Diana E. H. Russell, sociologue féministe ayant popularisé l'utilisation du terme "féminicide", est décédée

Diana E H Russell
Diana E. H. Russel étudiait le viol conjugal, l'inceste, le lien entre la pornographie et l'augmentation des cas des viols, et autres formes de violences subies par les femmes. C'est elle qui donnera au terme "féminicide" le sens qu'on lui connaît. Elle s'est éteinte à l'âge de 81 ans, ce mardi.

Dans ses écrits comme dans la rue, elle a consacré sa vie à la réparation des crimes perpétrés contre les femmes parce qu'elles sont des femmes. Diana E. H. Russell, universitaire, sociologue, auteure et féministe sud-africaine, est décédée ce 28 juillet à Oakland, en Californie, d'une défaillance respiratoire. Elle avait 81 ans. 

À l'exception du San Francisco Chronicle qui a publié son avis de décès, aucun média n'a pour l'heure consacré un sujet à sa disparition. Pourtant, les travaux de Diana E. H. Russell sont tristement et inlassablement au cœur de l'actualité, puisque c'est elle, et la sociologue britannique Jill Radford, qui ont popularisé et politisé le terme de féminicide.  

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— Diana E. H. Russell (@DianaEHRussell) July 30, 2020

Née le 6 novembre 1938 à Cape Town, en Afrique du Sud, Diana E.H. Russell a grandi dans une famille de six enfants, d'un père sud-africain et d'une mère britannique. Après un diplôme à l'université de Cape Town, elle rejoint la London School of Economics de Londres, dont elle ressort major de promo en 1961, mentionne son avis de décès.

Elle a ensuite mené un doctorat à Harvard, aux États-Unis, où elle a étudié la notion de révolution, notamment inspirée de sa participation à la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud.

Diana E. H. Russell a popularisé le terme "féminicide"

Le mot "féminicide" apparaît pour la première fois en 1801, dans Une vue satirique de Londres à l'aube du XIXe siècle, un ouvrage signé John Corry. L'écrivain l'employait pour évoquer le meurtre de son personnage féminin.

Mais c'est l'universitaire, experte des questions de la violence contre les femmes, qui en 1976, l'introduit dans le débat public, avec cette définition précise : "le meurtre de femmes par des hommes motivé par la haine, le mépris, le plaisir ou le sentiment d'appropriation des femmes". 

Elle l'emploiera pour la première fois au Tribunal international des crimes contre les femmes, en mars 1976, à Bruxelles. C'est elle qui avait par ailleurs fait pression, contacté des féministes du monde entier, pour que cet événement s'organise. 2000 femmes de 40 pays différents s'étaient alors réunies. Simone de Beauvoir avait assuré le discours d'introduction du colloque.

Dans ses écrits, elle décrit aussi parfois le féminicide comme "le meurtre misogyne de femmes par des hommes". Plus tard, en novembre 2012, lors de son discours d'introduction du congrès sur le féminicide aux Nations Unies, elle nuancera cette définition et l'élargira au "meurtre d'une ou de plusieurs femmes par un ou plusieurs hommes en raison de leur condition féminine". 

"Elle voulait mettre en avant la misogynie menant à des crimes mortels de femmes, et pour elle, des termes non-genrés comme 'meurtre' ne parvenaient pas à le faire", explique son avis de décès.

Aussi engagée contre le viol conjugal ou l'inceste

Dès lors qu'elle achevait son doctorat à l'Université d'Harvard, Diana E. H. Russell a été embauchée au Mills College d'Oakland, en Californie, où elle co-enseigne, en qualité de professeure de sociologie, un cours sur les femmes. Une première à Mills. L'expérience débouchera finalement au développement d'un programme d'études féminines, l'un des premiers du type aux États-Unis.

Bien sûr, la féministe a écrit sur le féminicide, mais elle est aussi l'autrice d'une série d'ouvrages et d'articles, sur d'autres thèmes, toujours liés aux violences envers les femmes, tels que le viol conjugal ou encore l'inceste.

À ce sujet, elle a fondé en 1993 Women United Against Incest, une association qui soutient les victimes d'inceste. Elle a aussi créé la première émission télévisée en Afrique du Sud où des victimes parlent de leurs expériences.

Diana E. H. Russell avait également soutenu dans deux ouvrages l'existence d'un lien entre la pornographie et l'augmentation des cas de viols, avant de co-fonder, en 1977, Women Against Violence in Pornography and Media (WAVPM), la première organisation féministe anti-pornographie aux États-Unis et dans le monde. 

Encore une fois, elle ne s'arrêtait pas à ses recherches, elle sortait la tête de ses écrits pour s'engager pleinement. Diana E. H. Russell ne laissait pas tomber les victimes.

Son avis de décès indique qu'elle a terminé dans une maison collective pour femmes, qui recueillait aussi des chiens errants. Elle n'avait pas d'enfants, et est survécue par sa soeur, Jill Russell, et de nombreux amis.

"Celles d'entre nous qui avons eu la chance de faire partie de son cercle proche étaient subjugués par son dévouement singulier et ses réussites remarquables, indique son avis de décès. Au-delà de notre admiration, nous l'aimions."

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