Récit : Édith Piaf et Marcel Cerdan, l'histoire tragique d'une idylle passionnée

Comme une évidence. Elle, chanteuse de rue devenue la plus grande artiste française, lui, pauvre gamin de Casablanca devenu un géant de la boxe française. Ces deux légendes étaient faites pour s'aimer. Mais comme la passion est violente, l'idylle eut pour dessein une épouvantable tragédie.
Edith Piaf et Marcel Cerdan l'histoire d'une folle passion
Hulton Archive/Getty Images

Édith Piaf et Marcel Cerdan ou l’histoire d’une idylle passionnée entre l’enfant pauvre de Casablanca et l'artiste de rue devenue une légende vivante. On est en mai 1946, au club des 5 à Paris. Il est 4 heures du matin, Andrée Bigard dite Dédé, secrétaire de la Môme Piaf, sort de son taxi. Elle entre alors dans le club du Faubourg Montmartre. À l’intérieur, du velours du sol au plafond, la musique est très forte, la salle enfumée, l’ambiance est joyeuse. Un peu plus loin, adossée au comptoir avec un americano à la main (sa boisson favorite), Édith. Cette dernière à chanté des heures durant, le public était en joie. Mais pour Dédé, l’artiste doit rentrer se reposer. Dans le taxi, la môme parle de sa rencontre avec un certain Marcel Cerdan. Séduisant et avenant, Édith ne veut toutefois pas se laisser aveugler pas les atours de cet homme marié et père de famille. Lors de la soirée, le boxeur a confié à l’ancienne chanteuse de rue être émerveillé par sa voix et ses qualités d’interprète.

Un an plus tard, à l’automne 1947, la jeune femme et son nouveau manager, Loulou Barrier, traversent l’atlantique sur le Queen Mary II en direction de New York. La chanteuse est attendue pour une série de concerts au Play House Theater, en plein coeur de Broadway. Après des heures de répétition, Édith rentre à l’hôtel où un message l’attend à la réception. Lucienne Boyer dite Lulu, la convie le lendemain à une garden party des plus mémorables. Ne pouvant y déroger, l’interprète de L’hymne à l’amour y va. Et qu’elle ne fut pas sa surprise lorsque le maître d’hôtel la conduit à table de Marcel Cerdan. Le déjeuner se passe sans encombre, Édith semble à l’aise, contrairement au célèbre sportif qui est un peu pataud. Contre toute attente, Marcel dit alors : « Ça vous dirait qu’on dîne un soir ? » Elle répond : « Après mes concerts, je dois me concentrer sur mon travail. » Le boxeur lui rétorque : « Si je gagne, je vous rappelle. »

Le soir même, l’artiste reçoit un appel. C’était Marcel. Ce dernier l’attendait dans le hall de son hôtel, chapeau de feutre vêtu. Rizzo, ami du sportif, est au volant d’une Cadillac bleue attendant les futurs amants. Ils dînent au Gourmet. Dentelles, orchestre, champagne… Piaf est aux anges. La soirée s’éternise mais dès le lendemain, chacun doit repartir à la conquête de l’Amérique. Pour son premier concert, toute l’élite new-yorkaise est conviée : Bette Davis, Charles Boyer, Josephine Baker ou encore Marlène Dietrich. Mais c’est un flop. La chanteuse ne parvient pas à convaincre le public et est assaillie de critiques par la presse spécialisée. Au même moment, Cerdan combat à Chicago. S’il gagne, il pourra concourir au championnat du monde dans la catégorie poids moyen. De justesse, l’homme de Casablanca ressort victorieux.

Après plusieurs concerts, la môme parvient à avoir les bonnes faveurs des médias américains. Le 14 janvier 1948, il est 22 heures, Édith chante face à un public particulier, son beau Marcel est dans la salle. Il l’invite à son prochain combat, elle n’hésite pas une seconde et accepte. Durant le match, l’artiste est troublée par la force de ses poings, charmée par la virulence de son regard et s’entiche alors de l’homme victorieux. Quelques jours plus tard, les deux amants terribles rentrent à Paris. À leur arrivée, une horde de photographes veulent capturer le moment. Dans le plus strict secret, c’est au 7 rue Leconte de Lisle, dans le XVIe arrondissement de Paris, que Marcel et Édith savourent leur passion. Mais il est encore marié à Marinette Lopez qui l’attend à Casablanca avec ses trois enfants. Officiellement, les deux légendes sont amies. Ce cache-cache avec la presse les amusent et devient très rapidement un jeu. Au côté de Cerdan, Piaf s’est assagie, elle travaille sa musique et enseigne à son bien-aimé les rudiments de la littérature et de l’art, en lui faisant visiter le Louvre. Une semaine après avoir perdu son titre de champion d’Europe face au Belge Cyril Delannoit, Marcel fait la Une de France Dimanche avec la chanteuse : « Piaf porte malheur à Cerdan. » Toutefois, le journal ne parle pas clairement de leur idylle. Afin de calmer le tumulte autour d’eux, le champion déchu décide de rentrer à Casablanca.

Le 21 septembre 1948, championnat du monde à New York. Marcel arrive quelques semaines plus tôt, le 24 août. Dès le lendemain, la môme le rejoint. Elle s’installe dans un bungalow près du centre d’entraînement et se cache dans le coffre de la voiture afin de ne pas être photographiée par la presse. Après un combat acharnée, Cerdan devient champion du monde. Après le titre, les amoureux clandestins profitent de la ville durant une semaine. À son retour à Paris, le sportif est accueilli en véritable héros. Il décide cependant de rentrer auprès des siens à Casablanca. Édith demande alors à Loulou de lui organiser un concert au Maroc. C’est chose faite, la voilà sur scène face à Marinette et son amoureux de boxeur. Après la représentation, l’artiste est conviée au domicile du couple.

Le 2 décembre 1949, Cerdan remet son titre en jeu. Un mois avant, le 27 octobre, il est à Paris, Piaf est déjà à New York pour un contrat de plusieurs mois. À la demande de cette dernière, le sportif décide de partir la rejoindre. Le voilà en chemin pour Orly. 20h54 : le constellation décolle. Le temps est mauvais sur l’Atlantique depuis près de trois jours. L’avion a prévu de faire escale aux Açores. Malheureusement, les roues ne toucheront jamais le tarmac. La nouvelle fait le tour des médias du monde entier. Tout le monde est au courant à l’exception d’Édith Piaf qui s’est endormie afin d’être plus rayonnante que jamais à l’arrivée de son bien-aimé.

Quelques heures plus tard, sa dépouille est identifiée. La môme est anéantie mais décide de ne pas se défiler et monte sur scène. Livide, absente, Piaf annonce : « Mesdames et messieurs, ce soir, je chante pour Marcel Cerdan. » À la fin de la seconde chanson, elle s’écroule. Elle ne peut pas continuer. Mais soir après soir, elle chantera pour Marcel. Ces mois d’errance sont marqués par une grande transformation de la chanteuse : alcool, morphine, elle se rasera même la tête et tentera de mettre fin à ses jours. À son retour en France, ne pouvant oublier son grand amour, Édith mène une vie de bâton de chaise. Elle n’assistera pas à ses funérailles, toutefois, elle ira à la rencontre de Marinette pour tout lui avouer. Toutes deux devinrent amies.