Au large de Raine Island, une île située au nord de l'Australie, baigne une colonie de tortues vertes (Chelonia mydas), la plus grande au monde. Alors il n'est pas toujours simple pour les chercheurs de savoir combien d'animaux compte le groupe. Heureusement, les scientifiques peuvent maintenant s'appuyer sur les nouvelles technologies.
Une méthode traditionnelle qui conduit à des erreurs
Des chercheurs australiens ont comparé trois méthodes de comptage pour estimer le nombre de tortues vertes présentes au large de Raine Island. La première, celle utilisée traditionnellement, conduit les chercheurs à peindre une bande blanche (non toxique) sur la carapace des tortues quand elles nichent sur la plage. Ensuite, à partir d'une petite embarcation, ils comptent les tortues peintes et celles non peintes, ce qui donne un ratio permettant d'évaluer le nombre total d'animaux. "Mais les yeux sont beaucoup plus attirés par une tortue avec une bande blanche brillante qu'une tortue non peinte, ce qui entraîne des comptes biaisés et une précision réduite", remarque dans un communiqué le Dr Andrew Dunstan, auteur principal d'une étude parue le 4 juin 2020 dans la revue Plos One.
Pour éviter ce problème, les chercheurs ont donc utilisé des drones et une Go Pro permettant de filmer sous l'eau. Les images ci-dessous captées par le drone sont saisissantes. Elles permettent aussi une analyse image par image, ce qui réduit les risques d'erreur lors du comptage. Avec les nouvelles technologies, les images sont stockées immédiatement dans la mémoire de l'appareil. Ainsi, "un avantage clé des approches vidéo sous-marine et par drone est la possibilité de revoir et de lire la vidéo à des vitesses plus adaptées à des dénombrements précis, en particulier lorsque les agrégations de tortues sont denses", souligne l'étude.
Crédit : Great Barrier Reef Foundation and Queensland Government
Et pourquoi pas l'intelligence artificielle ?
Grâce à ces nouvelles méthodes, les chercheurs ont pu établir un nouveau ratio de tortues non peintes et peintes. "Cela nous a permis d'estimer la population totale en décembre 2019 à 64.000 tortues vertes en attente de nidification sur l'île", se félicite Andrew Dunstan. Ce nouveau chiffre signifie que les comptages effectués depuis des navires étaient jusqu'à présent sous-estimés alors qu'ils prenaient plus de temps. "En utilisant des drones, nous avons ajusté les données historiques. Ce qui auparavant prenait, à un certain nombre de chercheurs, un long moment peut maintenant être réalisé par un opérateur de drone en moins d'une heure", explique Richard Fitzpatrick de la Biopixel Oceans Foundation et co-auteur de l'étude. "Les drones et la vidéo sous-marine peuvent fournir des alternatives plus rentables et moins biaisées", souligne l'article. "Les drones étaient les plus efficaces en termes de temps d'enquête, d'engagement du personnel et de tolérance aux intempéries par rapport aux autres méthodes. Cependant, la vidéo sous-marine peut également être une alternative utile pour les relevés de repérage dans l'eau des tortues", conclut l'étude. Et le Dr Dunstan voit encore plus loin : "À l'avenir, nous pourrons automatiser ces comptages à partir de séquences vidéo en utilisant l'intelligence artificielle afin que l'ordinateur fasse le décompte pour nous".
Les tortues vertes sont vulnérables en Australie. Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l'espèce est globalement menacée d'extinction. Connaître le nombre de tortues d'une population est un indice précieux afin d'en mesurer le succès reproducteur et la démographie.