«No bra» : de plus en plus de Françaises laissent tomber le soutien-gorge

Fini le soutif ! La tendance, qui a pris de l’ampleur à la faveur du confinement, notamment chez les jeunes, s’inscrit dans la durée, selon une étude Ifop que nous révélons.

 Une jeune femme de moins de 25 ans sur six (18 %) ne porte jamais de soutien-gorge, contre 4 % avant le confinement, selon un sondage Ifop. (Illustration)
Une jeune femme de moins de 25 ans sur six (18 %) ne porte jamais de soutien-gorge, contre 4 % avant le confinement, selon un sondage Ifop. (Illustration) LP/Olivier Corsan

    Fini les seins entravés et les poitrines remontées à coup de « push-up ». Place au naturel, à l'acceptation de son corps sans artifices. Un peu plus de deux mois après l'amorce du déconfinement, le pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l'Ifop publie une vaste enquête (réalisée pour Xcams, du 9 au 12 juin auprès d'un échantillon de 3018 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus), que nous révélons, permettant d'observer l'ampleur prise par la pratique dite du « no bra » (sans soutien-gorge).

    La tendance a, au même titre que d'autres comme le « no make-up » (sans maquillage), été « boostée par l'isolement imposé par le confinement » lié au Covid-19, analyse François Kraus, directeur du pôle concerné à l'Ifop. Une situation exceptionnelle qui a fait passer des femmes du « à quoi bon porter un soutien-gorge pendant le confinement » au « à quoi bon continuer d'en porter ».

    Nombre d'entre elles ont en effet laissé cet accessoire de lingerie dans les tiroirs, les conditions de vie plus normales revenues. Actuellement, une jeune femme sur six (18 %) de moins de 25 ans ne porte jamais de soutien-gorge, soit une proportion quatre fois supérieure à celle mesurée avant le confinement (4 %). Les adeptes du « no bra » restent donc quasiment aussi nombreuses que durant cette période d'isolement contrainte par des raisons sanitaires (20 % en avril).

    «Je me sens simplement plus à l'aise comme ça»

    Les jeunes femmes sont-elles les seules concernées ? Que nenni ! Si elles sont, certes, plus nombreuses à le faire, la pratique a fait des émules dans toute la gent féminine. Au total, les sevrées du soutif sont passées de 3 % avant le confinement à 7 % aujourd'hui.

    « J'ai arrêté d'en porter il y a deux ans, témoigne Elisa, 32 ans à Paris. Je me sens simplement plus à l'aise comme ça. Ras le bol des balconnets, des baleines qui vous font mal… Mais mes amies qui ont une grosse poitrine, contrairement à moi, continuent d'en porter pour cette même raison : être à l'aise. Lorsqu'on est ado, le premier soutien-gorge est un peu symbolique : c'est l'entrée dans la féminité, croit-on. Pour moi, c'était le cas. Plus maintenant, et puis je fais aussi de sacrées économies parce que la lingerie, c'est très cher. »

    Selon l'enquête, cette libération semble davantage dictée par des soucis de confort que par des motivations féministes. Sauf, toutefois, chez les plus jeunes, qui sont beaucoup plus nombreuses (32 %) que la moyenne (15 %) à expliquer que leur choix est déterminé par « le souhait de lutter contre la sexualisation des seins féminins qui impose de les cacher au regard d'autrui ».

    Mais cette libération ne va pas de soi et rencontre « encore de nombreux freins culturels », note François Kraus. Les poitrines féminines restant hyper-sexualisées dans notre société, la charge érotique qui leur reste attachée restreint encore fortement la liberté vestimentaire des femmes dans l'espace public, en les surexposant, notamment, à des risques de harcèlement ou d'agression sexuelle…

    Des préjugés révélant «l'ancrage de la culture du viol»

    On tombe des nues, en effet, à la lecture de certains résultats de l'enquête menée auprès de femmes comme d'hommes. Ainsi, pas moins de 20 % des personnes interrogées estiment que « le fait qu'une femme laisse apparaître ses tétons sous un haut devrait être, pour son agresseur, une circonstance atténuante en cas d'agression sexuelle ». Dans la même lignée, 48 % pensent qu'une femme ne portant pas de soutien-gorge prend le risque d'être harcelée, voire agressée.

    Conséquence : des stratégies d'évitement sont adoptées par les femmes dans les lieux publics. Plus d'un tiers d'entre elles ont ainsi déjà dissimulé leur décolleté sous un foulard/gilet pour éviter le regard des hommes. Plus de la moitié chez les moins de 25 ans ! « L'analyse des représentations associées par les Français à la pratique du no bra révèle l'ancrage de la culture du viol et des injonctions à la pudeur pesant sur les poitrines féminines », juge le responsable de l'Ifop. Ainsi 55 % des femmes de moins de 25 ans déclarent que leurs seins ont déjà donné lieu à des regards concupiscents et pour environ 40 %, à des remarques gênantes ou d'insultes sexistes. Un quart d'entre elles rapportent même que leur poitrine a déjà fait l'objet d'attouchement sans leur consentement.