa majorité, en 2014. Quatre ans plus tard, l’intéressé lui faussait compagnie pour passer dans l’opposition et se lancer à l’assaut de l’hôtel de ville.

La campagne a donc été tendue ces derniers mois, les adversaires d’Abdelaziz Hamida l’accusant à mots plus ou moins couverts de communautarisme. L’intéressé, qui se présente comme « un vrai républicain » et tient un discours à l’avenant, a troqué il y a quelques années la djellaba contre le costume. Une manière de tourner le dos à une pratique rigoriste ? « C’est la première personne à Goussainville dont l’épouse était entièrement voilée », affirmait ce mercredi sur Sud Radio le médiatique policier Noam Anouar, lui aussi enfant de Goussainville. « Sa femme a retiré le voile intégral par la suite. »

« Il est entouré par des communicants très efficaces, mais pas par des personnes qui peuvent mener une véritable action », tacle la conseillère municipale Véronique Danet, de La France insoumise.

Dans son communiqué de victoire, Abdelaziz Hamida martèle en tout cas sa volonté de « faire table rase des partis politiques et de la gestion hasardeuse de notre commune qui été fortement abimée ces dernières décennies ». Pour lui, les Goussainvillois « aspirent à se rassembler autour des valeurs de la République pour rebâtir, grâce à cette nouvelle équipe issue de la Société civile, une ville plus forte et plus fraternelle ».

Le nouveau maire aura fort à faire, surtout dans cette partie déshéritée du Val-d’Oise, un peu plus fragilisée par la forte exposition du département au coronavirus. 27% des habitants de Goussainville - qui compte un tiers de population immigrée - vivent sous le seuil de pauvreté et le chômage culmine à 17%, selon l’Insee. Abdelaziz Hamida pourra-t-il faire face ? « Il est entouré par des communicants très efficaces, mais pas par des personnes qui peuvent mener une véritable action », tacle la conseillère municipale Véronique Danet, de La France insoumise, qui a obtenu 6% des voix au premier tour. Sans compter ce passé sulfureux qui risque de poursuivre Monsieur le maire.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne