La rhétorique QAnon : épisode • 2/4 du podcast QAnon ou le complotisme d'un nouveau genre

Cette mouvance pro-Trump, qui répand des théories du complot autour d’un supposé « État profond » et d'un complot des élites, a ses entrées en Allemagne. Ici, une manifestation à Berlin en août 2020 ©AFP - MV / SULUPRESS.DE / SULUPRESS.DE / DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP
Cette mouvance pro-Trump, qui répand des théories du complot autour d’un supposé « État profond » et d'un complot des élites, a ses entrées en Allemagne. Ici, une manifestation à Berlin en août 2020 ©AFP - MV / SULUPRESS.DE / SULUPRESS.DE / DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP
Cette mouvance pro-Trump, qui répand des théories du complot autour d’un supposé « État profond » et d'un complot des élites, a ses entrées en Allemagne. Ici, une manifestation à Berlin en août 2020 ©AFP - MV / SULUPRESS.DE / SULUPRESS.DE / DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP
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Des légendes urbaines, des théories complotistes, le monde en a connu beaucoup ces dernières années, les élucubrations les plus aberrantes trouvant sur Internet un terrain favorable. Mais celles lancées par QAnon aux Etats-Unis comptent parmi les plus délirantes. Un phénomène qui arrive en Europe...

Aux Etats-Unis, l’affaire a commencé en 2016 par une légende urbaine selon laquelle le QG de campagne d’Hillary Clinton se réunissait dans une pizzeria familiale de Washington pour y abuser sexuellement des enfants... Le "pizzagate" comme on l’a appelé faisait partie d’une campagne de désinformation destinée à déstabiliser la candidate démocrate.

De la mission Apollo au 11 septembre

Cette rumeur avait probablement, comme tant d’autres du même calibre, une origine russe. Mais il est avéré qu’elle a été beaucoup répercutée par des médias turcs, liés au gouvernement d’Erdogan. Il s’agissait d’une opération de diversion pour détourner l’attention du public turc d’une affaire, bien réelle cette fois, de pédophilie impliquant une fondation islamiste, Ensar, liée au gouvernement d’Ankara.

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Des théories complotistes on en a connu beaucoup, ces dernières années : Internet semble fait pour ça. Les élucubrations les plus aberrantes y trouvent un terrain favorable : "Les Américains ne sont jamais allés sur la lune", l’alunissage d’Apollo 11 en juillet 1969 a été tourné en studio, à Hollywood par Stanley Kubrick ; "les attentats du 11 septembre n’ont pas été organisés par les islamistes d’Al Qaïda, mais par l’administration américaine elle-même" : c’est le vice-président Dick Cheney qui pilotait les avions à distance, depuis un PC souterrain, placé sous les Twin Towers. Plus récemment, on a connu la rumeur extravagante selon laquelle le médicament magique contre le coronavirus, l’hydroxychloroquine, "serait refusé aux patients du monde entier sous prétexte qu’il n’est pas assez cher."

Mécaniques du complotisme
1h 58

Des "conspirations sans théorie" qui se propagent en Europe

Mais les rumeurs lancées par QAnon comptent parmi les plus délirantes du moment. Selon les auteurs de A Lot of People Are Saying : The New Conspiraracism and the Assault of Democracy, leur nouveauté consiste en ce qu’elles sont des "conspirations sans théorie". Elles se dispensent de tout élément factuel initial et prennent la forme d’affirmations gratuites. Et le problème, c’est qu’elles rencontrent la crédulité d’un public qui dépasse dorénavant les Etats les plus arriérés des USA.

Ainsi, on a pu observer que certains des manifestants allemands d’extrême droite anti-masques qui ont investi le Bundestag fin août avaient tracé une lettre Q majsucule sur le drapeau qu’ils arboraient : celui de l’ancien Reich noir blanc rouge. 

J’ai été moi-même averti, il y a plusieurs mois, par des contacts vivant aux Etats-Unis, qu’il faudrait se méfier d’un vaccin prochainement mis au point par Bill Gates. Il comporterait, en effet une puce qui permettrait au patron milliardaire de contrôler la population mondiale, grâce à son "contrôle de l’OMC". Mais les membres de la secte vont plus loin : puisque Bill Gates a mis en garde, il y a plusieurs années contre le risque d’une pandémie, à laquelle l’humanité n’était pas préparée, c’est bien la preuve qu’il connaissait d’avance le déclenchement du COVID-19... 

Certains vont encore plus loin : l’épidémie elle-même est un "complot des élites" pour tuer des millions de gens. Les plus dingues vont jusqu’à prétendre que l’épidémie n’existe pas et que c’est un prétexte pour confiner les gens chez eux et les empêcher de vivre, de travailler… de manifester, comme l’ont prétendu, chez nous, certains Gilets Jaunes.

La rhétorique QAnon

En dénonçant un "complot des élites", "le Nouvel Ordre Mondial", et les "puissances de l’ombre", QAnon surfe sur le populisme ambiant. La détestation des riches et des puissants, la rhétorique des "petits contre les gros", a toujours été politiquement payante. 

Ensuite, QAnon a un aspect ludique : ses messages sont écrits dans un style qui évoque suffisamment celui des messages confidentiels échangés entre les membres des services spéciaux pour faire croire qu’ils comportent des informations ultra-confidentielles. Ils comportent des énigmes et devinettes  à décrypter, voire des messages codés. 

Le groupe donne à ceux qui le rejoignent l’illusion d’appartenir à une communauté secrète, détentrice de secrets partagés. Et surtout, je l’ai constaté personnellement, de connaître d’avance le déroulement d’événements capitaux, destinés à se produire dans un proche avenir, mais qu’ils ne peuvent pas vous communiquer, sans risquer de faire échouer "toute l’opération". Rien n’est plus satisfaisant, semble-t-il, que de pouvoir avertir un journaliste français qu’il ignore le dessous des cartes, puisque les "médias officiels" américains qu’il consulte les cachent, quand ils ne les ignorent pas eux-mêmes… 

Un mouvement qui déborde le cadre strictement politique.

En outre, QAnon présente un aspect franchement millénariste. Beaucoup de ces messages comportent l’allusion à une prochaine "tempête", qui va balayer les ennemis de Trump. "Rien ne peut empêcher ce qui arrive". "Le calme avant la tempête " Certains analystes rapprochent QAnon de certaines sectes protestantes qui, comme l’Eglise adventiste du septième jour, croient la fin du monde imminente. Ce grand mouvement de purification dépasse largement le cadre strictement politique. Il est proprement cosmique. C'est le thème du "Great Awakening", le grand réveil, promis par la secte à ses disciples afin de les "chauffer"...

Revue de presse internationale
5 min

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