Procès des attentats de janvier 2015 : « Mais où sont les combattants de la liberté ? »

VIDÉO. À la barre mercredi, le journaliste Fabrice Nicolino, blessé le 7 janvier, a dénoncé ceux qui ont « préparé le terrain » aux attentats contre « Charlie Hebdo ».

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Temps de lecture : 4 min

Et le procès devint directement politique. Et les journalistes présents, nombreux, consciencieux, alignés sur les bancs des salles 2.02, 2.03, 2.04, furent directement apostrophés. Ce mercredi, lorsque le journaliste Fabrice Nicolino vient témoigner, il refuse la chaise qui lui est proposée. Il boite, il s'aide d'une béquille, mais il reste debout, les mains aux hanches. Sur l'attentat contre Charlie Hebdo, il ne livre que quelques mots. « Qu'est-ce que je peux vous dire ? »

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Trente ans plus tôt, le 29 mars 1985, il avait été victime d'un premier attentat islamiste, au cinéma Rivoli Beaubourg où il avait entraîné deux amis pour un festival du film juif. Paradoxalement, dit-il, cet épisode l'a peut-être sauvé : le 7 janvier 2015, quand tous ses amis se soulèvent de leur siège en voyant entrer les terroristes, exposant leur poitrine et leur visage, lui se jette aussitôt en arrière, essayant de tirer une table sur lui. Il reçoit trois balles, une dans chaque jambe, une dans l'épaule. Il y a ensuite les hôpitaux, les opérations, la brume de la morphine, plus tard un changement de prénom, un déménagement – toutes choses sur lesquelles il ne s'étend pas.

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« La liberté, ça ne se discute pas, ça se défend »

Fabrice Nicolino raconte en revanche très précisément ce que le journal est devenu. « Quand on arrive à Charlie aujourd'hui, à Paris, en 2020, il y a une porte métallique, bardée de badges et de caméras. La porte s'ouvre, il y a un premier sas qui conduit à une deuxième porte métallique, qui conduit à une cour pavée, à droite de laquelle il y a un système de contrôle à rayons X. On arrive à une troisième porte, à l'épreuve des balles, un sas, une quatrième porte. Là, on arrive à l'entrée de Charlie, elle est bourrée de flics évidemment, puis il y a un ascenseur, on arrive à une cinquième porte très épaisse, on la tire, on a parfois du mal à l'ouvrir, puis une sixième porte, aussi épaisse que la première, avec un vigile. On entre, on est maintenant à Charlie. On arrive, on s'assoit, et là on doit rigoler parce que Charlie est un journal rigolo. »

Et puis, Fabrice Nicolino explose mais de la même voix lente et précise – et en essayant, dit-il, de « rester poli ». Il s'adresse aux journalistes, donc, qui suivent aujourd'hui le procès, mais ne se sont pas intéressés à ce que Charlie vivait ces dernières années, à la façon dont la liberté de la presse était entravée dans le Paris de 2020. Il s'adresse « aux grands esprits qui défendent la liberté à Pétaouchnok ou en Biélorussie », mais ne regardent pas ce qu'ils ont sous les yeux. Il s'adresse aux intellectuels qui baissent les bras. Aux « gens épouvantables qui nous attaquent et qui ruinent notre réputation, à ceux qui ne comprennent pas que la liberté, ça ne se discute pas, ça se défend. Je les vomis, tous. »

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Et Edwy Plenel au premier chef, « Plenel, la conscience morale de cette société », qui s'était fâché en 2017 d'un dessin de Coco – elle avait imaginé « les fameuses moustaches de Plenel qui s'entortillaient, lui bouchaient les yeux, les oreilles et l'empêchaient de voir que Tariq Ramadan était un petit salaud. » « Plenel ose écrire que Charlie mène une guerre aux musulmans. Il faut savoir ce qu'on écrit, si vraiment Charlie mène une guerre alors tout est permis en retour ! Comment un homme comme lui a pu mener une infamie pareille ? » La France est « malade », dit-il, de cette génération d'intellectuels biberonnés au stalinisme, qui se sont menti à eux-mêmes sur la nature de cette idéologie-là, qui aujourd'hui « refusent leur responsabilité et nous regardent crever dans notre coin sans broncher ».

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« Chacun à sa mesure a joué un rôle détestable »

Avant cela, il y a eu 2013, la petite musique qui montait alors dans Paris et qui accusait Charlie d'être raciste et islamophobe, le « réseau dense des gens qui ont conchié Charlie et qui ont refusé de voir l'évidence de ce nouveau totalitarisme qu'était le terrorisme islamiste, qui ont préféré nous calomnier ». « Les attentats de 2015 ont poussé sur un substrat, chacun à sa mesure a joué un rôle détestable. Quand vous attaquez de cette façon des gens comme moi et mes amis de Charlie, vous donnez quitus à ce qui va suivre. Ça, jamais on ne le leur pardonnera. »

Aujourd'hui, dit encore Fabrice Nicolino, cinq ans plus tard, la situation est pire encore. « En apparence, ce tribunal en est une preuve, on prend ça au sérieux. Mais où sont les combattants de la liberté ? Les journalistes français s'en foutent. » Il répète, encore : « L'indignation ne suffit pas. Nom de Dieu, il faut se battre. »

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Commentaires (51)

  • Russalka8

    Bonjour,
    Je ne découvre votre commentaire que maintenant.
    Merci de votre accord avec ce que j'ai posté par ailleurs.
    L'issue qui se profile ne fait pour moi aucun doute : comme le disait l'un des ministres de l'intérieur de Macron nous serons très vite face à face.
    D'un côté çeux quî veulent que la France reste un grand pays de culture celtico-judeo-chrétienne, çe quî l'a conduite à donner naissance à de grandes œuvres d'art, architecture, peinture, musique, théâtre, littérature, poésie.
    Mais aussi à faire considérablement progresser la science fondamentale, la médecine, l'industrie des transports et communications, les technologies, la philosophie, la démocratie.
    Et en face ? Çeux quî appartiennent et/ou soutiennent une " religion" quî a ce jour ne laisse aucune œuvre musicale, picturale, littéraire, poétique, scientifique, médicale, philosophique majeure derrière elle.
    Une " religion" dont les habitants des pays qui s'en réclament sont bien contents de l'existence du vaccin, du stylo bille, du telephone, de l'avion, du congélateur etc. Par les pays mécréants dont ils profitent des savoirs et savoir faire tout en nous haïssant.

    Oui un face à face se prépare et le ras le bol est tel que cela finira dans un bain de sang, sauf si ces populations décident de renoncer à leurs ambitions destructrices ou mieux encore, décampent.

  • jipbr

    Le ver est dans le fruit depuis très longtemps, et il faudra beaucoup d'énergie pour l'en faire sortir si il est encore temps !

  • dojom

    Dans Ouest France quand le journaliste à fait un article sur l’audition de Nicolino, il n’y a rien sur son accusation des journalistes, il ne parle que des accès actuels à CH, je trouve ça écœurant et on constate la politisation de ceux qui écrivent dans ce journal !