Neurobiologie

Vers l’immunité « comportementale »

Une connexion neuronale vient d’être découverte entre le cerveau et la rate, plaque tournante de l’immunité. De quoi stimuler nos défenses contre les virus par des comportements qui mobilisent les zones clés du cerveau…

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Deux fois par jour, vous monterez au sommet d’une tour et vous tiendrez en équilibre en contemplant le sol, 20 mètres plus bas. Vous éprouverez un pincement au cœur, même assuré au moyen d’un baudrier de sécurité. Cet exercice, qui provoque un réflexe dit « d’acrophobie » (la naturelle peur des hauteurs), activera deux zones de votre cerveau impliquées dans une réaction de stress aigu : le noyau central de l’amygdale et le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus. Le but de l’opération ? Ces deux centres cérébraux sont reliés à votre rate, où ils stimuleront la production de cellules immunitaires vous protégeant contre les microbes.

C’est, pour l’instant, le mécanisme identifié chez des souris par l’équipe de Xu Zhang et ses collègues de l’université Tsinghua, à Pékin. Dans ces expériences, les rongeurs étaient placés au sommet d’une plateforme élevée, ce qui provoque un réflexe de stress aigu (qui n’est pas forcément néfaste pour la santé et mobilise les défenses de l’ensemble de l’organisme face au danger), et les biologistes testaient ensuite la capacité des animaux à réagir à l’injection d’une substance étrangère par la fabrication d’anticorps et la libération de cellules immunitaires au niveau de la rate. Le stress de la hauteur se traduisait par une fabrication accrue de lymphocytes T, ce qui posait une question : qu’est-ce qui, dans le cerveau, qui perçoit le stress de la hauteur, stimule la rate ? Pour le savoir, les chercheurs ont injecté une version modifiée du virus de la rage dans la rate des souris : ce virus a la particularité de se propager à rebours dans les neurones qui innervent les différents organes, ce qui révèle les voies nerveuses mises en jeu. Xu Zhang et son équipe ont vu le virus remonter au cerveau en empruntant un nerf, le nerf splénique, connecté à ces deux centres que sont l’amygdale et le noyau paraventriculaire.

En sectionnant le nerf splénique, les neurobiologistes ont vu disparaître l’effet de stimulation du système immunitaire : la preuve que les signaux de stress produits par l’amygdale et le noyau paraventriculaire descendent via ce nerf et excitent la rate, qui se met alors à produire des cellules immunitaires. Même effet si ce sont les neurones des deux zones cérébrales impliquées qui sont artificiellement inactivés.

Le débouché de ces recherches ? La « stimulation comportementale » du système immunitaire, à savoir que certaines situations, dont le stress des hauteurs n’est qu’un exemple, agissent comme un stimulant pour nos systèmes de défense face aux agents pathogènes. Il restera dorénavant à préciser quels types de postures, d’activités ou de situations peuvent être recherchés et développés pour renforcer nos défenses. Alors préparez-vous à votre prochaine séance de saut à l’élastique pour booster vos défenses.

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Sébastien Bohler

Sébastien Bohler est docteur en neurosciences et rédacteur en chef de Cerveau & Psycho.

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Références

 X. Zhang et al., Brain control of humoral immune responses amenable to behavioural modulation, Nature, 29 avril 2020.

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