Au Vitra Design Museum, à Weil am Rhein, en Allemagne, les visiteurs se pressent de nouveau, depuis quelques semaines, pour découvrir l’exposition « Gae Aulenti : A Creative Universe » consacrée à l’architecte et designer italienne. « Cet éclairage sur son travail, interrompu très rapidement par le confinement, a failli une nouvelle fois tomber dans l’oubli », lance d’emblée Tanja Cunz, curatrice de l’exposition.
Car si certaines réalisations de la créatrice, disparue en 2012, sont très connues du grand public – comme la lampe Pipistrello aux élégantes ailes de chauve-souris (1965) –, son nom, lui, reste peu identifié à l’extérieur des frontières italiennes. Pour preuve, la difficulté à se procurer un ouvrage la concernant, même en Italie. Le seul en langue française qui lui est consacré (par Stefania Suma) date de 2009 et n’est plus édité à ce jour par Actes Sud.
« Je pense que c’est [sa] transversalité qui lui vaut aujourd’hui ce relatif oubli. Dans quelle case en effet ranger cette femme complexe et difficilement résumable ? », Nina Artioli, architecte, petite-fille de Gae Aulenti.
Gae Aulenti aimait pourtant beaucoup la France et y a laissé des empreintes marquantes, comme la conversion de la gare d’Orsay, à Paris, en musée. Un vaste chantier, mené de 1980 à 1986, qui lui offrira une assise internationale. A cette occasion, elle réalise une série d’objets qu’elle adaptera ensuite pour un usage domestique. Une partie d’entre eux, dont les fameux cadres d’Orsay, se vendent toujours chez l’éditeur milanais Bottega Ghianda.
L’œuvre de Gae Aulenti est foisonnante et compte plus de 700 projets au sein desquels le design tient une place centrale. Trente-cinq de ses réalisations les plus emblématiques sont exposées au Vitra, accompagnées de dessins, croquis, photographies et interviews ; on y apprend qu’elle a travaillé pour les plus grands fabricants d’objets, comme Kartell, Knoll, Fontana Arte, Martinelli Luce, Artemide ou encore Poltronova. « Une des particularités de Gae Aulenti est de ne jamais perdre de vue ses références architecturales lorsqu’elle conçoit des objets qui ne sont donc jamais simplement décoratifs », estime Tanja Cunz.
En 1964, elle crée ainsi la lampe Giova, dont la partie supérieure peut être utilisée comme vase ; la sculpturale Rimorchiatore (1967), lampe en métal laqué jaune faisant office de vase ou de cendrier, a la silhouette d’un bâtiment moderniste. En 1972, un pas est franchi dans la visibilité de son travail de designer : Gae Aulenti participe à une exposition au MoMA à New York (« Italy : the new domestic landscape ») qui fera date dans l’histoire du design en révélant l’avant-gardisme des créateurs italiens de l’époque. La preuve avec cette étonnante table basse en verre trempé montée sur quatre roues, tout droit sortie de l’univers industriel, qui n’a pas pris une ride (1980).
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