Près de quatre mois après la fin du confinement, les expériences partagées par les uns et les autres continuent de confirmer ce que nous savions déjà : nous n’avons pas tous vécu de la même manière cette étrange période retranchés dans nos foyers. Frédéric Plassard, propriétaire de la grotte de Rouffignac, ose à peine dire qu'il fait partie de ceux qui en garderont un souvenir heureux. "Nous avons été très inégaux face au confinement. J’ai conscience d’avoir été un privilégié", confie-t-il. Ces longues semaines, il les a passé à arpenter les galeries de ce site préhistorique exceptionnel, immense caverne articulée en galeries plus ou moins larges sur plus de 8 km. Successivement fréquentée par les ours des cavernes et les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique, elle recèle sur ses parois de plus de 250 figurations animales – pour la plupart des mammouths – en partie visibles du public embarqué à bord d'un petit train.
Frédéric Plassard n’a pas outrepassé les règles imposées par le gouvernement sur la question des sorties du domicile. La grotte de Rouffignac est située sur sa propriété, à quelques kilomètres de sa maison. C’est son grand-père qui en fait à l’acquisition il y a plus de 90 ans, sans savoir que le souterrain mentionné sur l'acte de vente était un véritable joyau de l’art pariétal. "Lorsqu’il a acheté le terrain, il savait qu’une grotte s’y trouvait. Celle-ci était connue car ouverte sur l’extérieur et faisait déjà l’objet de mentions dans des écrits. Ce n’est qu’en 1956 que nous avons découvert sa dimension archéologique." Le 26 juin de cette année, le professeur Louis-René Nougier, préhistorien à l'Université de Toulouse, et Romain Robert, amateur éclairé, tombent à la lueur de leur lampe sur des dizaines de peintures et gravures jamais réellement identifiées auparavant. Depuis ce jour, Rouffignac est considérée comme l’une des plus grandes grottes ornées d’Europe.
Au détour d'une galerie isolée, un mammouth inconnu
Soixante-quatre ans plus tard, à la fin d’un mois de mars comme le monde n’en avait jamais connu, Frédéric Plassard, guide-conférencier de ce labyrinthe naturel mais aussi docteur en préhistoire rattaché à l’unité CNRS de Bordeaux, se décide à exploiter tout ce temps libre imposé pour s’adonner à quelques travaux de recherche in situ. Avec son épouse, la préhistorienne Morgane Dachary, il se rend dans une partie peu fréquentée de la grotte "pour reprendre une étude, à la demande d’un protohistorien, sur la céramique au second Âge du fer en lien avec une activité sépulcrale".
Près de quatre mois après la fin du confinement, les expériences partagées par les uns et les autres continuent de confirmer ce que nous savions déjà : nous n’avons pas tous vécu de la même manière cette étrange période retranchés dans nos foyers. Frédéric Plassard, propriétaire de la grotte de Rouffignac, ose à peine dire qu'il fait partie de ceux qui en garderont un souvenir heureux. "Nous avons été très inégaux face au confinement. J’ai conscience d’avoir été un privilégié", confie-t-il. Ces longues semaines, il les a passé à arpenter les galeries de ce site préhistorique exceptionnel, immense caverne articulée en galeries plus ou moins larges sur plus de 8 km. Successivement fréquentée par les ours des cavernes et les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique, elle recèle sur ses parois de plus de 250 figurations animales – pour la plupart des mammouths – en partie visibles du public embarqué à bord d'un petit train.
Frédéric Plassard n’a pas outrepassé les règles imposées par le gouvernement sur la question des sorties du domicile. La grotte de Rouffignac est située sur sa propriété, à quelques kilomètres de sa maison. C’est son grand-père qui en fait à l’acquisition il y a plus de 90 ans, sans savoir que le souterrain mentionné sur l'acte de vente était un véritable joyau de l’art pariétal. "Lorsqu’il a acheté le terrain, il savait qu’une grotte s’y trouvait. Celle-ci était connue car ouverte sur l’extérieur et faisait déjà l’objet de mentions dans des écrits. Ce n’est qu’en 1956 que nous avons découvert sa dimension archéologique." Le 26 juin de cette année, le professeur Louis-René Nougier, préhistorien à l'Université de Toulouse, et Romain Robert, amateur éclairé, tombent à la lueur de leur lampe sur des dizaines de peintures et gravures jamais réellement identifiées auparavant. Depuis ce jour, Rouffignac est considérée comme l’une des plus grandes grottes ornées d’Europe.
Au détour d'une galerie isolée, un mammouth inconnu
Soixante-quatre ans plus tard, à la fin d’un mois de mars comme le monde n’en avait jamais connu, Frédéric Plassard, guide-conférencier de ce labyrinthe naturel mais aussi docteur en préhistoire rattaché à l’unité CNRS de Bordeaux, se décide à exploiter tout ce temps libre imposé pour s’adonner à quelques travaux de recherche in situ. Avec son épouse, la préhistorienne Morgane Dachary, il se rend dans une partie peu fréquentée de la grotte "pour reprendre une étude, à la demande d’un protohistorien, sur la céramique au second Âge du fer en lien avec une activité sépulcrale".
Un bison et une vue de la galerie. Crédits : Frédéric Plassard et Morgane Dachary
S’engouffrant dans une galerie latérale éloignée de l’axe de circulation principal et à la réputation d’être peu ornée, il repère un tracé à l’argile évocateur d’une figure qu’il connaît bien, celle d’un mammouth. Il pense d’abord à un graffiti récent, "peut-être celui d’un étudiant des années 50 ou 60 qui aurait voulu faire une blague". Mais rapidement, il constate que l’argile est un peu calcité, craquelé, et donc appliqué il y a fort longtemps. "En voyant cela, je n’ai pas trop eu de doute, car la figure était parfaitement recevable et la technique connue ailleurs." Excité par la trouvaille, le couple s’accorde à revenir le lendemain pour explorer plus attentivement ce recoin.
Plan de la grotte de Rouffignac, où l'emplacement des nouvelles découvertes est indiqué en rouge. Crédits : Frédéric Plassard et Morgane Dachary
Au cours des jours suivants, tantôt assisté par son fils, tantôt par son père, le préhistorien Jean Plassard (la préhistoire est décidément une affaire de famille), Frédéric Plassard retrouve pas moins de neuf figures supplémentaires, portant le total de ses découvertes à 13 dessins. "Des mammouths, un bison, une patte correspondant à un animal non-identifié et une éventuelle figuration féminine, celle qui agite aujourd’hui les consciences", s’aventure l’expert. Car si la confirmation qu’il s’agit bien d’une silhouette de femme venait à tomber dans le futur, c’est toute la répartition chronologique de ce motif rare, à l’apparition tardive au Paléolithique, qui se verrait bousculée. Selon l’état actuel de nos connaissances, ces figures féminines ne s’observent en effet qu’au Magdalénien supérieur et final (13.500-12.500 avant J.-C.), majoritairement dans des endroits exigus ou à l’écart. Très schématiques, seulement composées de deux lignes correspondant à un buste et des cuisses vus de profil, elles sont représentées presque toujours en groupe. Si celle de Rouffignac en est bien une, elle serait non seulement la première de la grotte, mais aussi la première à avoir été représentée au Magdalénien moyen.
Une figure féminine qui interroge
Alors lorsqu’il distingue un étrange tracé gravé dans la roche, Frédéric Plassard ne comprend pas ce qu’il voit. "C’est une galerie difficile d’accès, dans laquelle on ne peut se déplacer qu’en rampant sur le ventre ou sur le dos. Elle ne fait que 60 centimètres de hauteur sur un 1,20 mètre de largeur, c’est très inconfortable. Sans parler du fait que cette figure féminine, si elle existe, est superposée à un mammouth, et donc difficilement lisible." Malgré tout, il effectue consciencieusement son relevé. C’est plus tard, dans son bureau, qu’il s’est mis à s’interroger… et à se dire qu’il s’agissait peut-être bien d’une figure féminine isolée.
Un bison et une vue de la galerie. Crédits : Frédéric Plassard et Morgane Dachary
Frédéric Plassard le confesse : il marche sur des œufs depuis que France Bleu, suivi par d’autres grands médias, ont relayé sa découverte. Il a le sentiment que les étapes ont été brûlées. Aucun document, pas même un simple relevé, n’a encore fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique. Voilà pourquoi nous n'avons pas aujourd'hui la photo de cette figure féminine. "Dès qu’il s’agit de figuration humaine, l’emballement est immédiat. Il faut pourtant faire bien attention, surtout avec des dessins aussi partiels." Outre son tracé très lacunaire propice à l’interprétation, deux choses le dérangent encore : le caractère unique de cette représentation sur le site de Rouffignac mais aussi, et surtout, son aspect esseulé. "Je ne connais qu’une seule grotte où l’une de ces figures de femme est présentée seule, une grotte en Espagne. Dans la quasi-totalité des cas, elles sont plusieurs et s’emboîtent presque les unes avec les autres."
Patrick Paillet, préhistorien au Muséum national d’histoire naturelle qui a pu se rendre sur les lieux, est plutôt favorable à cette hypothèse. Jean Plassard, lui, en doute beaucoup. Il faudra donc attendre que les travaux de recherche, actuellement en cours de rédaction, soient publiés et fassent l’objet d’un débat dans la communauté scientifique. En attendant, la famille Plassard continue de s’émerveiller de ses découvertes. "L’art de la grotte de Rouffignac est assez évident et des prospections systématiques ont eu lieu depuis les années 1950. Nous étions toujours partis du principe que ce qui devait être avait été vu. Nous sommes ravis de nous être trompés."