La ville, future arche de Noé ?

Des canards dans la ville ©Getty - Chris McLoughlin
Des canards dans la ville ©Getty - Chris McLoughlin
Des canards dans la ville ©Getty - Chris McLoughlin
Publicité

Comment faire de la ville une arche de Noé où humains et animaux cohabitent en bons voisins? On en parle avec la philosophe Joëlle Zask qui publie "Zoocities" (Premier Parallèle, août 2020).

Avec
  • Joëlle Zask Maître de conférences à l'université Aix-Marseille, membre de l’Institut universitaire de France et spécialiste du pragmatisme et de philosophie sociale

Nous la recevions en 2019 pour son essai Quand la forêt brûle : Penser la nouvelle catastrophe écologique (Premier Parallèle, 2019), qui lui a valu le Prix Pétrarque de l’Essai France Culture 2020 et dans lequel elle nous parlait du phénomène des mégafeux. La philosophe Joëlle Zask revient aujourd’hui avec Zoocities. Des animaux sauvages dans la ville (Premier Parallèle, 2020), un essai qui s’arrête sur un phénomène qui a touché les villes du monde entier, à savoir, la présence d’animaux sauvages dans les rues désertes. 

L’arche de Noé est ce lieu de sauvetage qui n’a rien à voir avec un zoo, mais qui est autogouverné par les animaux : ils rentrent d'eux mêmes dans l’arche, ce n’est pas Noé qui les conduit. [...] Il y a dans l’arche de Noé un double projet qui est celui de maintenir la diversité des espèces, de la sauver d’une certaine façon, et, en même temps, de s’inscrire dans les espèces sans aucune hiérarchie, sur un plan d’égalité qui se reflète dans l’architecture de l’arche.          
(Joëlle Zask)

Publicité

Et, accompagnant ces visiteurs, l’illusion, en regardant les vidéos joyeusement relayées sur les réseaux sociaux, qu’ils sortaient de nulle part, apportant plus de nature avec eux. Or beaucoup de ces canards, renards ou oiseaux étaient déjà là. Le confinement et le silence nous les ont simplement rendus visibles. 

La violence que nous infligeons aux animaux est une violence que nous nous infligeons  à nous-mêmes ou qui nous a été infligée. Tant que la ville ne sera pas agréable pour les animaux ou viable pour des espèces multiples, elle ne sera pas non plus viable pour nous.            
(Joëlle Zask)

Par leur présence, ces animaux nous ont ouvert les portes de la ville lorsque nous étions enfermés chez nous, de même qu’ils ont peut-être contribué à ouvrir notre esprit quant à notre rapport au monde sauvage. D’une vision dualiste pour laquelle le sauvage correspondrait au bestial ou, à l’inverse et de manière idéalisée, à un monde préservé de la main de l’Homme, Joëlle Zask prône une prise de conscience : il s’agirait de favoriser la coexistence avec l’animal en trouvant la juste distance. A la manière d’une Arche de Noé, la ville deviendrait une cité multispéciste, où tous les animaux trouveraient leur place, l’Homme y compris.

Il s’agit d’aménager un espace de manière à ce qu’une multitude d’êtres, y compris d’êtres humains, puissent conduire leur vie sans interférer les uns avec les autres : creuser des passages dans les rues, surélever nos maisons…              
(Joëlle Zask)

La citoyenneté est écologique, ou alors ce n’est pas de la citoyenneté : le souci de l’organisation de la vie commune fait partie de la citoyenneté. […] Il s’agit de construire un environnement durable.          
(Joëlle Zask)

À réécouter : Emmanuel contre Carrère
La Grande table culture
28 min

Extraits sonores:

L'équipe