Ce texte est une traduction de l’article The coronavirus is most deadly if you are older and male — new data reveal the risks, publié sur Nature.com le 28 août 2020.

Covid-19

De nouvelles données précisent le risque de mortalité liée au Covid-19 en fonction de l’âge et du sexe

Une série d’enquêtes sérologiques confirment que le risque de décès peut atteindre plus de 11 % chez les plus de 75 ans et est presque deux fois plus élevé pour les hommes que pour les femmes.

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Pour 1 000 personnes de moins de 50 ans infectées par le coronavirus, presque aucune ne mourra. Pour les quinquagénaires et les sexagénaires, environ cinq personnes mourront, et plus d’hommes que de femmes. Le risque augmente ensuite abruptement au fil des ans : pour 1 000 personnes de plus de 75 ans qui sont infectées, environ 116 mourront. Ce sont là les statistiques frappantes obtenues par de nouvelles études détaillées sur le risque de mortalité lié au Covid-19.

Les tendances de la mortalité due au coronavirus en fonction de l’âge sont claires depuis le début de la pandémie. Des enquêtes sérologiques – recherchant la présence d’anticorps – sur la prévalence du SARS-Cov-2 dans la population générale en Espagne, en Angleterre, en Italie et en Suisse permettent aujourd’hui de quantifier précisément ce risque.

« Ces travaux nous offrent un outil beaucoup plus précis pour évaluer l’impact potentiel du Covid-19 sur une population ayant une démographie donnée », déclare Marm Kilpatrick, chercheur sur les maladies infectieuses à l’université de Californie à Santa Cruz.

Les études confirment que l’âge est de loin le facteur le plus important de prédiction du risque de décès d’une personne infectée – une donnée connue sous le nom de taux de mortalité due à l’infection (IFR), qui est la proportion de personnes qui mourront parmi celles infectées par le virus, y compris celles qui n’ont pas fait de test ou qui ne présentent pas de symptômes.

« Le Covid-19 n’est pas seulement dangereux pour les personnes âgées, il peut l’être aussi pour les personnes dans la cinquantaine ou la soixantaine », estime Andrew Levin, économiste au Dartmouth College de Hanovre, dans le New Hampshire, qui a estimé que l’infection par le SARS-CoV-2 est plus de cinquante fois plus mortelle pour un sexagénaire que de conduire une voiture.

Mais l’âge ne peut pas tout expliquer, tempère Henrik Salje, épidémiologiste à l’université de Cambridge, au Royaume-Uni. Le sexe est également un facteur de risque important, les hommes ayant presque deux fois plus de chances de mourir du coronavirus que les femmes. Et les différences d’un pays à l’autre dans les estimations du ratio de mortalité pour les groupes d’âge les plus élevés appuient l’idée naturelle que le risque de mourir du Covid-19 est également lié aux conditions de santé sous-jacentes, à la capacité des systèmes de soins de santé et au fait que le virus s’est propagé ou non dans les maisons de retraite et autres établissements de soins pour personnes âgées.

Les hommes âgés plus à risque

Pour estimer le risque de mortalité par âge, les chercheurs ont utilisé des données provenant d’études sur la prévalence des anticorps dans la population.

En juin et juillet, des milliers d’Anglais ont reçu par la poste un test de dépistage d’anticorps par prélèvement d’une simple goutte de sang. Sur les 109 000 adolescents et adultes sélectionnés au hasard qui ont bénéficié du test, environ 6 % possédaient des anticorps contre le SARS-CoV-2. Ce résultat a été utilisé pour extrapoler un IFR global pour l’Angleterre de 0,9 %, c’est-à-dire 9 décès pour 1 000 cas. L’IFR est proche de zéro pour les personnes âgées de 15 à 44 ans, monte à 3,1 % pour les 65-74 ans et atteint 11,6 % pour toute personne plus âgée. Les résultats de cette étude ont été publiés sur le serveur de prépublication medRxiv.

Une autre étude menée en Espagne, qui a débuté en avril et a permis de tester la présence d’anticorps chez plus de 61 000 personnes dans des foyers sélectionnés au hasard, a observé une tendance similaire. L’IFR global pour la population était d’environ 0,8 %, mais il reste proche de zéro pour les personnes de moins de 50 ans, avant de passer rapidement à 11,6 % pour les hommes de 80 ans et plus – contre 4,6 % pour les femmes de cette même tranche d’âge. Là encore, les résultats ont confirmé que les hommes sont plus susceptibles de mourir de l’infection par le Covid-19 que les femmes, l’écart se creusant avec l’âge.

« Les hommes courent globalement deux fois plus de risques que les femmes », déclare Beatriz Pérez-Gómez, épidémiologiste à l’institut de santé Carlos III, de Madrid, qui a participé à l’étude espagnole. Les résultats ont également été publiés sur le serveur medRxiv.

Des différences entre la réponse du système immunitaire des hommes et celui des femmes pourraient expliquer cette divergence, selon Jessica Metcalf, démographe à l’université de Princeton, New Jersey. « Le système immunitaire féminin pourrait être avantagé en en détectant les agents pathogènes un peu plus tôt », suggère-t-elle.

Le système immunitaire pourrait également être la clé du risque de mortalité beaucoup plus élevé chez les personnes âgées. En vieillissant, le niveau d’inflammation global de l’organisme augmente, si bien que le Covid-19 pourrait pousser le système immunitaire déjà surchargé à bout, selon Jessica Metcalf. Les conséquences les plus graves pour les personnes atteintes de Covid-19 ont tendance à être associées à une réponse immunitaire accélérée, dit-elle.

Voir https://www.pourlascience.fr/sr/covid-19/pourquoi-le-covid-19-tue-plus-les-personnes-agees-19259.php

L’étude menée en Angleterre a également comparé les résultats de différents groupes ethniques. Les statistiques de mortalité et de morbidité suggèrent que les personnes noires et d’origine sud-asiatique sont plus susceptibles d’être hospitalisées ou de mourir du Covid-19. Mais l’analyse de ces chiffres, menée par Helen Ward, épidémiologiste à l’Imperial College de Londres, a révélé que bien que ces populations soient beaucoup plus susceptibles d’être infectées, le taux de mortalité des personnes infectées n’est pas plus élevé que pour le reste de la population.

Différences entre les pays

Les chercheurs notent qu’il existe une différence marquée dans les estimations du taux de mortalité due à l’infection entre certains pays, en particulier pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Par exemple, une étude sur la prévalence des anticorps à Genève a livré une estimation de l’IFR de 5,6 % pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Ce chiffre est inférieur aux estimations de l’Espagne, où l’IFR atteint environ 7,2 % pour les hommes et les femmes âgés de 80 ans ou plus, et de l’Angleterre, où l’IFR frise 11,6 % pour les personnes âgées de 75 ans ou plus.

Ces différences pourraient s’expliquer par de nombreuses raisons, commente Andrew Azman, épidémiologiste spécialisé dans les maladies infectieuses à la Johns-Hopkins-Bloomberg School of Public Health, à Baltimore, dans le Maryland, qui a participé à l’étude suisse.

Les pays présentant des fréquences plus élevées de facteurs de comorbidité comme le diabète, l’obésité ou les maladies cardiaques, auront un IFR plus élevé. Cependant, les pays dont les systèmes de santé sont mieux à même de prendre en charge les personnes gravement malades, ou dont les hôpitaux n’étaient pas débordés au plus fort de l’épidémie, auront de meilleurs taux de survie.

Une partie de ces différences des taux de mortalité pourraient aussi résulter des biais dans les différentes études, par exemple une fiabilité inégale des tests sérologiques, la façon dont les décès dus au Covid-19 sont comptabilisés, ou encore la stratification par âge de la population choisie.

Compte tenu des incertitudes, les estimations des différentes études ne sont pas forcément aussi divergentes qu’elles en ont l’air, explique Lucy Okell, épidémiologiste à l’Imperial College de Londres, qui a participé à l’étude anglaise.

Mais un facteur important dans les différences du taux de mortalité de chaque pays semble être lié au fait que le virus s’est propagé ou non dans les maisons de retraite et les établissements de soins pour personnes âgées, estime Henrik Salje.

Dans ces lieux, des personnes à la santé fragile vivent très proches les unes des autres et le virus risque de se propager rapidement. Lorsque l’étude anglaise a pris en compte les décès dans les maisons de soins, l’IFR chez les personnes âgées de 75 ans ou plus est passé de 11,6 % à 18,7 %. Enrik Salje estime que le taux de mortalité dû à l’infection pour le Canada, où quelque 85 % des décès se sont produits dans des maisons de soins pour personnes âgées, est sensiblement plus élevé que celui de Singapour, où les maisons de retraite ne représentent que 8 % des décès.

Bien que ces estimations soient importantes pour comprendre le risque que fait courir la propagation du virus dans les différentes tranches d’âge, elles ne résument pas tout du Covid-19, déclare Marm Kilpatrick. « Le risque de décès est ce qui frappe le plus, mais le Covid-19 semble causer une foule problèmes de santé à long terme », ajoute-t-il.

Smriti Mallapaty

Smriti Mallapaty est journaliste scientifique basée à Sidney, elle couvre l’actualité en science, agriculture et technologie en Asie.

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