"Il ne faut pas tester tous les asymptomatiques" : les laboratoires alertent sur la pénurie de tests PCR

Publié le 11 septembre 2020 à 13h41

Source : TF1 Info

RUPTURE DE STOCK - Alors que le gouvernement se réjouit de tester de plus en plus de patients, les laboratoires semblent au bord de l'implosion. En cause, une pénurie de réactifs et d'écouvillons provoquée par une trop grande affluence dans les centres de tests.

La France réalise-t-elle trop de tests PCR ? Pour lutter contre l'épidémie, le gouvernement n'a cessé d'augmenter les capacités de dépistage afin de détecter le maximum de cas positifs au coronavirus et de les isoler. Mais ces derniers jours, la demande de tests semble trop importante.

Il y a une "pénurie d'écouvillons dans les centres sans rendez-vous" et une "pénurie de réactifs avec 1.500 tests en attente", a alerté jeudi sur Twitter le docteur Jonathan Favre, médecin généraliste à Villeneuve D'Ascq (Nord). "Nous n'avions" pourtant "pas de problème il y a 15 jours."

Les laboratoires seraient-ils donc saturés ? "L'augmentation substantielle des tests réalisés génère des tensions sur l'approvisionnement de certains réactifs pour quelques laboratoires", confirme à demi-mot l'Agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France auprès de LCI, ajoutant qu'elle n'est "pas responsable de la gestion des kits de prélèvement".

Pour l'heure, ce sont surtout les patients qui font les frais de ces difficultés. "Le manque de réactifs allonge les délais d'analyse", nous indique Jonathan Favre. "Ils étaient récemment de 24 heures. Mais il se passe désormais 2 ou 3 jours" avant de recevoir le résultat du test. L'ARS se veut, de son côté, plus rassurante, indiquant que "les délais d'analyse des prélèvements, en moyenne d'1,3 jour dans la région, restent maîtrisés".

Vers "un tri des malades" ?

Il semble également de plus en compliqué d'être dépisté rapidement, faute d'écouvillons. "Depuis mardi, les délais se sont allongés de manière irréaliste", continue le Dr Favre, assurant qu'il faut désormais "entre 7 et 15 jours" pour obtenir un rendez-vous. Une situation qui ne se limite d'ailleurs pas qu'au nord de la France. 

"Nous sommes en extrême tension", indique ce vendredi sur notre antenne Vincent Pargade, responsable d'un laboratoire à Paris (voir vidéo en tête de cet article). Dans son centre, il n'accepte plus que "les personnes symptomatiques et les cas contacts". "Nous avons mis énormément de moyens humains pour réaliser un tri des malades", avoue-t-il. "Par exemple, nous ne pouvons plus nous permettre de réaliser des PCR avant un voyage. Cela ne présente aucun intérêt de santé publique."

"Tous les laboratoires de France sont, à un moment ou à un autre, en pénurie ou en rupture", confirme à LCI Lionel Barrand, président du syndicat national des jeunes biologistes. "Dans le sud de la France, certains me parlent même de délais de 7 jours avant d'obtenir un résultat." Conséquence : en attendant de savoir s'ils sont contaminés, certains porteurs du Covid-19 ne sont pas isolés. "Médicalement, cela provoque une diffusion du virus dans la communauté", avertit Lionel Barrand, alors que la France a approché jeudi la barre des 10.000 cas officiellement recensés en une journée, un record depuis le déconfinement.

Cette pénurie engendre également des conséquences plus inattendues. Si elle ne reçoit pas les résultats à temps, "une personne qui a une chirurgie pour un cancer prévue depuis plusieurs mois est forcée de la déprogrammer", déplore le biologiste. Il note également "une déprogrammation massive de chirurgies, notamment en Île-de-France et dans le sud" ces derniers jours. Sur le plan personnel, "certains voyages doivent également être annulés", faute de test négatif à présenter avant un vol, explique-t-il.

À qui la faute ?

Pour ces professionnels de santé, cette pénurie est avant tout la conséquence d'une stratégie de dépistage trop ambitieuse. "L'afflux des patients dans les centres sans rendez-vous avant la rentrée" a provoqué une utilisation massive des écouvillons et des réactifs, rappelle le Dr Jonathan Favre. "Nous sommes passés de 300.000 tests à un million en l'espace de deux mois", abonde Lionel Barrand. "Nous avons demandé au ministre (de la Santé, Olivier Véran, ndlr) d'avoir les moyens de nos ambitions. Actuellement, nous sommes en flux tendu."

Pour le président du syndicat national des jeunes biologistes, il y a eu "une montée en charge trop rapide" avec une incitation trop importante pour "se faire tester n'importe où, n'importe comment". "Il ne faut pas dépister tous les asymptomatiques", demande-t-il. "Sinon, cela veut dire tester 70 millions de Français. Cela prendrait 70 semaines, juste pour les tester une fois ! C'est une mauvaise stratégie. Le gouvernement a permis à tout le monde de se faire tester sans ordonnance et avec une prise en charge à 100%. Résultat : cela coince complètement."


Idèr NABILI

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