Le mot « archéologie » évoque l’exploration des civilisations disparues, une plongée dans un passé lointain. On voit s’élever le Parthénon, les pyramides égyptiennes ou mayas, les temples d’Angkor, les mégalithes de Carnac… On s’imagine volontiers chez les Gallo-Romains, au temps des chevaliers et des cathédrales, mais plus le jadis se rapproche, moins l’archéologie semble y avoir sa place, comme si le vestige d’hier avait moins d’intérêt et de valeur que celui d’avant-hier, comme si un site devait sa respectabilité scientifique à son grand âge.
Pourtant, la machine à remonter le temps fait désormais des sauts dans un passé de plus en plus proche. Cela a commencé avec les recherches sur les champs de bataille de la première guerre mondiale, cela s’accentue avec des incursions sur ceux de la seconde, comme le montre la fouille qui s’est achevée vendredi 10 juillet dans la plaine de Caen, à Bretteville-sur-Odon (Calvados).
Au milieu des champs de blé qui attendent la moisson doivent bientôt s’installer entreprises et lotissements, non loin de l’aéroport de Carpiquet. Or, celui-ci, il y a quatre-vingts ans, tombait dans l’escarcelle des troupes allemandes qui allaient, dès 1941, en faire une base de la Luftwaffe, défendue par plusieurs installations antiaériennes, dont celle de Bretteville.
« Une architecture inconnue »
Il y avait donc là une batterie de canons de 20 millimètres et une garnison de 120 hommes, base arrière du célèbre mur de l’Atlantique. On est loin cependant des casemates lourdement défendues, des patibulaires bunkers en béton armé. « Ceux-ci ne sont que la partie émergée d’un système plus vaste, qui ne se limite pas au trait de côte ni aux structures de béton, explique Benoît Labbey, l’archéologue de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) qui a mené la fouille de Bretteville. Contrairement aux blockhaus qui sont standardisés, nous avons ici une structure non réglementaire, avec une architecture inconnue. Cela nuance notre connaissance du mur de l’Atlantique. »
Hermann Göring ayant ordonné la destruction des archives de la Luftwaffe, rien pour ainsi dire ne décrit l’organisation du site. Les fouilles révèlent qu’il était divisé en deux parties. Au sud, la zone défensive, où les canons antiaériens étaient installés. A l’écart se trouve une tranchée rectiligne d’une cinquantaine de mètres de long, desservant cinq pièces carrées de 3,50 mètres de côté où devaient être stockées les munitions. Pour construire les murs de ces chambres enterrées, les Allemands ont utilisé le matériau local, le calcaire de Caen, ce d’autant plus facilement qu’une ancienne carrière se trouvait à proximité immédiate.
Il vous reste 56.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.