La croissance de Paris

 


La population parisienne


 

L'estimation de la population de Paris avant le premier recensement (1801) est difficile et varie, parfois très fortement, selon les historiens. Les chiffres retenus ici constituent une hypothèse vraisemblable correspondant aux dernières estimations des historiens.



La courbe de la population traduit les aléas de l'histoire de Paris mais aussi, bien évidemment, ceux de l'histoire de France.
Paris connaît une croissance rapide de deux siècles, du milieu du XIIe siècle aux années 1330-1340, époque où la population atteint un premier maximum (230 000 habitants?). Cœur du domaine capétien, au centre d’une vaste région qui, de Rouen à Reims et d’Amiens à Bourges, se couvre de cathédrales, c’est alors la plus grande ville d’Europe et sans doute la plus densément peuplée. Le dynamisme démographique que connaît alors l’ensemble du pays et de l’Europe correspond, selon des recherches récentes, à un certain réchauffement climatique, tendance qui s’inverse au XIVe siècle et va durer jusqu’au XIXe (le « petit âge glaciaire »).

Dans la première moitié du XIVe siècle, l’importance de la population génère des difficultés d’approvisionnement en cas de mauvaises récoltes et cause famines (1317) et épidémies (1328).


 
Les surfaces urbanisées ont été calculées à partir des cartes du site ou extrapolées pour les dates intermédiaires 
La « grande peste » (1348-1350) frappe ainsi une population fragilisée. La ville perd alors entre le tiers et la moitié de sa population. Pendant le siècle qui correspond à la guerre de Cent Ans, la population fluctue en fonction des aléas du (des) conflit(s), franco-anglais, entre Armagnacs et Bourguignons… L'expansion démographique reprend fortement de 1450 à 1560. Un second maximum est atteint vers 1580 avec près de 350 000 habitants.
La fin du XVIe est marquée par les Guerres de Religion. Un minimum est atteint pendant le siège de Paris au début des années 1590.  

Suit une croissance de nouveau rapide de la fin du XVIe siècle aux années 1640 ; avant la Fronde (1648-1653), Paris atteint plus de 460 000 habitants. La population se stabilise durant la fin du règne de Louis XIV du fait du départ de la Cour pour Versailles, des guerres et de mauvaises conditions climatiques.

La ville connaît une croissance régulière de 1710 à 1790, avec une certaine accélération après 1750 ; cette croissance est toutefois inférieure  à celle de nombreuses de villes de province (Bordeaux, Nantes, Brest, Strasbourg, Nancy…), la part de Paris dans la population de la France diminue légèrement.


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Puis, après la Révolution et l'Empire, la croissance devient très forte de 1820 à 1850. Paris qui connaît alors une première vague d’industrialisation attire une immigration provinciale importante et atteint sans doute vers le milieu du XIXe un maximum de population pour une ville sans moyens de transports collectifs.

La croissance s'accélère encore dans la seconde moitié du siècle. Mais depuis 1860 environ ce sont les communes de banlieue, en dehors de l'enceinte de Thiers, qui, peu à peu desservies par chemin de fer, commencent à prendre le relais. L'extension spatiale peut alors se faire par sauts, de façon discontinue, à partir des gares de banlieue.

 

Paris atteint un maximum historique de population dans les années 1930 (2 850 000 hab.) puis régresse après la seconde guerre mondiale pour se stabiliser autour de 2 200 000 habitants entre 1980 et 1999. Une légère augmentation se constate depuis le début du siècle (2 240 000 habitants en 2014).

La population de l'agglomération parisienne de 1801 à 2015. Wikipedia, Démographie de Paris.


L'expansion spatiale 

" Prenez les plans de Paris à divers âges. Superposez-les l'un à l'autre concentriquement à Notre-Dame... l'effet de grossissement est terrible. Vous croyez voir, au bout d'une lunette, l'approche d'un astre."  (Victor Hugo 1867, cité dans le Guide du Patrimoine 1994)

Jusqu'au XIVe siècle, la croissance spatiale apparaît relativement homogène, avec toutefois, déjà, un développement plus accentué sur la rive droite vers l'ouest, entre les rues Saint-Honoré et Saint-Denis autour des Halles, secteur où le rempart de Philippe Auguste est le plus rapidement dépassé. En 1450, le rempart de Charles V est atteint par l'urbain à l'ouest alors qu'à l'est il enserre encore de vastes espaces libres. 

 

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Deux séries de facteurs, géographiques et historiques, expliquent ce développement préférentiel vers l’ouest.  A l’est, les hauteurs de Belleville et de Ménilmontant et la proximité du terrain marécageux de l’ancien bras de la Seine limitent assez vite l’extension de la ville et expliquent l'absence de grande voie support d'urbanisation entre la rue du Temple et la rue Saint-Antoine. Sur la rive gauche, la Bièvre marque, à l’est, une limite jusqu’au milieu  du XIXe siècle. Les activités portuaires et les "chantiers" qui occupent les berges interdisent par ailleurs toute mise en valeur de la Seine en amont de l'île de la Cité. 

Vers l’ouest, au contraire, une plaine régulière propice à l’urbanisation s’étend largement sur les deux rives dès lors que l’on s’éloigne de la zone inondable en bordure de Seine, au nord vers les hauteurs de Montmartre, à l'ouest vers Chaillot et au sud, au-delà du bourg Saint-Germain.

Avec l’installation de Charles V à l’hôtel Saint-Pol, en 1360, pendant près de deux siècles, l’histoire semble hésiter : les hôtels aristocratiques s’implantent aussi bien, à l’ouest, autour du Louvre, qu’à l’est, dans le Marais et aux bords de la Bièvre. 

La mort d’Henri II à l’hôtel des Tournelles en 1559 et la construction des Tuileries, puis l’installation des rois au Louvre, avant le départ de la cour à Versailles, donnent définitivement la primauté au développement vers l’ouest. En 1700, la limite des boulevards rive droite tracés sur l'emprise de l'enceinte de Charles V et des fossés jaunes, est largement dépassée vers l'ouest. Au XVIIIe, l'extension spatiale se fait uniquement, de façon relativement continue, sur l'ouest des deux rives de la Seine (faubourgs Saint-Germain et Saint-Honoré, Chaussée d'Antin).

En 1790, le faubourg Saint-Antoine apparaît comme un quartier périurbain à l'urbanisation discontinue le long des voies et chemins anciens, avec de vastes espaces de jardins et de maraichage.

Dans la première moitié du XIXe siècle, l'extension spatiale se fait très majoritairement sur la rive droite, de façon spontanée dans les communes périphériques en bordure de l'enceinte des Fermiers Généraux ou, de façon plus organisée, sous forme de lotissements, certains très importants. De vastes emprises, en limites d'urbanisation, apparaissent : cimetières, abattoirs, prisons, entrepôts, gares de marchandises et industries.
A la fin du siècle, l’enceinte de Thiers est presque entièrement construite ; il reste néanmoins quelques espaces agricoles intra-muros dont certains vont perdurer jusqu’au milieu du XXe siècle. 



Formation des voies                      


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Liens externes




Sources

Cazelles Raymond. La population de Paris avant la peste noire. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 110ᵉ année, N. 4, 1966. pp. 539-550.

Rouleau (Bernard), Le tracé des rues de Paris: Formation, typologie, fonctions… Paris, éd. CNRS, 1988.

Biraben Jean-Noël, Blanchet Didier. Essai sur le mouvement de la population de Paris et de ses environs depuis le XVIe siècle.Population, 53ᵉ année, n°1-2, 1998. Population et histoire. pp. 215-24In8.