Russie : dans la peau des opposants à Vladimir Poutine

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Russie : dans la peau des opposants à Vladimir Poutine

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Une membre du parti démocratique Iabloko manifeste, seule, devant la Douma, l'assemblée nationale russe, à Moscou, le 11 mars 2020.
Une membre du parti démocratique Iabloko manifeste, seule, devant la Douma, l'assemblée nationale russe, à Moscou, le 11 mars 2020.
© AFP - Kirill Kallinikov / Sputnik

Dix jours après l’empoisonnement présumé d'Alexeï Navalny, Egor Joukov, étudiant blogueur critique du pouvoir, a été violemment agressé hier à Moscou. Un exemple parmi d’autres de la pression qui s’exerce sur les opposants au Kremlin. Connus ou anonymes, ils se protègent comme ils le peuvent.

Au siège du parti Iabloko, à quelques centaines de mètres des murailles du Kremlin, un seul gardien filtre les entrées. Pas davantage de contrôle pour accéder au bureau de Nikolaï Rybakov, le jeune président national de cette formation d’opposition (social-libéral), qui perdure depuis plus de vingt ans. Mais lorsqu’il se déplace en région, l’intéressé admet qu’il est obligé de respecter un minimum de règles pour sa sécurité :

Avant de partir, il faut savoir où tu loges pendant ton déplacement. Ce que tu manges, ce que tu bois. Mais aussi, avec qui tu voyages. On peut anticiper certaines situations, même s'il n’est pas possible de tout prévoir…

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Nikolaï Rybakov est en pleine campagne dans le cadre des élections locales partielles, qui devraient avoir lieu à la mi-septembre. Lorsqu’on lui demande si l’empoisonnement présumé d' Alexeï Navalny a pu avoir un effet sur les membres de son parti, il ne souhaite pas en rajouter, mais avance tout de même son explication : "Tout ce que je peux dire, c’est que l’an dernier nous avions pu présenter plus de 1 100 candidats locaux partout où il y avait un scrutin. Cette année, seulement un peu plus de 600." Le jeune chef de parti évoque alors beaucoup plus de candidatures refusées localement par rapport à l’année précédente, essentiellement pour des raisons administratives ou juridiques.

Nikolai Rybakov, alors vice-président de Iabloko, à la gauche de Grigory Yavlinsky, candidat du parti à la présidentielle russe de 2018.
Nikolai Rybakov, alors vice-président de Iabloko, à la gauche de Grigory Yavlinsky, candidat du parti à la présidentielle russe de 2018.
© AFP - Valeriy Melnikov/Sputnik

Dépasser le stade de la peur

Gleb Toumanov est l’un de ceux qui accompagnent Nikolaï Rybakov dans ses déplacements.

À 31 ans seulement, il a déjà une longue expérience des situations parfois aussi extrêmes que l’empoisonnement d’Alexeï Navalny. Il y a une dizaine d’années, trois de ses amis, militants antifascistes, sont morts agressés par des extrémistes.

"À l’époque, déjà, il n’y avait pas eu de véritable enquête. J’ai toujours été convaincu que les agresseurs n’avaient pas agi pour leur propre compte. Quand j’entends ce qui s’est passé avec Navalny…  je me sens en quelque sorte immunisé contre les cas comme celui-ci."

Gleb avoue qu’il a surtout peur pour son épouse, également opposante au pouvoir en place. Pour ce qui le concerne, il donne l’impression d’avoir dépassé le stade de la peur.

Au moment où un militant d'opposition aurait été passé à tabac. Selon son équipe, Egor Joukov, blogueur populaire sur les réseaux sociaux, a été attaqué dans la nuit de dimanche de lundi 31 août à Moscou par deux inconnus qui ont pris la fuite. Dimanche, l'équipe de celui qui avait été accusé à l'été 2019 d'avoir organisé des "troubles de masse" a annoncé que le jeune homme avait été exclus de la prestigieuse Haute école d'économie de Moscou immédiatement après son inscription en maîtrise, une décision dénoncée comme "un ordre venu d'en haut".

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La Question du jour
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Garder l’espoir malgré tout

Tous les "activistes", comme on les appelle, de l’opposition russe – dite en dehors du système – savent que leurs initiatives pour dénoncer la corruption et critiquer le pouvoir les exposent. Mais ils ne s’habituent pas forcément tous aux risques, comme l’explique Nastia, 30 ans, qui a souhaité ne pas donner davantage de détails sur sa situation.

"Parfois je m’inquiète. Je pense à ma sécurité, à la sécurité de mes amis, ça me fait un peu peur… Mais je ne suis pas surprise. Ça m'attriste et m'inquiète."

[Des affaires comme l'empoisonnement présumé de Navalny], je pense que ça ne fait pas peur aux gens, mais ça met en colère. C’est scandaleux de faire ça.

Nastia dit qu’elle garde espoir, convaincue que tout cela peut servir à unir les différents courants de l’opposition russe. Et malgré toute la pression ambiante, elle croit qu’un jour le débat et la représentation politique en Russie vont gagner en pluralisme. Dans l’immédiat, elle souhaite, comme beaucoup d’autres opposants, qu’Alexeï Navalny se rétablisse. Dans le cas contraire, les uns comme les autres n’hésitent pas à évoquer des réactions de leur camp, dans la rue.

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