10 choses à savoir sur Ennio Morricone, compositeur génial et prolifique

Ennio Morricone, en 2016

Ennio Morricone, en 2016 HEIKKI SAUKKOMAA / AFP

Le compositeur de Sergio Leone est mort à l’âge de 91 ans. Fin 2018, il publiait un passionnant livre d’entretiens.

Ennio Morricone est mort ce lundi 6 juillet. Nous republions cet article initialement publié sur notre site le 21 novembre 2018.

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1 Maestro

Il se dit que Morricone est un homme odieux. Il insulte les journalistes, terrorise ses collaborateurs. Il exige qu’on l’appelle « Maestro ». Il se vexe vite. Avant l’interview qu’il nous a accordée, notre cœur battait la chamade. C’en fut presque décevant : il a été délicieux.

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2 Echecs

Morricone est un bon joueur d’échecs. (Comme Prokofiev et John Cage, qu’il a connu.) Il a été l’élève du maître international Stefano Tatai. Il a joué contre Kasparov et Karpov, qui l’ont battu. A Turin, en 2000, il a rencontré Boris Spassky, auquel il a arraché une égalité. « Plus tard, dit-il, Spassky m’a avoué qu’il avait joué sans trop pousser. »

3 Avant-garde

Jeune, Morricone voulait être un compositeur avant-gardiste. Il croyait au sérialisme, au dodécaphonisme, à l’atonal. Il révérait Schönberg, Ligeti et Luigi Nono. Mais il faut bien vivre, et Morricone travaillait comme arrangeur, en cachette, pour des orchestres de télévision et de maisons de disques. « Si mes collègues compositeurs du conservatoire avaient découvert mes travaux alimentaires, ils m’auraient exclu », dit-il.

4 Leone

Il poursuit : « Je n’aurais jamais imaginé devenir compositeur célèbre de musiques de film. » Comme quoi. Premier film : « Mission ultrasecrète » (1961), un drame burlesque de Luciano Salce, qui a vieilli. En 1963, Sergio Leone, jeune inconnu, l’appelle pour un film intitulé « l’Etranger magnifique ». (Le titre deviendra « Pour une poignée de dollars ».) « Le nom de Leone me disait quelque chose, dit Morricone, et, dès qu’il s’est retrouvé devant chez moi, ma mémoire s’est activée » : les deux étaient dans la même école primaire, à Rome, dans le quartier du Trastevere. Ils étaient amis. Ils s’étaient oubliés.

5 Navet

A propos de la mythique musique de « Pour une poignée de dollars », Morricone dit : « Elle fait partie des pires que j’aie écrites. » Un an après la sortie, il est allé revoir le film avec Leone. Après la séance, ils se sont regardés et se sont exclamés, ensemble : « Quel navet ! »

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6 Expérimental

Morricone, qu’on connaît pour ses thèmes efficaces, est un moderne. Il a fait partie d’un groupe expérimental, le Gruppo di Improvvisazione Nuova Consonanza, qui donnait dans la musique aléatoire. (On a écouté : on l’a regretté.) Il compose des pièces parfois déroutantes de « musique absolue ». Même pour le cinéma, il expérimente. Il a inventé une méthode : la partition modulaire, qui permet de multiplier les combinaisons, les contrepoints et les superpositions. Il use et abuse des instruments rares – l’arghilofono, le célesta, le marranzano (guimbarde).

7 Kubrick

La liste des réalisateurs pour lesquels Morricone a travaillé est impressionnante. Almodóvar, De Palma, Polanski, Malick, Carpenter, Oliver Stone, William Friedkin, John Boorman, sans parler des Italiens – Pasolini, Tornatore, les frères Taviani. Il n’est pas un collaborateur facile. Il n’aime pas les cinéastes trop directifs, et il n’aime pas non plus ceux qui le laissent trop libre. On raconte qu’il s’est souvent fâché. Lui dit :

« Je ne me dispute jamais avec les réalisateurs. Je les quitte avant. »

Celui avec lequel il regrette de n’avoir jamais travaillé : Kubrick. Il devait faire « Orange mécanique », mais il a dû y renoncer, pris par « Il était une fois la révolution ». Il a aussi failli travailler sur « Dune », de David Lynch.

8 Tarantino

Tarantino a souvent utilisé des musiques que Morricone avait écrites pour d’autres films, ce qui gênait le compositeur. Les deux ont collaboré pour la première fois sur « les Huit Salopards ». L’expérience a été difficile. Morricone, qui trouve que Tarantino travaille trop vite, dit admirer le réalisateur de « Pulp Fiction », mais ne pas aimer sa tendance au sanguinolent.

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9 Amérique

Morricone n’aime pas beaucoup les Etats-Unis. Le producteur Dino De Laurentiis lui a proposé d’y vivre, allant jusqu’à lui offrir une villa à Los Angeles, mais il a décliné son offre. Il ne parle pas un mot d’anglais. Il a longtemps refusé de travailler pour les Américains, qui ne lui proposaient que des westerns. (Morricone a refusé presque tous les westerns, dont ceux de Clint Eastwood, « par respect pour Leone ».) Plus tard, il a pris Hollywood en grippe, lorsqu’il a « découvert que [ses] honoraires, parmi les plus élevés d’Europe, étaient aux Etats-Unis comparables à ceux d’un compositeur de médiocre réputation ».

10 Spaghetti

En Italie, l’expression « western spaghetti » est péjorative. Ne jamais l’employer devant Morricone. Ça le rend, dit-on, odieux.

David Caviglioli

« Ma musique, ma vie », avec Alessandro De Rosa, éditions Séguier.

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