TEMOIGNAGEL’impossible divorce d’une femme et de son mari handicapé

Bretagne : « Mes cicatrices ne se voient pas »… L’impossible divorce d’une femme et de son mari handicapé

TEMOIGNAGESon mari a été victime d’un grave accident domestique il y a plus de dix ans. Le couple a fini par se séparer mais le divorce n’a toujours pas été prononcé
Illustration d'une femme accompagnant un homme en fauteuil roulant.
Illustration d'une femme accompagnant un homme en fauteuil roulant.  - M. Bertorello / AFP
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Mariée pendant dix-huit ans à un homme, Gisèle (prénom d’emprunt) a tout perdu le jour où celui-ci a été victime d’un grave accident domestique.
  • Lourdement handicapé, son mari a refait sa vie avec une autre femme. Le couple n'est toujours pas séparé aux yeux de la loi.
  • Agée de 52 ans, sa femme se dit « à bout » et attend que la justice prononce le divorce, alors que 23 audiences ont déjà eu lieu.

EDIT du 29 octobre 2020. Contactée par le mari, la rédaction de 20 Minutes a modifié l’article pour y ajouter sa version des faits. Une nouvelle audience devrait se tenir en novembre.

Elle a beaucoup hésité avant de nous écrire. Avant de se lancer, Gisèle (prénom d’emprunt) a longuement réfléchi. Comment allait-elle être jugée ? A-t-elle droit de se plaindre ? Et qui pourrait bien l’aider ? Agée de 52 ans, Gisèle est à bout. Mariée pendant dix-huit ans à un homme qu’elle aimait plus que tout, elle a vu son rêve se briser un jour de 2009 quand son mari a été victime d’un terrible accident domestique à Rennes (Ille-et-Vilaine) qui l’a paralysé à vie.

Pendant trois ans, elle assure avoir « tout donné » pour prendre soin de cet homme tétraplégique, qui passera le reste de sa vie dans un fauteuil roulant. Gisèle s’est aussi occupée de leurs deux enfants, tout en gardant son emploi à plein temps. En 2012, son mari et elle ont fini par se l’avouer. Il leur fallait se séparer. « Il m’a annoncé qu’il avait rencontré quelqu’un en rééducation et qu’il voulait refaire sa vie. J’étais anéantie. Je ne voulais plus lui servir d’infirmière ni d’auxiliaire de vie ». Gisèle a alors perdu 18 kg et ne dort que quelques heures par nuit.

« « Mon mari vit très bien. Moi, je n’ai plus rien » »

Déjà douloureuse, l’histoire aurait pu s’arrêter là si la procédure de divorce n’avait pas été interminable. Car huit ans après, la séparation du couple n’a toujours pas été actée par la justice. La raison ? L’absence de consensus entre les deux protagonistes. Gisèle accuse son mari de ne pas présenter ses revenus, empêchant le notaire de prononcer la liquidation de la communauté. « Mon mari vit très bien. Je le sais parce que c’est moi qui me suis battue pour lui obtenir une indemnité de 500.000 euros. Il a reçu l’héritage de ses parents, il s’est acheté une maison. Moi, je n’ai plus rien », déplore Gisèle. « Je gagne 2.457 euros par mois. Ça n’a pas changé depuis mon accident. J’ai présenté tous les documents à plusieurs reprises », répond son mari, qui reconnaît avoir perçu plus de 400.000 euros de la part de trois assurances après son accident. Lui estime que l’origine du litige est à mettre au crédit de son ex-femme, qui n’aurait pas accepté la séparation des biens à parts égales au moment de la séparation. En attendant un accord, le produit de la vente de leur maison reste bloqué.

« J’ai l’impression que ça rend la justice aveugle »

Redevenue locataire, Gisèle travaille à plein temps mais peine à boucler ses fins de mois. Pour se défendre, elle a déjà déboursé 20.000 euros pour payer une avocate en qui elle croit de moins en moins. « Dans cet accident, j’ai tout perdu. Mon mari, ma maison, ma situation. Mais ça, personne ne veut l’entendre. Tout le monde s’en fout parce que lui est handicapé. J’ai l’impression que ça rend la justice aveugle. Le fait qu’il soit lourdement handicapé ne devrait pas lui offrir de passe-droit mais cela semble être le cas. Mes cicatrices ne se voient pas mais je peux vous assurer que je suis à bout », témoigne Gisèle. « C’est moi qui ai tout perdu. Je suis handicapé à 92 %. Je suis mort en 2009. C’est elle qui m’a mis dehors », répond son ex-mari.

Depuis huit ans, 23 audiences ont eu lieu mais aucune n’a pu aboutir. Une nouvelle audience doit se tenir en novembre.

L’une des anciennes amies du couple confirme. « Physiquement, elle n’en pouvait plus. Il la prenait pour son infirmière et elle a tout donné pour lui. Quand elle a appris qu’il avait quelqu’un d’autre, elle l’a très mal vécu », explique une ancienne du couple. « Elle s’est occupée de tout et aujourd’hui, elle n’a rien. La justice doit regarder ce dossier différemment et prononcer le divorce rapidement », poursuit son amie. C’est aussi ce que souhaite Gisèle. « Je n’ai plus de vie depuis presque dix ans. J’ai longtemps été patiente mais là je suis découragée ».

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