Des juges d’instruction vont enquêter sur le scandale des cadavres de la fac de médecine

Les révélations des conditions de conservation des cadavres au Centre du don des corps à Paris avaient provoqué une vive émotion. Soixante-dix plaintes ont d’ores et déjà été déposées.

Ces dysfonctionnements auraient eu lieu jusqu’en 2018 au Centre du don des corps de l’université René-Descartes à Paris

Ces dysfonctionnements auraient eu lieu jusqu’en 2018 au Centre du don des corps de l’université René-Descartes à Paris CAPTURE D'ÉCRAN/STREETVIEW

Sept mois après des révélations sur les conditions de conservation des cadavres au Centre du don des corps à Paris qui avaient provoqué un fort émoi, l’enquête sera désormais conduite par des juges d’instruction, comme le souhaitaient les plaignants.

Le pôle santé publique du parquet de Paris, qui avait lancé une enquête préliminaire dès le lendemain de la parution d’un article de « l’Express » sur ce centre spécialisé de l’université Paris-Descartes, a ouvert mercredi 8 juillet une information judiciaire dans cette affaire pour « atteinte à l’intégrité du cadavre ».

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Cela signifie que ce seront désormais des magistrats instructeurs qui mèneront les investigations.

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Interrogée par l’AFP, Laurence Dezélée, vice-présidente de l’association Charnier Descartes Justice et Dignité pour les Donneurs (CDJD), qui réclamait cette évolution depuis des mois, s’est dite « extrêmement contente ».

« C’est une très bonne nouvelle », s’est aussi réjoui Me Frédéric Douchez, avocat de plusieurs dizaines de familles ayant porté plainte, soulignant que les juges d’instruction avaient des « pouvoirs d’investigation beaucoup plus larges » que ceux dévolus au parquet en enquête préliminaire.

Environ 70 plaintes ont déjà été déposées à ce jour et d’autres devraient l’être dans les semaines à venir.

Des corps vendus pour des crash-tests

« L’ouverture d’une information judiciaire va dans le bon sens », a pour sa part réagi Me Patrick Maisonneuve, qui défend l’Université de Paris, issue de la fusion au 1er janvier dernier entre Paris-Descartes et Paris-Diderot.

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« L’Université de Paris a toujours exprimé son souci de voir la vérité établie dans cette affaire », a-t-il déclaré, indiquant que l’institution souhaitait se porter partie civile dans le dossier.

Locaux vétustes, dépouilles putréfiées et rongées par les souris, soupçon de marchandisation des corps… Dans un article publié le 27 novembre 2019, « l’Express » avait dénoncé les « conditions indécentes » de conservation de dépouilles de « milliers de personnes ayant fait don de leur corps à la science ».

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L’hebdomadaire avait aussi pointé le rôle joué par le Pr Guy Vallancien, ancien chargé de mission auprès de plusieurs ministres de la Santé, et par sa société anonyme – l’Ecole européenne de chirurgie –, créée en 2001 au sein de l’université. Celle-ci revendait des corps, notamment aux industriels pour leurs propres tests, comme des crash-tests automobiles, selon l’hebdomadaire.

Ces révélations avaient conduit la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, à ordonner la fermeture du « temple de l’anatomie française », fondé en 1953 et qui accueillait chaque année plusieurs centaines de corps donnés volontairement à la science.

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La ministre avait aussi mandaté l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l’Education, du Sport et de la Recherche (IGESR) pour mener une inspection administrative.

Dilution des responsabilités

Dans ses conclusions, publiées le 13 juin, cette inspection a estimé que l’université Paris-Descartes était responsable de « graves manquements éthiques » dans la gestion du CDC, qui ont perduré pendant plusieurs années.

Pour la mission, « la responsabilité de l’université est établie car ces faits graves ont bien eu lieu, les alertes ont été adressées aux différentes autorités de l’université et il ne leur a pas été durablement apporté de correction avant 2018 ».

Parmi les causes, le rapport pointe une dilution des responsabilités, des rivalités de pouvoir, l’absence d’instance de régulations ainsi qu’une « course au développement de l’activité avec des partenaires de formation privés et industriels prestigieux » destinée à pallier des problèmes de financement.

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Il n’a en revanche identifié, au plan individuel, « ni intention, ni volonté de nuire ou de porter atteinte aux cadavres, en dehors du cas particulier de certains préparateurs » qui « aurait dû être traité au niveau disciplinaire à plusieurs reprises ».

Selon une source proche de l’enquête, il risque d’être « difficile de caractériser des infractions : on est sur une période longue, avec des négligences à différents niveaux ».

A la veille de la publication de ces conclusions, l’ancien président de l’université Frédéric Dardel, devenu conseiller de Frédérique Vidal, et qui était aussi cité dans « l’Express », a été démis de ses fonctions.

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