La banquise Arctique accélère son déclin

L’année 2020 va marquer une nouvelle étape dans le déclin estival de la banquise arctique. Boostée par les températures très élevés qui règnent en Sibérie depuis le printemps, la glace de mer fond à une vitesse accélérée, elle est partie pour battre les records précédents.

La surveillance quotidienne par satellite de la surface de la banquise révèle un océan arctique où les navires vont pouvoir naviguer sans aucune crainte cet été le long des côtes sibériennes, déjà totalement libres de glaces.

Vue par satellite de la glace de mer sur l’Océan Arctique au 18 juillet 2020. La navigation est complètement libre de glaces  du côté de la Sibérie. La côte Ouest du Groenland est également libre.

Durant la première semaine de juillet, l’extension de la banquise (définie comme au moins 15% de la surface de l’eau englacée) a diminué au rythme de 146 000 kilomètres carrés par jour, presque deux fois plus vite que la moyenne de cette période de l’année mesurée entre 1981 et 2010.

La rétraction estivale de la banquise faisait partie des prévisions des climatologues, en réaction au réchauffement de la planète sous l’effet de nos émissions massives de gaz à effet de serre. Toutefois, elle s’opère à un rythme nettement plus rapide que les prévisions initiales, fondées sur des modélisations qui avaient sous-estimé l’effet de la fragmentation de la banquise. Cette rétraction en surface se double d’une diminution drastique de l’épaisseur de la banquise et de la quasi disparition des glaces de plus de 4 ans. Cette diminution d’épaisseur contribue également à accélérer la fonte lors de l’été et à l’évacuation des blocs de glace vers l’Atlantique par les courants marins.

En revanche, la fonte de la calotte glaciaire du Groenland est certes au dessus de la moyenne des années 1981/2010 mais pas particulièrement cette année, du moins pour ce mi-été, montrent les observations par satellites :

Ce graphique montre la part de la surface de la calotte glaciaire en situation de fonte, suivie jour par jour par satellite. L’année 2020 est pour l’instant au dessus de la moyenne mais pas particulièrement spectaculaire.

2020, l’année révélatrice

L’année 2020 est partie pour titiller l’année record de 2016, montrent les dernières analyses de l’équipe NASA/Université Columbia de New York :

Les températures planétaires sur la période janvier à juin 2020 sont les deuxièmes les plus chaudes depuis le début des relevés thermométriques, s’approchant de celles de l’année record de 2016.

Avec un écart à la moyenne calculée sur la période 1951 à 1980 de 1,12°C, les températures des six premiers mois de l’année 2020 ne sont qu’à 0,01°C de celles de 2016, une différence similaire à l’incertitude des mesures. Cette quasi égalité est en réalité très significative, car l’année 2016 a vu ses températures boostées par un phénomène cyclique qui affecte le Pacifique tropical, l’alternance des El Niño et de Niña. Cette alternance joue à la hausse et à la baisse des températures planétaire. De 2015 à 2017, un très puissant El Niño a hissé les températures planétaires à un niveau record.

Mais rien de tel en 2020, puisque l’océan Pacifique est en situation neutre, (sur les cartes ci-dessus, le Pacifique tropical est coloré en orange en 2016, plutôt en jaune en 2020).

Autrement dit, le principal cycle naturel influant sur l’indicateur de la température planétaire n’est pas sur le chaud. Les températures de 2020 sont donc particulièrement révélatrices de la tendance climatique provoquée par nos émissions de gaz à effet de serre. On voit cette tendance sur ce graphique, au delà des fluctuations d’une année sur l’autre :

Écart de la température planétaire en moyenne glissante sur 12 et 132 mois, les points noirs sont les moyennes annuelles. Attention : la référence climatique y est calculée sur la période 1880 à 1920 afin de se rapprocher de la référence « pré-industrielle » de la Convention Climat de l’ONU. Cela permet de constater qu’avec les 1,2°C de plus que cette référence déjà dépassés en 2016, 2019 et certainement en 2020, l’objectif  de se limiter à 1,5°C fixé dans l’Accord de Paris de 2015 sera bientôt caduc).

Sylvestre Huet

Pour en savoir plus, autopub sur un livre écrit avec le climatologue Gilles Ramstein et dans toutes les bonnes librairies depuis quelques semaines :