Les passagers très mal notés "recevront des astuces pour améliorer leur notation", précise Uber

En 2015, le siège de la société est perquisitionné "façon cowboy", se souvient un employé de l'époque.

afp.com/Josh Edelson

Une course à deux temps. La plateforme américaine de VTC Uber a été redressée à deux reprises par les services de Bercy. Les régularisations ont eu lieu en décembre 2018 (pour les années 2012-2015) puis en mars 2019 (pour les années 2016 et 2017) pour un total cumulé de plus d'un million d'euros. Si le montant exact reste confidentiel, secret fiscal oblige, la société aurait, selon nos informations, réglé près de 600 000 euros sur le premier versement puis 700 000 euros sur le second.

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Contacté, le groupe a confirmé les transactions à L'Express et a ajouté : "Uber a toujours rempli toutes ses obligations fiscales et investit en permanence dans les pays dans lesquels il opère. Comme beaucoup d'autres entreprises, elle a été soumise à un contrôle fiscal qui a été finalisé plus tôt cette année. C'est le résultat de notre approche de transparence et d'ouverture continues auprès de l'administration fiscale."

Toujours est-il qu'après cinq années de contrôle par l'administration, le redressement a donc pris fin en mars 2020, mettant un terme à plusieurs années de guerre dans les prétoires. Rappel des faits.

Perquisition musclée

Le 6 juillet 2015, le siège de la société est perquisitionné "façon cow-boy" se souvient un employé de l'époque, par les agents du fisc afin de mettre la main sur "la preuve de la soustraction de la société Uber à l'établissement et au paiement des impôts sur le bénéfice et des taxes sur le chiffre d'affaires". Le groupe est soupçonné de minorer son activité dans l'Hexagone en renvoyant la majeure partie de son chiffre d'affaires vers sa société mère aux Pays-Bas, Uber BV.

La filiale française estime, elle, ne fournir qu'un rôle de prestataire de services pour lequel elle n'a touché que 20 millions d'euros de chiffre d'affaires à l'époque. A l'inverse, pour Bercy, la société "réalise les missions de recrutement des salariés, des chauffeurs, le développement et le suivi de l'activité, notation, pouvoir de sanction qui va au-delà des seules missions de marketing et promotion". En clair, elle a une activité commerciale en France (un établissement stable) et doit donc payer davantage d'impôts et de taxes.

Une plateforme qui ne se laisse pas faire

A cette époque, Uber est dans le collimateur des pouvoirs publics. Dès 2014, la plateforme lance UberPop, un service controversé de mise en relation de chauffeurs non professionnels. L'entreprise américaine défie alors frontalement les autorités et maintient coûte que coûte son offre malgré les injonctions. Le bras de fer se termine à l'été 2015 quand Uber accepte enfin de cesser cette activité. Mais le mal est fait vis-à-vis du gouvernement de l'époque qui prend alors fait et cause contre Uber et son modèle. "On s'est retrouvé dans l'oeil du cyclone", se souvient un des acteurs de l'époque.

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Toutefois, Uber France ne s'est pas laissé faire et a entamé deux procédures distinctes. Dans la première, elle a formé un recours pour ne pas avoir eu droit à l'assistance d'un avocat lors des opérations de visites et de saisies. Dans la deuxième procédure, elle s'est directement attaquée à la décision du juge des libertés et de la détention considérant l'absence de tout fondement pour justifier le raid. Au bout de plusieurs années, Uber a gagné la première manche devant la Cour de cassation en décembre 2018 faisant condamner le fisc. En revanche, l'entreprise n'a pas réussi à faire annuler la perquisition et a perdu la dernière manche en janvier 2019, là aussi devant la Cour de cassation.

Taxe Gafa

Depuis ces démêlés, Uber n'a cessé de croître en France pour atteindre 52,3 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2018, pour un bénéfice de 1,69 million d'euros. Cette année-là, la célèbre application pour mobile a versé seulement 1,2 million d'euros d'impôts sur les bénéfices. Le gros de l'activité passe donc aux Pays-Bas et même là-bas le groupe ne paie quasi-rien.

Comme le révélait BFM, cette structure doit s'acquitter d'une lourde charge envers une autre filiale située aux Bermudes, archipel britannique retiré de la liste des paradis fiscaux l'an dernier par l'Europe. Celle-ci encaisse une redevance sur la technologie utilisée par les sociétés européennes et ne s'acquitte d'aucun impôt sur place.

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Afin de lutter contre ces montages agressifs d'optimisation fiscale, le gouvernement français a mis en place une taxe Gafa sur le chiffre d'affaires dont Uber s'est acquitté comme Google ou encore Facebook. Cet impôt transitoire a été créé à la hâte en attendant qu'un accord soit trouvé au niveau des pays de l'OCDE pour établir de nouvelles règles communes de taxation. Alors que les négociations étaient très avancées, les Etats-Unis ont décidé mi-juin de suspendre leur participation. Comme les autres géants du numérique, Uber attend donc de savoir à quelle sauce il va être taxé.

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