Musique martiale et nationalisme exacerbé. Des pilotes de chasse saluant depuis leur cockpit des cavaliers ottomans lancés au grand galop… À l’écran défilent un derviche tourneur, un navire de forage de gaz naturel, des chars, des fantassins, deux policières à cheval et une profusion de baisers : des enfants et des soldats embrassent des drapeaux, des mères en foulard embrassent le casque de leur fils soldat. Les paroles des chants sont poignantes :
Pour l’amour de Dieu, ma Turquie
Réaffirme ta présence dans l’histoire.”
Nous voyons Mehmed II, le sultan ottoman conquérant, s’emparer de la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul en 1453, scène entrecoupée d’images du président Recep Tayyip Erdogan “reprenant possession” de Sainte-Sophie (en reconvertissant le musée en mosquée) en 2020. On aperçoit la Kaaba de La Mecque et, avec tout autant d’insistance, la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem.
Dans un tweet officiel d’accompagnement, le directeur de la communication d’Erdogan, Fahrettin Altun, parle des “peuples opprimés, de Gibraltar au Hedjaz [en Arabie Saoudite], des Balkans à l’Asie”, qui tous aspirent à trouver refuge et protection en Turquie.
Il y a tout cela dans cette vidéo de propagande que la direction de la communication de la présidence de la République turque a diffusée à l’occasion du 949e anniversaire de la bataille de Manzikert. C’est à l’issue de cette bataille que l’Empire seldjoukide avait remporté une victoire décisive, laquelle marqua dès lors le point de départ de l’ascension de l’Empire ottoman. Le militarisme décomplexé et le portrait qui y est fait d’Erdogan – en héritier de la gloire ottomane – ont poussé certains observateurs à comparer cette vidéo à la propagande officielle de la Corée du Nord.
S’il est une chose qui ressort nettement, c’est que le mélange d’islam et de nationalisme turc montre comment Erdogan – qui, outre ses factions islamistes, peut maintenant s’appuyer sur le camp ultranationaliste – envisage de plus en plus sa “nouvelle Turquie” : un État unanimement en phase avec un récit historique de héros turcs, et ne laissant aucune place à la moindre diversité dans la société.
Et le message adressé à la communauté internationale est on ne peut plus clair : la Turquie est une nouvelle puissance mondiale, et son influence ne s’arrêtera pas à la Syrie et à la Libye ; elle a vocation à s’étendre partout où elle le voudra.
Présenter Erdogan comme le nouveau Mehmed le Conquérant “reprenant possession” de Sainte-Sophie témoigne d’une volonté délibérée de jeter du sel sur les blessures des Grecs, de l’Église orthodoxe et, plus généralement, du monde chrétien, qui s’était insurgé contre une telle initiative, à un moment où les tensions entre la Grèce et la Turquie s’enveniment à vitesse grand V.
En point d’orgue de la vidéo, des images de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem laissent entendre que la libération de Jérusalem par les
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