Pouvoir : Les folles soirées de La Lanterne, petit palais secret des présidents et Premiers ministres

DANS LES LIEUX DE VILLÉGIATURE DE LA RÉPUBLIQUE - ÉPISODE 3. Châteaux, manoirs, pavillons… Ils appartiennent tous à la République française et abritent, depuis des décennies, les secrets des hommes de pouvoir. Tout l’été, VANITY FAIR retrace la petite histoire de ces lieux d’exception où présidents et ministres aiment se reposer. Troisième épisode : La Lanterne, le pavillon le plus secret de la République.
La lanterne versailles
Briquet Nicolas/ABACA

Tout juste élu et pas encore investi, Nicolas Sarkozy n’a qu’une idée en tête : s’installer à La Lanterne. Cette citadelle républicaine le fait rêver, bien plus que l’Élysée. Alors, le 9 mai 2007, il appelle Dominique de Villepin, encore locataire officiel de ce petit palais situé dans le parc du château de Versailles. Traditionnellement, La Lanterne n’est pas la propriété du président, mais celle du Premier ministre. Nicolas Sarkozy, lui, en a décidé tout autrement. Il somme Dominique de Villepin de quitter sur-le-champ les lieux. Marie-Laure de Villepin, qui comptait y passer un tout dernier week-end pour faire ses adieux à cette maison de la République qu’elle a tant aimée, doit immédiatement boucler ses valises. François Fillon, nouveau Premier ministre, ne digérera pas d’avoir « perdu » La Lanterne, qu’il a accepté de troquer contre le château de Souzy-la-Briche où il ne mettra jamais les pieds. Mais avait-il le choix ? Ce que Nicolas veut, il l’obtient.

Voilà comment en 2007 s’est déroulée la « prise de La Lanterne », selon l’expression de la journaliste Émilie Lanez, auteure du livre La garçonnière de la République (Éditions Grasset). Si cette demeure fait autant d’envieux, c’est qu’elle est certainement « le plus secret, le plus surveillé et le plus caché des bâtiments nationaux », ombragé par le somptueux château du Roi Soleil, son voisin. Nicolas Sarkozy connaissait La Lanterne avant même d'en avoir les clefs. Il y avait déjà été reçu, en sa qualité de ministre bien-sûr, mais même bien avant… Quand Jacques Chirac était à Matignon, sa fille Claude aimait organiser dans la propriété versaillaise quelques soirées. Souvent, à la veille du week-end, elle arrivait au volant de sa voiture, accompagnée de quelques amis, sans même avoir prévenu l’intendance. Durant deux jours, la maison résonnait de musiques, de danses, et de bavardages propres aux jeunes gens. Une nuit tout de même, Claude Chirac était venue frapper à la porte des gardiens, les priant de prêter de l’essence à l’un de ses amis qui devait rentrer en urgence à Paris en scooter. Quelques années plus tard, l’employé mettra un nom sur le visage de ce jeune homme, qu’il distinguait alors à peine dans la pénombre : il s’agissait de Nicolas Sarkozy.

Attaché à La Lanterne, le président Sarkozy y passera beaucoup de temps, d’abord avec Cécilia, puis avec Carla. Le jeune couple y célèbre même son mariage, le 2 février 2008. Une cinquantaine d’invités seulement – déjà que la nouvelle avait fait grand bruit, il fallait rester raisonnable – sont conviés pour partager une fondue savoyarde. En toute simplicité. Des décennies plus tôt, d’autres unions avaient eu lieu dans cette même maison, comme en juin 1972, lorsque Jacques Chaban-Delmas y avait marié son fils, Jean-Jacques, avec Diane de Oliveira Cezar. Après une cérémonie civile à la mairie de Bordeaux, familles et amis avaient pris l’avion pour venir faire la fête à Versailles. En toute simplicité, là encore…

Réveillons, cotillons et séparation

Après leur mariage, le couple Bruni-Sarkozy reçoit beaucoup à La Lanterne. Des amis artistes de Carla, ou politiques de Nicolas. Autour d’un bon dîner et de grands crus – que le président Sarkozy ne goûte pas puisqu’il ne boit pas d’alcool –, ces joyeuses assemblées refont le monde. « Carla fume, boit un peu de vin rouge, installant dans cette maison un air pétillant, un souffle bohème », écrit Émilie Lanez dans son livre. Tout le monde s’y sent comme à la maison : Rachida Dati, Luc Ferry, Jean Reno, Farida Khelfa, etc. La sœur de la Première dame, l’actrice Valeria Bruni Tedeschi, y vient aussi avec son compagnon Louis Garrel. Ce dernier n'apprécie guère d’avoir pour beau-frère un président de droite. Un soir, lors d’un dîner à La Lanterne, l’acteur se roule un pétard sous le nez du chef de l’État. Comme une petite provocation.

François Hollande, lui président, goûte à son tour au charme et au calme des lieux. Il vient y travailler régulièrement, tandis que Valérie Trierweiler aime courir dans le parc. Le président socialiste y invite également son entourage pour les réveillons de la Saint Sylvestre. Le 31 décembre 2013, il réunit autour d’un dîner Manuel Valls et son épouse la violoniste Anne Gravoin, Michel Sapin et son épouse, Gérard Jugnot et sa compagne, la productrice Saïda Jawad, et le journaliste François Bachy. Valérie Trierweiler s’amuse beaucoup durant cette soirée, dansant et photographiant son François, des cotillons sur la tête. Deux ans plus tard, le 31 décembre 2015, les couples Valls et Sapin sont encore de la fête. Gaspard Gantzer, responsable de la communication du président, est cette fois présent, avec son épouse. Presque rien n’a changé, sauf la maîtresse de maison. Ce n’est plus Valérie Trierweiler qui reçoit dans le petit palais de la République, mais Julie Gayet. Les Premières dames passent, seule La Lanterne reste.

Premier épisode : Au château de Souzy-la-Briche, refuge des amours cachées de Mitterrand

Deuxième épisode : Dans le pavillon de musique de Matignon, là où les alliances politiques se font et se défont