Les 200 ans d’Emily Brontë

Portrait d'Emily Brontë (1818 - 1848) ©Getty - Hulton Archive
Portrait d'Emily Brontë (1818 - 1848) ©Getty - Hulton Archive
Portrait d'Emily Brontë (1818 - 1848) ©Getty - Hulton Archive
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200 ans plus tard, le mystère reste entier : qui est l’auteure Emily Brontë ?

Ce sera le 30 juillet, mais déjà nous pouvons nous préparer à ce grand événement : le bicentenaire de la naissance d’Emily Brontë. Emily Brontë, née en 1818, morte seulement 30 ans plus tard, en 1848, d’une tuberculose qu’elle avait refusée de soigner. Sœur de Charlotte et Anne, une sororité dont on a tout imaginé, l’enfance, les jeux, les rêves…, on doit à Emily Brontë un seul roman… mais quel roman ! 

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Publié en 1847, la même année que le roman de sa sœur, Jane Eyre, le roman d’Emily, Les Hauts de Hurlevent, est l’un des plus connus de la littérature anglo-saxonne. Quelque peu éclipsé par celui de sa sœur Charlotte lors de sa publication, il est devenu par la suite un classique. 

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L’écrivain William Somerset Maughan dans son essai Dix romans et leurs auteurs le classe ainsi parmi les plus grands textes au monde selon lui (après Madame Bovary mais avant Guerre et paix !), Cioran est bouleversé à sa lecture, et Lydie Salvayre, écrivaine lauréate du prix Goncourt en 2014, signe la préface de sa toute nouvelle réédition chez Robert Laffont…  Et puis, il faut le dire, Les Hauts de Hurlevent a inspiré les plus grands, au cinéma, à la TV et en musique… 

Bernard Hermann, le grand compositeur d’Alfred Hitchcock en a fait un opéra (je ne saurais dire si c’est son meilleur…), et il y aussi le tube inoubliable de Kate Bush… 

Mais entre reconnaissance et reprises multiples de ce roman tragique, entre amour passionné et vengeance dévastatrice, qui pourrait dire qui est Emily Brontë ? C’est la grande question, la grande énigme, le grand mystère qui perdure 200 ans après.

On peut bien donner ses dates de naissance et de mort, dire et rappeler l’empreinte du roman gothique sur ses Hauts de Hurlevent, tenter de saisir la mythologie qui l’unit à ses deux sœurs et à son seul frère (il faut rappeler qu’on leur doit tout un ensemble de textes, cartes, schémas, des petits livres raccrochés par des bouts de ficelle et écrits à plusieurs, fruits de leur administration de mondes et royaumes qu’ils avaient eux-mêmes imaginés, du nom de Glass Town, Gondal, Angria), on peut aussi esquisser son caractère (ou ce qui a pu en être dit) : sauvage, solitaire, attachée à la lande du Yorkshire… mais aura-t-on tout dit d’elle ? 

Car Emily Brontë incarne à elle seule le mystère philosophique de l’auteur. Elle en est le paradoxe : d’elle on connaît assez de choses pour l’identifier, mais trop peu pour signer définitivement son portrait… et à l’inverse des œuvres qu’on explique par la vie de leur auteur, on tente souvent de la saisir, elle, mais en passant au contraire par son œuvre… 

D’Emily Brontë, il nous reste des poèmes, publiés un an avant sa mort et parce que sa sœur l’avait voulu. Il nous reste des traces de ce qu’elle a écrit, mais pas d’elle comme auteure, de ses processus, de ses mobiles, de ses affects qui l’animaient. 

De la même manière que ses personnages ont pour ressort le mystère, il en est de même pour son geste d’auteure : qu’est-ce qui a fait qu’elle est devenue auteure ? Qu’est-ce qui fait qu’elle s’est autorisée à l’être ? Et qu’est-ce qui pourrait nous l’expliquer dans ce qu’elle a signé comme auteure ? 

Dans ce poème qui s’appelle « A l’imagination », elle célèbre cette « folle du logis », cette faculté puissante mais dont la logique échappe… et avec Emily Brontë, apparaît la possibilité puissante, folle et illogique aussi d’une autorisation prise sans la demander, d’une autorisation d’écrire et de signer de sa plume et de son nom, sans choisir pourtant d’être lue, elle, visible, explicable grâce à son œuvre, tel n’importe quel auteur.  

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