Le mythe de Sisyphe ou le sens de l'absurde

. ©Getty - erhui1979
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Si ça ne va pas fort aujourd'hui, dites-vous que vous auriez pu être Sisyphe.

Je sais, il faut imaginer Sisyphe heureux, c'est une phrase d'abord prononcée par le penseur japonais Kuki Shuzo avant de l'être par Albert Camus. Mais Sisyphe ne se laisse justement pas facilement imaginer dans la joie. Sisyphe, dans les poèmes d'Homère, est le plus astucieux des Hommes, c'est un navigateur, un grand commerçant, un homme trop sûr de lui puisqu'il n'a pas hésité à défier Zeus, en révélant au dieu-fleuve Azopos, où se trouvait sa fille Egine, que Zeus avait enlevé parce qu'il la désirait.

Pour se venger, Zeus demanda à Thanatos de tuer Sisyphe, mais ce dernier parvint à l'enchaîner et l’empêcha ainsi de l'emmener en enfer. Tout cela suscita le courroux de Zeus qui condamna Sisyphe à faire rouler éternellement un rocher au sommet d'une colline, lequel rocher dégringole ladite colline lorsqu'il est parvenu au sommet.

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Alors bien sûr, selon certaines interprétation, Sisyphe incarne les mouvements perpétuels de la nature, le soleil, les marées. Pour d'autres, Sisyphe personnifie le malheur de l'Homme, l'absurdité de la vie. C'est notamment la conception qu'en donne Albert Camus dans son mythe de Sisyphe. Mais pour Camus, Sisyphe est aussi et d'abord un lutteur, il ne cède pas au désespoir puisqu'il continue à faire rouler son rocher, il choisit la vie envers et malgré tout.

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Voilà pourquoi Sisyphe incarne selon Camus la seule question philosophique vraiment sérieuse, celle du suicide. Vivre, naturellement, n'est jamais facile, écrit Camus, on continue à faire les gestes que l'existence commande pour beaucoup de raisons, dont la première est l'habitude. Il n'y a pas de punition plus terrible que celle d'un travail inutile et absurde comme celui de Sisyphe, un travail absolument privé de sens, un travail interminable. Ce qui donne un sens à l'existence de ce personnage, c'est finalement la manière dont il brave les dieux, s'attache à la vie.

Le sens de son existence, c'est la lutte. Ce mythe est tragique parce que ce personnage en est conscient, il sait très bien que son destin se heurte à une punition irrationnelle. Comme l'écrit Camus : "Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition. C'est à elle qu'il pense pendant la descente, la clairvoyance qui devait faire son tourment, consomme du même coup sa victoire. C'est parce qu'il y a de la révolte que la vie de Sisyphe mérite d'être vécue, la raison seule ne lui permet pas de conférer un sens à l'absurdité du monde".

Et maintenant, bonne journée puisque vous n'êtes pas Sisyphe.

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