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Emmanuel Macron, l’homme qui apprend vite

ÉDITORIAL. Le président français a appris de ses erreurs et du tumulte de la première partie de son mandat. S’il parvient à calmer le pays et à donner de l’oxygène à un système politique ébranlé, sa présidence peut être remise sur les rails

Emmanuel Macron à Paris, le 29 juin 2020. — © REUTERS/Christian Hartmann
Emmanuel Macron à Paris, le 29 juin 2020. — © REUTERS/Christian Hartmann

C’est en porteur individuel d’un projet singulier visant à dépasser le clivage droite-gauche pour «transformer la France» qu’Emmanuel Macron a réussi, en mai 2017, à se faire élire président de la République.

Ce bonapartisme congénital, ce goût de la conquête – et de la reconquête – demeurent les premiers ingrédients de la réussite du locataire de l’Elysée. Emmanuel Macron sait qu’il est seul et ce n’est pas pour lui déplaire. Après trois ans de pouvoir marqués par le séisme des «gilets jaunes», le chef de l’Etat a certes compris qu’il doit calmer les colères et que l’exécutif court de grands risques si les braises de l’incendie social devaient se rallumer à la faveur du creusement des inégalités et de l’explosion du chômage version Covid-19. Mais il a aussi acquis la conviction que l’art de la défensive, logiquement à l’œuvre durant la crise sanitaire, ne lui convient pas. C’est par son volontarisme que le macronisme se définit. Il lui fallait donc, deux ans avant l’échéance présidentielle, retrouver les moyens d’agir.

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Son changement de premier ministre doit se comprendre ainsi. Face à cet archipel qu’est la société française, souvent écartelée par sa diversité, Emmanuel Macron a plus besoin d’un contremaître «couteau suisse» que d’un chef d’état-major soucieux de ménager ses divisions, voire d’avancer ses propres pions. La réforme des retraites de 2019, devenue illisible à force de dissensions au sommet, fut largement dénaturée par ces divergences. Le risque était donc grand qu’elles augmentent encore entre ce chef de l’Etat toujours tenté par la transgression et le conservateur Edouard Philippe sur des sujets tels que l’organisation prochaine d’un référendum «écologique» ou l’engagement, pris le 14 juin, à réformer l’Etat pour ramener plus de décisions aux niveaux régional, départemental ou local…

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La question, maintenant, est de savoir si Jean Castex, le nouveau chef du gouvernement, et les ministres qu’il va nommer ce week-end pourront compenser les faiblesses intrinsèques du macronisme révélées depuis 2017. Comment dissiper ce sentiment d’arrogance qui flotte au-dessus de l’Elysée? Comment convaincre une majorité de Français que moins d’Etat peut, aussi, être parfois la solution? Comment amorcer une décentralisation effective et convaincre que la transition écologique est prise au sérieux? Comment, surtout, concilier volonté de réformes, compétitivité et demande généralisée d’Etat providence, alors que la rentrée économique s’annonce très difficile? Emmanuel Macron a la force d’un homme qui apprend vite et reste sûr de lui. S’il parvient à répondre à ces questions de façon apaisée, sa présidence peut être remise sur les rails. Sauf qu’une bonne partie des Français, eux, ne sont pas aussi rapides. Et qu’ils restent loin d’être tous convaincus.