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Consigny: «La décision du New York Times d’écrire ‘Black’ avec une majuscule et ‘white’ avec une minuscule est lunaire»

Le batiment de la rédaction du New-York Times. JOHANNES EISELE/AFP

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Pour l’avocat, cette règle d’orthographe décidée par le quotidien new-yorkais est symptomatique d’une hystérisation des débats de société outre-Atlantique.

Charles Consigny est journaliste et écrivain.


FIGAROVOX.- Vous vous êtes insurgé sur Twitter contre cette décision du New York Times d’écrire «Black» avec une majuscule et «white» avec une minuscule. Pourquoi?

Charles CONSIGNY.- Le simple fait qu’ils se posent cette question me paraît lunaire. Je pense que le New York Times, comme toute une partie de la gauche américaine et des médias américains, se sont perdus dans une espèce de dérive progressisto-autoritaire, autoritaro-progressiste, facho-progressiste, qui est inquiétante. Mais en même temps, il y a un côté comique: ils poussent la dévotion jusqu’au ridicule. Ce sont des bigots de l’antiracisme, jusqu’à la haine de soi. La décision en soi n’est pas très importante parce que le New York Times n’est pas non plus l’alpha et l’oméga de la presse. Ce qui est intéressant c’est la portée symbolique d‘un tel choix.

Ce type de décision ne peut qu’ajouter à l’hystérie générale.

D’après Libération, cette décision a été prise après consultation d’une centaine de personnes...

Je pense qu’ils se perdent dans des initiatives qui me paraissent totalement secondaires par rapport à ce dont ils devraient s’occuper. C’est avoir beaucoup de temps que de le passer à tout cela, surtout s’il s’agit d’interroger une centaine de personnes pour prendre une décision aussi grotesque. Il me semble que le progressisme au sens de mode intellectuelle et journalistique finit par rendre les gens stupides et les distrait de leurs responsabilités. La responsabilité d’un grand journal comme le New York Times - mais cela vaut aussi pour des grands journaux français ou les figures politiques - est de s’occuper des problèmes les plus prégnants et de ne pas mettre de l’huile sur le feu. Or, aux États-Unis, il y a des soulèvements autour du mouvement Black Lives Matter et ce type de décision ne peut que mettre de l’huile sur le feu. Cela va hystériser davantage le débat sur ces questions.

On ne parle plus en terme de classes mais en terme de communautés.

J’observe d’ailleurs que l’ennemi n°1 du New York Times, le président Donald Trump, s’occupe, lui, de sujets concrets et importants pour son pays et pour le peuple américain, et en premier lieu le comportement conquérant de la Chine auquel les occidentaux doivent résister s’ils ne veulent pas se retrouver en position de plus en plus dominée. Autant de sujets que le New York Times, qui est devenu un journal de pseudo élites décérébrées, n’aborde plus. On peut tout à fait faire le parallèle avec ce qu’il se passe dans notre propre pays, où les thèmes qui obsèdent les progressistes ont pris le pas dans le débat public sur les sujets qui préoccupent réellement la population et vers lesquels devraient se tourner les responsables politiques et les médias.

Le Los Angeles Times, USA Today et de nombreuses autres rédactions ont fait le même choix. Et bientôt en France?

Les Américains ont quand même un rapport au communautarisme, à la cohabitation des différentes communautés qui composent leur communauté nationale différent du nôtre. Heureusement, nous ne sommes pas encore totalement communautaristes. Il nous reste un peu d’universalisme. Ce qui m’inquiète et ce qui en même temps me désole pour ceux que l’on prétend aider, c’est que quand on privilégie une approche ethnicisante des problèmes et qu’on ethnicise le débat politique, cela fait qu’on ne parle plus en termes de classes, mais en termes de communautés. Par voie de conséquence, les premiers problèmes de ceux que l’on défend ne sont plus la pauvreté, la relégation, l’exclusion territoriale, mais les discriminations et le racisme. C’est une injure faite aux populations faibles de nos pays que d’ethniciser les problèmes: cela revient à mettre au second plan les difficultés les plus prégnantes que rencontrent ces personnes. D’ailleurs quand surgissent des phénomènes qui ne correspondent pas à la grille de lecture progressiste, comme les gilets jaunes qui sont dans l’ensemble plutôt des «Blancs» qui manifestent contre leur pauvreté, le système progressiste se retrouve incapable de plaquer dessus sa lecture ethnicisante des problèmes et réagit par l’hostilité en fascisant ces pauvres gens qu’il faut évidemment écouter. Je pense que cette lecture est en fait l’œuvre de privilégiés, de journalistes et autres éditorialistes qui ont une approche coquette de tout ça, qui leur donne le sentiment d’être des intellectuels, qui leur permet de parler comme le New York Times, et non pas une lecture réelle de ces problèmes qu’ils auraient s’ils n’étaient pas dans le confort de leur ministère ou des restaurants parisiens où ils déjeunent.

Consigny: «La décision du New York Times d’écrire ‘Black’ avec une majuscule et ‘white’ avec une minuscule est lunaire»

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40 commentaires
  • Bradito

    le

    Autant je trouve ridicule cette décision du New York Times, autant l'argument de dire que c'est une perte de temps d'avoir ce type de réflexion ne tient pas.
    Qui décide de ce sur quoi on réfléchit ?
    Oser parler de perte de temps quand on parle de réflexion est un non sens.
    Si on savait tout à l'avance, on n'aurait pas besoin de "perdre du temps" à réfléchir.
    Réfléchir porte en soi l'idée d'une démarche qui demande du temps, sans certitude de réussir en plus.

  • Robinson Crusoe

    le

    La marque de whisky s'écrit bien "Black and white"... ces américains toujours aussi alcoolisés !

  • ERIC DUCERF

    le

    Je propose que nous ne nous nettoyions plus les ongles pour les avoir bien noirs

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