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Les femmes à l’assaut du Vendée Globe

Samantha Davies
Samantha Davies © DR
Margaux Rolland

Elles étaient les grandes absentes de la huitième édition du Vendée Globe. En 2020, les femmes reviennent en force et le prouvent. Elles pourraient être six à s’élancer le 8 novembre prochain des Sables d’Olonne pour un tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance.

On les compte sur les doigts d’une main, plus rarement sur les deux. Depuis la naissance de l’événement en 1989, il a fallu attendre la troisième édition pour voir arriver les pionnières. En large infériorité numérique dans l’histoire du Vendée Globe, les femmes sont pourtant plus performantes sur cette course que leurs concurrents masculins. Et les statistiques le démontrent. Sur les sept navigatrices à avoir pris le départ depuis 1996, six ont franchi la ligne d’arrivée. « En 2008, nous étions 30 bateaux à partir. À la fin il n’en restait plus que onze dont les deux candidates de la course », explique Samantha Davies. À l’issue de ce tour du monde, la navigatrice anglaise a frôlé l’exploit en s’emparant de la quatrième place. Elle est la seule depuis Ellen MacArthur à avoir effleuré un podium. « J’avais un vieux bateau, ajoute-t-elle. Je n’étais vraiment pas la plus rapide de la flotte. Mais ce n’est pas forcément le bateau le plus récent qui gagne. C’est ça la magie du Vendée. » Onze ans plus tard, Sam revient en solitaire sur son voilier construit en 2010, avec cette même rage de vaincre. Elle l’a brillamment démontré lors de la Vendée – Arctique – Les Sables d’Olonne, une course de 3600 milles nautiques en Atlantique Nord, en arrivant juste derrière le trio de tête, composé de monocoques de dernière génération.

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Samantha Davies.
Samantha Davies. © Eloi Stichelbaut

Pour ce nouveau tour du monde, la Britannique vise « secrètement » le podium. « Si nous regardons les bateaux de la flotte, sur le papier ça risque d’être compliqué. Beaucoup d’entre eux sont neufs. Par contre c’est le Vendée et j’ai déjà fait mes preuves », argumente-t-elle. Samantha est ambitieuse et capable de se mêler à la lutte pour les places d’honneur. Un coup de projecteur qui donnerait envie à un sponsor de parier sur une femme dans les prochaines années. Et ainsi redistribuer les cartes pour l’édition 2024. Depuis Ellen MacArthur en 2001, aucun mécène n’a eu la volonté d’un projet gagnant avec une femme à la barre. La course au large est une aventure, l’une des plus extrêmes encore possible aujourd’hui.

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Copier les hommes n’a semble-t-il aucun intérêt

Hormis quelques critères intangibles, comme la hauteur du mât, les concurrents peuvent adapter leur voilier à leur guise. C’est le cas de Clarisse Crémer. La trentenaire navigue seulement depuis un an à bord du Banque Populaire X. Elle a d’ailleurs disputé sa première course en solitaire lors de la Vendée – Arctique – Les Sables d’Olonne. « On essaye toutes de trouver des petites astuces pour rendre la navigation moins compliquée. Mais in fine, ce ne sont que des détails. » Aménagement intérieur pour déplacer les voiles pouvant peser jusqu’à 70 kilos, modification de la colonne qui sert à actionner les winchs… Autant de changements qui, mis bout à bout facilitent la vie à bord. Il serait judicieux d’envisager un 60 pieds à leur image. De considérer cet univers sportif sans genre pour ouvrir la voie d’une voile au féminin. Les navigatrices sont unanimes, copier les hommes n’a semble-t-il aucun intérêt. « Je ne prétends pas faire la même chose que les skippeurs qui naviguent face à moi, assure Sam Davies. Souvent nos tactiques diffèrent, peut-être pour pallier notre manque de force. »

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Isabelle Joschke.
Isabelle Joschke. © Ronan Gladu

Une frustration qu’Isabelle Joschke a longtemps essayé de combler par un surentraînement. « Je faisais énormément de musculation. J’ai mis des années à comprendre que ça ne fonctionnait pas comme ça, confie-t-elle. Mon gabari est limité. Je mesure 1,59m et je pèse aujourd’hui 53 kilos. Je suis au taquet de ma masse musculaire. » Depuis quatre ans, la navigatrice pratique quotidiennement le Pilates. Une préparation sportive qui vise à allonger et renforcer le corps grâce au travail excentrique, favorisant ainsi la souplesse. « Cette discipline a porté ses fruits même si ça a pris du temps, affirme Isabelle. Aujourd’hui je vois que j’ai plus de force qu’avant. J’ai 43 ans, je me sens plus puissante qu’à mes 25 ans. » La voile est un sport de longue durée. Sur ces bateaux toujours plus rapides et exigeants, il faut être préparé physiquement pour encaisser ce que l’on fait subir à son corps. En Imoca, les manœuvres prennent jusqu’à 45 minutes contre 15 minutes en Class40. D’où l’importance d’envisager la préparation physique dans son ensemble, c’est à dire l’effort et la récupération.

Les grandes évolutions se font dans le temps

Les freins à la féminisation restent identiques aux autres disciplines. Concilier maternité et vie professionnelle peut parfois s’avérer délicat. À travers son parcours, Sam Davies prouve le contraire. La navigatrice est née à Portsmouth dans une famille de marins. Elle a ainsi fait ses premiers pas sur le bateau de ses grands-parents. « Chez moi, ça s’est toujours passé comme ça raconte-t-elle. Je me suis dit qu’en devenant maman, je ne changerai pas ma vie. » En 2012, la jeune femme de 38 ans à l’époque, embarque pour son deuxième tour du monde à la voile, sans escale et sans assistance. Ruben, son fils, a tout juste un an. « Aujourd’hui, c’est normal pour lui d’avoir une maman qui part naviguer. Il ne s’est jamais posé de questions. » À terre, Sam vit à Trégunc, dans le Finistère, avec son compagnon Romain Attanasio, lui aussi skipper. Le couple s’affrontera d’ailleurs sur la prochaine édition du Vendée Globe. Leur garçon suivra la course de près, gardé par ses grands-parents maternels. La bretonne d’adoption est aussi très fière d’apporter sa contribution au projet Initiatives-Cœur. Elle défie les océans pour sauver des enfants atteints de maladies cardiaques. La mécanique est simple : pour chaque clic (like, partage…) sur les réseaux sociaux d’Initiatives-Cœur, 1 euro est reversé par les partenaires mécènes du bateau à l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque qui opère des enfants malades de pays défavorisés. « Bien sûr que mon fils me manque quand je suis en mer, j’ai envie de naviguer plus vite pour le retrouver. Mais je ne suis pas triste quand je pars, parce que je sais qu’il sera très bien entouré à la maison. C’est une motivation supplémentaire pour aider les autres enfants qui ont moins de chance que lui. »

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Clarisse Crémer.
Clarisse Crémer. © V.CURUTCHET

La voile n’est rien d’autre qu’un reflet de la société. Pour faire bouger les choses, Isabelle Joschke crée en 2012 sa propre association, Horizon Mixité, dans l’ambition de promouvoir l’égalité homme-femme. Les grandes évolutions se font dans le temps. En 1990, Florence Arthaud, « la petite fiancée de l’Atlantique », devenait la première à remporter la Route du Rhum. Six ans plus tard, Isabelle Autissier ouvrait la voie de l’Everest des Mers aux femmes… Autant d’exemples auxquels les plus jeunes générations s’identifient. « Je pense que c’est un cercle vertueux », ajoute Clarisse Crémer. Pour la navigatrice, le fait que les femmes soient moins nombreuses n’est pas le réel problème. « Le plus important, c’est qu’elles puissent se dire que tout est possible ».

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