INTERVIEW« On ne sait pas comment le virus va réagir » à l’hiver

Coronavirus à Bordeaux : « On ne sait pas comment le virus va réagir à la chute drastique des températures »

INTERVIEWMembre du conseil scientifique, le professeur Denis Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux, fait un point sur la reprise de l’épidémie en France
Le Pr Denis Malvy, expert infectiologue au CHU de Bordeaux et membre du Conseil Scientifique
Le Pr Denis Malvy, expert infectiologue au CHU de Bordeaux et membre du Conseil Scientifique - M.Bosredon /  20 Minutes
Propos recueillis par Clément Carpentier et Mickaël Bosredon

Propos recueillis par Clément Carpentier et Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Le professeur Denis Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux et membre du conseil scientifique, estime que la France a aujourd’hui les outils en mains pour éviter une seconde vague même si on ne sait pas comment le virus va réagir avec l’hiver.
  • Il a bon espoir qu’un vaccin soit élaboré d’ici le début de l’année 2021.

C’est calme ce mardi dans les couloirs du service des maladies infectieuses du CHU Pellegrin de Bordeaux. Le Pr Denis Malvy a le temps d’échanger avec ses collègues et même de recevoir 20 Minutes dans son bureau. L’infectiologue bordelais, membre du conseil scientifique, se penche sur la reprise de l’épidémie de Covid-19 et les prochaines semaines qui nous attendent.

Est-ce que vous aviez anticipé cette reprise ?

La remontée des cas était attendue. On n’est pas du tout surpris. On a une reprise des infections avec un rythme extrêmement élevé qui est en rapport avec les activités de tourisme sur la côte girondine. Il y a eu un vrai brassage de population. Il y a aussi eu les rassemblements de l’été et pas que chez les jeunes. Au-delà de dix personnes, on peut créer facilement un cluster, sans diffusion, certes.

Quelle est la situation dans votre CHU ?

Il n’y a pas une augmentation drastique du nombre de personnes hospitalisées que ce soit dans le service des maladies infectieuses ou en réanimation. Au printemps, on a eu jusqu’à 35 patients Covid-19 dans mon service. Ce matin [mardi], j’en ai huit avec des admissions en attente mais attention, on était redescendu à 0 en juillet. On accueille des « jeunes », c’est-à-dire autour de 40-50 ans, avec des facteurs de risques et de nouveau des personnes âgées. On a aussi six patients en réanimation dont une entrée ces dernières heures. On voit bien que le virus recircule.

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Peut-on rapidement se retrouver dans la même situation qu’en mars ?

Aujourd’hui, la grande différence, c’est qu’il y a le « testing ». Bon, il ne faut pas non plus croire qu’on va pouvoir augmenter le nombre de tests à l’infini. Les autorités souhaiteraient qu’on augmente encore mais c’est déjà beaucoup par rapport à mars. C’est un bon point. On a une vraie capacité de tests. Avec les masques et les gestes barrières, on peut mieux contrôler le virus. Aujourd’hui, on est dans la gestion. Mais clairement, le scénario de l’extinction [du coronavirus] n’est pas au rendez-vous. On ira de plus en plus vers le contrôle [du virus] pour que la vie sociale reprenne son cours le plus normalement possible. A l’image des écoles qui rouvrent et pas de façon partielle. L’objectif est d’écrêter au mieux la diffusion du virus. Après, on ne sait pas comment le virus va réagir à la chute drastique des températures. Si le Covid-19 est comme les autres virus, il va bénéficier d’un terrain encore plus propice pour se propager. On se prépare à ça.

Vous vous préparez donc à une deuxième vague ?

Je ne sais pas mais on doit s’y préparer pour maintenir le plateau de cette possible deuxième vague le plus bas possible. La différence avec le printemps, c’est que les personnes vulnérables se protègent et qu’on a amélioré la prise en charge des patients. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas de vaccin que rien n’avance.

C’est-à-dire ?

On ventile beaucoup mieux les patients. On propose aussi des traitements anticoagulants plus performants. L’administration de corticoïdes comme la dexaméthasone nous aide beaucoup chez les patients pris en charge avant la réanimation. On a fait énormément de progrès. On est mieux armé et d’ailleurs le taux de survie s’améliore.

Il n’y aura pas de reconfinement généralisé pour vous ?

Non car justement on a tout ça. On a beaucoup de contraintes aujourd’hui mais ce sont elles qui vont nous permettre de ne pas revivre le scénario de mars. Après, il peut y avoir des reconfinements partiels voire ultra-partiels mais surtout, il faut maintenir la vie sociale. C’est très important.

Avec le recul, pensez-vous qu’il fallait passer par un confinement total ?

Oui car tout simplement, cela a sauvé des vies. On ne voulait pas confiner par zone sinon les gens se seraient précipités dans les zones les moins touchées.

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Avez-vous un avis sur la cacophonie scientifique qu’il y a eu au plus fort de la crise ?

Non car je n’ai pas le tempérament à me positionner par rapport aux pensées des autres. Mais, je ne m’en réjouis pas. On peut juste constater que ce genre de crise nous précipite dans une société de l’instantanéité avec le moindre truc qui est repris des dizaines de fois. C’est le paradoxe de nos sociétés, on est dans la répulsion du risque épidémique, dans l’idolâtrie du risque 0 et en même temps, on a une fascination débordante pour cette épidémie. Il faut vraiment réfléchir par rapport à ça car des virus, il y en aura d’autres !

Cela vous inquiète ?

Dans cette crise sanitaire, on remarque une contraction de l’espace et du temps. L’espace, c’est le paradigme des villes à forte densité avec une urbanisation sauvage et une cohabitation avec des élevages intensifs comme on peut le voir en Asie. Ces villes sont des bombes à retardement. Le temps, ce sont les transports internationaux. Une chose qui se passe dans un endroit donné peut se reproduire de façon quasi instantanée à l’autre bout de la planète.

Avez-vous bon espoir qu’un vaccin soit développé rapidement ?

Déjà, nous ne vivons que des avancées. Rappelons avant de parler de vaccin que demain, nous aurons par exemple les tests salivaires qui sont beaucoup plus rapides. Ils sont en cours d’évaluation, c’est une question de semaines. Tester rapidement, c’est très important dans une crise sanitaire. On va aussi continuer à avoir des avancées thérapeutiques avec les interférons [des protéines produites suite à une infection virale]. Enfin, on va avoir les premiers résultats sur les candidats au vaccin. Il y en a six en phase 3. Les vaccins français arrivent peut-être tard mais ce ne sont pas les moins prometteurs. A Bordeaux, on devrait bientôt en tester. On espère un vaccin pour fin 2020, début 2021.

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Où en est votre étude en ambulatoire COVERAGE ?

Ce projet est né en six semaines. Le problème, c’est qu’on a commencé l’étude au moment où il n’y avait plus de cas dans la population à la mi-mai et en plus dans une zone verte, très peu impacté par l’épidémie à ce moment-là. L’essai a été ouvert mais on n’a pas pu recruter jusqu’à la reprise épidémique de l’été. On a commencé à inclure des patients il y a trois semaines. Nous en avons une petite dizaine. Donc, aujourd’hui, nous recrutons.

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