En mai dernier, Anne Soupa, écrivaine et théologienne, a osé l’impensable. Elle a candidaté à la succession du cardinal Barbarin, primat des Gaules qui a démissionné au cœur de l’affaire Preynat. Depuis mars, le siège d’archevêque de Lyon est donc vacant. Anne Soupa se proposait pour l’occuper. Mais cette candidature avait visiblement tout d’un péché… D'abord, dans l’Église catholique romaine, on ne postule pas directement, on est en général appelé ou choisi par le Saint-Père en personne. Mais surtout, on ne peut pas devenir évêque quand on est une femme. Même en 2020, l’institution s’est toujours refusée d’évoluer sur la question. Seuls les hommes peuvent y occuper les différentes fonctions de gouvernement : diacre, évêque, nonce, curé…
Anne Soupa, en grande femme de lettres, le savait : elle ne serait pas la remplaçante du cardinal Barbarin, mais son initiative était symbolique. Elle devait faire parler d’elle. Pari réussi. Profondément catholique, elle n’en reste pas moins très critique sur sa religion. Dès 2008, elle a fondé, avec la journaliste Christine Pedotti, le Comité de la jupe, qui vise à donner une place plus importante aux femmes au sein de l’Église. L’idée lui était venue après une déclaration du cardinal André Vingt-Trois, alors archevêque de Paris : « Ce qui est plus difficile, c’est d’avoir des femmes qui soient formées. Le tout n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête. » Ce combat, Anne Soupa l’a aussi continué dans ses écrits, comme dans Douze femmes dans la vie de Jésus (Salvator, 2014). En attentif bibliste, elle l’assure : les écritures saintes n’étaient pas machistes à l’origine, c’est l’interprétation que l’on en fait qui l’est.
Saluant l’élection du pape François, Anne Soupa n’a jamais caché ses dissonances avec son prédécesseur, Benoît XVI. Plus que tout, elle a également réclamé la « décanonisation » de Jean-Paul II, qui a été fait saint en 2014. Un nouveau coup d’éclat pour cette intellectuelle déterminée à secouer l’Église.
Ce 22 juillet, interrogée au micro de la matinale de France Inter, la théologienne a regretté n’avoir eu aucune réponse de l’Église après sa candidature très médiatisée. « Ce qui est finalement assez méprisant », a-t-elle ajouté. Sa lutte féministe ne doit donc pas se résumer à sa seule personne. Co-fondatrice de « Toutes apôtres ! », elle a encouragé plusieurs femmes à déposer leur candidature à la nonciature apostolique de France, c’est-à-dire à l’ambassade du Vatican à Paris. C’est en effet le nonce qui est chargé de pré-sélectionner les profils présentés au Saint-Père. Ce mercredi, à midi, elle a donc accompagné sept autres femmes qui désirent occuper des postes qui leur sont normalement interdits. « La mise sous silence des femmes par l’Église pendant des siècles perdure encore de manière diffuse. Nombreuses sont les femmes que nous avons rencontrées qui n’osent pas candidater de peur de perdre leur travail d’enseignement dans des instituts catholiques ou d’être mises à l’écart dans leurs activités paroissiales et diocésaines », explique « Toutes Apôtres ! » dans un communiqué.
« Je suis admirative devant les profils, devant les compétences, devant les charismes de ces femmes », a déclaré Anne Soupa, toujours au micro de France Inter, invitant d’autres femmes à rejoindre le mouvement. « L'Église se prive de beaucoup de talents et c'est très dommage », a-t-elle assuré. Ce grand besoin de régénération rejoint également d’autres batailles, comme celle qui mettrait fin au célibat des prêtres. Une aberration, selon Anne Soupa.
Si « Toutes Apôtres ! » a choisi la date du 22 juillet pour cette première action, ce n’est pas un hasard. C’est la jour de la fête de sainte Marie de Magdala, ou Marie Madeleine, disciple de Jésus qui, selon les textes, l’a suivi jusque dans ses derniers jours. Tout un symbole.