HONG KONG - Les actions de la Chine envers Hong Kong mettent à mal la diplomatie internationale. Ce jeudi 9 juillet, Pékin a adressé une mise en garde à Paris au lendemain d’une intervention du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Celui-ci a annoncé “des mesures” en représailles à la politique de Pékin à Hong Kong. Et la France n’est pas le seul pays à préparer sa riposte.
Pékin a imposé la semaine dernière une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, qui vise à réprimer la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères, en réponse à la contestation lancée l’an dernier contre le pouvoir central dans l’ex-colonie britannique. Elle constitue le changement le plus radical pour Hong Kong depuis sa rétrocession par le Royaume-Uni à la Chine en 1997. Les militants prodémocratie redoutent une érosion sans précédent des libertés et de l’autonomie dans le territoire.
Et cette situation préoccupe tout autant au niveau international: le 4 juillet, de nombreux pays occidentaux, parmi lesquels 27 membres du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, ont condamné ce texte, redoutant qu’il n’entraîne la répression de toute opposition politique.
Ce qui n’a pas empêché Pékin d’annoncer ses premières arrestations en vertu de la loi sur la sécurité et de demander le retrait des livres scolaires pouvant violer ladite loi.
Face à ces annonces, plusieurs pays ont décidé de prendre des dispositions pour riposter contre Pékin.
La France annonce des mesures contre Pékin
On ne sait pas pour le moment en quoi consistent les mesures évoquées par Jean-Yves Le Drian, mais devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat, le ministre a déclaré que la France n’allait pas rester inactive sur la question hongkongaise. “Nous envisageons des mesures que je serai amené à diffuser le moment venu”, a-t-il ajouté, soulignant vouloir le faire en “coordination” avec d’autres pays européens.
“Il y a vraiment une rupture par rapport à la loi fondamentale de 1997, par rapport au principe ‘un pays, deux systèmes’ (...) donc on ne va pas rester comme cela”, a insisté le ministre.
L’Australie vient en aide aux Hongkongais
Après avoir annoncé la suspension de son accord d’extradition avec Hong Kong, l’Australie a offert ce jeudi 9 juillet sa protection aux Hongkongais vivant dans le pays. Le Premier ministre Scott Morrison entend offrir à des milliers de Hongkongais vivant dans le pays le titre de résident permanent.
Scott Morrison a expliqué avoir pris ces décisions car la loi sur la sécurité nationale “constitue un changement fondamental de la situation”. Il a affirmé avoir informé les autorités chinoises et hongkongaises de ces projets.
Le Premier ministre a déclaré que les visas d’environ 10.000 Hongkongais vivant dans le pays seraient prolongés de cinq ans. “Si vous êtes titulaire d’un visa temporaire, votre visa sera prolongé de cinq ans à compter d’aujourd’hui (...) avec une possibilité de résidence permanente à l’issue de cette période”, a-t-il déclaré. “Et nous offrirons également un visa de cinq ans pouvant aboutir à la résidence permanente pour les futurs Hongkongais qualifiés demandeurs de visas temporaires, sous réserve notamment qu’ils répondent à une liste de compétences”, a-t-il ajouté.
Le Royaume-Uni veut se proposer en asile
Ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni est le pays qui se montre le plus ouvert, en proposant à près de la moitié des 7,5 millions de Hongkongais une éventuelle naturalisation
Le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab a en effet affirmé devant le Parlement que son pays avait le devoir de s’occuper des habitants du territoire rétrocédé en 1997. Londres envisage de faciliter l’accès à la citoyenneté britannique pour les titulaires du passeport britannique d’outre-mer (British National Overseas, BNO), et leurs dépendants, soit plus de trois millions de personnes.
Tout Hongkongais né avant la rétrocession peut prétendre au BNO. Environ 300.000 personnes le possèdent actuellement, mais 2,7 millions sont éligibles et les administrations ont fait état d’une recrudescence de demandes.
Pressions pour évincer Huawei de la 5G à Londres
Ce n’est pas la seule action que peut entreprendre Londres pour contrarier Pékin: selon plusieurs journaux britanniques, le gouvernement britannique souhaite désormais éliminer Huawei de son réseau 5G, après avoir donné fin janvier son feu vert à une participation limitée de l’équipementier sur ses infrastructures non stratégiques.
Certes cette décision est particulièrement motivée par les sanctions américaines en lien avec des soupçons d’espionnage, mais le Premier ministre Boris Johnson subit également une pression politique croissante. Le but: se débarrasser de Huawei et adopter une ligne plus dure avec la Chine, mise en cause pour sa loi de sécurité et accusée de répression à l’encontre de la minorité musulmane ouïghoure.
Les États-Unis déploient un panel de mesures
Le Congrès américain a adopté le 2 juillet une loi prévoyant de sanctionner les responsables chinois appliquant les nouvelles règles sécuritaires répressives contre Hong Kong et de cibler les banques qui les financent. La loi devra encore être promulguée par le président Donald Trump pour entrer en vigueur et la Maison Blanche n’a pas indiqué s’il comptait le faire ou mettre son veto.
Des parlementaires républicains et démocrates ont également présenté une autre proposition de loi, le “Hong Kong Safe Harbor Act”, qui placerait les habitants de Hong Kong dans une catégorie prioritaire pour réclamer le statut de réfugié, similaire à celle accordée aux Cubains.
Elle ouvre aussi “une voie vers l’asile politique pour les militants en première ligne, en danger immédiat”, a précisé l’un des co-auteurs du texte à la Chambre, le républicain John Curtis.
Le texte appelle en outre le secrétaire d’État américain à coordonner l’accueil de “Hongkongais comme réfugiés avec les autres pays partageant la même position”.
D’autres représailles étudiées
D’autres sanctions sont également en réflexion. Selon l’agence de presse américaine Bloomberg, l’idée de s’en prendre à la parité de change, par exemple en limitant l’accès des banques hongkongaises au dollar américain, figure parmi les représailles envisagées par Washington à l’encontre de Pékin.
Cette éventualité n’a toutefois pas été discutée au plus haut niveau de l’administration du président américain Donald Trump, ont précisé des sources ayant requis l’anonymat citées par l’agence de presse.
D’autres options, dont l’annulation du traité d’extradition entre Hong Kong et les États-Unis, ainsi que la coopération avec la police du territoire, sont également étudiées, selon Bloomberg.
Le Canada suspend son traité d’extradition et certaines exportations
Le Canada a annoncé le 3 juillet qu’il suspendait son traité d’extradition avec Hong Kong ainsi que ses exportations de matériel militaire “sensible” en réaction à l’imposition de la loi sur la sécurité nationale.
Dès maintenant, “le Canada traitera les exportations de biens sensibles vers Hong Kong de la même façon que ceux destinés à la Chine. Le Canada n’autorisera pas l’exportation d’articles militaires sensibles vers Hong Kong”, a indiqué Justin Trudeau.
Il a souligné l’“importance” que le Canada accordait au principe d’“un pays, deux systèmes” non seulement pour les 7,5 millions de Hongkongais mais aussi pour “les 300.000 Canadiens qui vivent” sur le territoire. “C’est pourquoi nous allons continuer d’examiner des mesures que nous pourrions prendre pour assurer la sécurité de ses citoyens”, notamment “en matière d’immigration”, a-t-il évoqué sans plus de précisions.
“Le rôle de Hong Kong en tant que plaque tournante mondiale s’est construit sur cette base. En son absence, le Canada est contraint de réévaluer les dispositions existantes”, a expliqué de son côté François-Philippe Champagne, ministre canadien des Affaires étrangères.
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