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Gabon

Gabon : une mangrove protégée abattue à la tronçonneuse, les ONG lancent l’alerte

Au Gabon, les ONG alertent sur la destruction des mangroves dans le Cap Estérias, au nord de Libreville. Capture d'écran.
Au Gabon, les ONG alertent sur la destruction des mangroves dans le Cap Estérias, au nord de Libreville. Capture d'écran.
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Au Gabon, la croissance démographique et la spéculation foncière dans les villes menacent l’écosystème des mangroves situées dans l’estuaire du fleuve Komo qui entoure Libreville, la capitale du pays. Le 15 juillet, des ONG de défense de l’environnement ont publié sur Twitter des vidéos montrant les dégâts causés par des travaux de construction dans une zone classée. Saisi du dossier, le ministère de l’Environnement a fait cesser les travaux et a demandé que la zone détruite soit restaurée.

Les vidéos ont été filmées par les habitants du village Idolo situé dans la commune d’Akanda, au nord de Libreville. Elles montrent une forêt clairsemée dans laquelle des palétuviers viennent d’être abattus. Dans l’une des vidéos, on peut entendre le bruit de la tronçonneuse au loin. “C’est la mangrove d’Idolo qui est en train de se faire déchiqueter comme ça”, commente la personne qui filme.

"La spéculation immobilière menace les mangroves qui jouent un rôle important dans l’écosystème"

Alertés, plusieurs organes de défense de l’environnement sont venus sur place pour constater l’ampleur des dégâts, parmi elles l’ONG Brainforest, dirigée par Marc Ona Essangui. Il raconte :

 

C’est une grande superficie [deux hectares selon son ONG, un demi-hectare selon les autorités, NDLR] de mangroves qui a été détruite. De grosses barrières ont été érigées par les ouvriers. Nous ne connaissons pas l’identité de la personne qui a commandé les travaux.

Les populations se sont indignées quand les mangroves, qui se situent en bordure de mer, ont été coupées, ce qui est interdit par la loi. La zone est située entre le parc national d’Akanda et l’arboretum [jardin botanique, NDLR] de Raponda Walker. Elle est protégée.

Elle n'a pas le statut officiel de "zone protégée", mais celui de zone tampon, un endroit protégé de fait, mais dans une moindre mesure puisqu'on peut y construire sous conditions. On ne peut pas y ériger de constructions permanentes.

Depuis plusieurs années, les agences immobilières sollicitent de plus en plus des titres fonciers sur les zones de mangroves pour ériger des hôtels, pour l’attrait touristique qu’elles représentent. Cette spéculation immobilière menace les mangroves qui jouent un rôle important dans l’écosystème.

Les mangroves constituent une barrière naturelle contre l’avancée de la mer et l’érosion. Si elles sont détruites, les inondations peuvent devenir de plus en plus catastrophiques. C’est pour ça qu’il est important de les préserver. Elles sont aussi une niche de reproduction pour les poissons, les crabes, les huîtres et pour d’autres produits halieutiques. Leur destruction impacte les activités économiques des populations locales.

Au Gabon, l’article-64 du Code de l’environnement promulgué en 2014 interdit "les constructions proches des espaces naturels littoraux sensibles ou proches du rivage".

Alerté, le ministère des Eaux, des Forêts, de la Mer et de l’Environnement a dépêché le 22 juillet une mission d’inspection composée de cadres de la Direction générale de l’environnement et de la protection de la nature (DGEPN) et de la Direction générale des écosystèmes aquatiques (DGE). Selon le quotidien national L’Union, les autorités présentes sur place ont immédiatement procédé à la fermeture du site et saisi le matériel utilisé pour la destruction de la mangrove.

“Nous avons identifié l’auteur qui va prendre en charge la restauration de la zone détruite”

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Stanislas Mouba, directeur général de l’environnement et de la protection de la nature explique :

 

Après avoir été alertés par l’agence qui administre le parc national d’Akanda et l’arboretum dans cette zone, nous sommes venus sur place et avons pu constater qu’il y avait de la mangrove fraîchement coupée.

À l’étape actuelle de procédure, l’auteur a été identifié et a reconnu les faits. Il s’agit d’un propriétaire de terrain qui a une concession à la limite de la zone tampon où sont les mangroves. Il envisageait de construire une maison et voulait se faire un accès à la mer en détruisant la mangrove, ce qui ne correspond pas aux exigences environnementales au Gabon.

La sanction prise à son encontre est qu’il va prendre en charge le coût du replantage des essences coupées.

Les mangroves menacées par la pression urbaine

Selon des chiffres de la Direction générale de l’environnement publiés en 2016, le Gabon compte environ 23,59 milllions d’hectares de forêts (88 % du territoire du pays), dont 167 834 hectares de forêts de mangrove. La province de l’Estuaire dont fait partie la capitale de Libreville abrite plus de 65 % de la superficie des mangroves du pays.

Selon le directeur général de l’environnement et de la protection de la nature, bien que la forte urbanisation des villes constitue une menace pour leur écosystème, le Gabon ne subit pas une déforestation massive de ses mangroves :

 

Dans le Cap Estérias, il n’y a pas de grands projets touristiques parce qu’il y a des normes environnementales. Le choix qui est fait est de développer l’écotourisme dans les parcs nationaux. Toutefois, comme dans beaucoup de villes africaines, il y a une urbanisation très forte au Gabon. Et une pression urbaine sur le foncier.

II y a des projets individuels de gens qui vont acquérir des terrains pour construire leurs maisons en bordure des zones de mangroves et d’autres qui font de la spéculation foncière. Mais l’impact sur les mangroves n’est pas conséquente, il ne s’agit pas d’une déforestation massive au Gabon.

À notre niveau, nous essayons de sensibiliser les propriétaires des terrains avec l’appui des communautés rurales qui y vivent. Elles ont tout intérêt à la protéger, parce que c’est cette mangrove qui va les protéger des marées et des inondations qu’elles engendrent.

Un avis que Marc Ona Essangui, président de l’ONG Brainforest, ne partage pas. Pour lui l’État a laissé la situation empirer en fermant les yeux sur la catastrophe écologique :

 

La Direction générale de l’Environnement a des équipes sur le terrain, mais n’a pas empêché les destructions. Ils auraient pu arrêter les travaux dès les premiers coups de tronçonneuse. 

Le village Idolo n’est qu’une toute petite partie du problème de la destruction des mangroves. Le phénomène existe dans toute la zone du Cap Estérias et les dégâts occasionnés sont énormes. Nous pensons que les autorités couvrent les auteurs de ces infractions.

La Direction générale de l’environnement assure qu’une étude de terrain sera effectuée en août pour détecter d’autres cas similaires, d’autres zones à risque et pour faire éventuellement des marquages et des signalisations.

Article écrit par Hermann Boko (@Hermann Boko)

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