Léonard de Vinci(1452-1519)

J’ai l’intention de laisser un souvenir impérissable dans la mémoire des mortels.
Léonard de Vinci

Léonard de Vinci, Portrait de femme, dit La Belle Ferronnière [détail], vers 1495-1499

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Huile sur bois • 63 x 45 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Peintre perfectionniste, inventeur visionnaire, anatomiste, cartographe, fêtard à ses heures et séducteur-né : Léonard de Vinci incarne le génie universel. Cinq cents ans après sa mort, sa créativité et ses intuitions stupéfiantes en matière de science nous fascinent encore. Pour saisir toute la force de son œuvre et percer quelques uns de ses secrets les plus précieux, nous vous proposons d’explorer en détail les multiples facettes du « maître du sourire ». Immersion immédiate !

Un destin de prodige

  • Fruit de l’union illégitime entre un notaire et une paysanne, Léonard est né le 15 avril 1452, dans le petit village de Vinci, non loin de Florence. Au milieu de la nature, l’enfant trouve « le maître des maîtres ». Tout au long de ses quarante-six années de carrière, passée pour l’essentiel à Florence et à Milan, Léonard de Vinci fait preuve d’un appétit vorace pour la connaissance. Les pages de ses carnets, constellées de dessins et de notes, témoignent de ses recherches incessantes, dans tous les domaines de la science. Tout commence dans l’atelier d’Andrea del Verrocchio à Florence, où il se forme et côtoie les grands artistes et ingénieurs de la Renaissance. Seul, il vendra tour à tour ses services aux ducs, princes, papes et rois, de Ludovic Sforza à François Ier. Beau, fort et élégant, Léonard charme ses contemporains.

    Léonard de Vinci, Autoportrait
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    Léonard de Vinci, Autoportrait, vers 1515

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    Sanguine • 33,3 x 21,4 cm • Coll. Biblioteca Reale, Turin • © Photo Scala, Florence – Avec l’autorisation du Ministère des Biens et Activités culturelles

Léonard de Vinci, Autoportrait
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Léonard de Vinci, Autoportrait, vers 1515

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Sanguine • 33,3 x 21,4 cm • Coll. Biblioteca Reale, Turin • © Photo Scala, Florence – Avec l’autorisation du Ministère des Biens et Activités culturelles

Léonard en quelques dates

  • 1452

    Le 15 avril, Léonard naît dans la petite ville de Vinci où il passe toute son enfance.

  • 1469

    À Florence, Léonard entre dans l’atelier (bottega) d’Andrea del Verrocchio, l’un des artistes les plus importants de l’époque.

  • 1471

    Travaillant sur une commande avec son maître, Léonard signe son premier coup d’éclat avec l’ange du Baptême du Christ.

  • 1482

    Léonard entre au service du duc de Milan, Ludovic Sforza.

  • 1503

    Il entame le portrait de Monna Lisa.

  • 1513

    Il se rend à Rome pour servir Julien II de Médicis.

  • 1516

    En réponse à l’invitation de François Ier, Léonard part s’installer en France.

  • 1519

    Il meurt le 2 mai au château du Clos Lucé, à l’âge de 67 ans.

Pourquoi incarne-t-il le génie de la Renaissance ?

Le peintre doit tendre à l’universalité.
Léonard de Vinci

Léonard de Vinci, Proportions du corps humain, selon Vitruve (L’Homme de Vitruve) [détail], vers 1490

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Plume, encre et lavis sur pointe de métal • 34,4 x 24,5 cm • Coll. Galerie dell'Accademia, Venise • © Luisa Ricciarini / Leemage

Le destin de Léonard s’inscrit dans une des périodes les plus riches et foisonnantes de l’Histoire : la Renaissance.

En Europe, un souffle nouveau

En 1452, Léonard naît dans une Italie transformée. Du XIIIe au XVIe siècle, Florence est l’une des cités les plus florissantes d’Europe et un véritable vivier d’artistes, rivalisant de génie. L’Antiquité est alors une source majeure d’inspiration : des découvertes archéologiques génèrent un engouement pour cet héritage, les traités de géométrie et d’architecture – tels les théorèmes d’Euclide – s’élaborent et des principes comme la perspective édictent de nouvelles règles de la beauté. Une figure apparaît : l’humaniste. Il connaît la langue et la civilisation grecque et latine mais transmet aussi son savoir dans les universités ou chez un seigneur.

Aussi, Léonard a-t-il vécu dans cinq villes différentes, chacune marquée par la création d’une œuvre unique.

À la Renaissance, l’Europe est en pleine ébullition. Les grandes villes et cité-États privilégient les arts comme moyen de rayonner et de prospérer.

Vinci
1452-1464

La première œuvre connue de Léonard, datée du 5 août 1473, montre un paysage de la vallée de l’Arno, un panorama de son enfance qui le marque durablement. Exécuté à la plume, ce dessin dévoile le talent précoce du jeune homme de 21 ans. Léonard est fasciné par l’eau et son pouvoir d’effervescence. Sur ce dessin, la perspective est reléguée au second plan, ce qui prime est la verticalité des roches et la représentation de la nature.

Léonard de Vinci, Paysage de la vallée de l’Arno

Léonard de Vinci, Paysage de la vallée de l’Arno, 5 août 1473

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Plume et encre • 19 x 28,5 cm • Coll. musée des Offices, Florence • © Immagina / Leemage

Florence
1464-1482 et 1500-1506

Florence, dirigée par les Médicis, est alors une cité florissante et un extraordinaire vivier d’artistes. Bien que peintre indépendant, Léonard travaille encore dans l’atelier de Verrocchio, où il s’est formé, lorsqu’il réalise ce tableau qui porte encore l’influence du maître, notamment dans la perspective et le paysage maîtrisé.

Léonard de Vinci, L’Annonciation

Léonard de Vinci, L’Annonciation, vers 1473-1475

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Huile et détrempe sur bois • 100 x 221,5 cm • Coll. musée des Offices, Florence • © DeAgostini / Leemage

Milan
1482-1499 et 1506-1513

Peintre à la cour de Milan, Léonard réalise ce portrait de Cecilia Gallerani, la discrète maîtresse de Ludovic Sforza au service duquel il œuvre. Elle pose ici de trois-quarts, lumineuse et sereine, tenant contre son cœur une hermine. L’animal est une allusion à l’emblème du duc et aux sentiments que la dame lui porte.

Léonard de Vinci, Portrait de Cecilia Gallerani, dit La Dame à l’hermine

Léonard de Vinci, Portrait de Cecilia Gallerani, dit La Dame à l’hermine, vers 1489-1490

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Huile sur bois • 54,8 x 40,3 cm • Coll. musée Czartoryski, Cracovie • © Bridgeman Images

Rome
1513-1516

Lorsque Léonard de Vinci quitte Rome et part pour la France en 1516, il emporte avec lui ce portrait de saint Jean-Baptiste. On y voit un jeune homme sensuel, le torse nu, surgissant d’un fond obscur et pointant le ciel du doigt, invitant à lever les yeux vers un infini divin.

Léonard de Vinci, Saint Jean-Baptiste

Léonard de Vinci, Saint Jean-Baptiste, vers 1513-1516

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huile sur bois • 69 x 57 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Tony Querrec / presse

Amboise
1516-1519

Dans le Val de Loire où il se rend sur invitation de François Ier, Léonard est installé au château du Clos Lucé, tout près de la cour royale qui séjourne à Amboise. Fatigué et paralysé de la main droite, Léonard ne peint plus mais organise des fêtes somptueuses. Son projet de cité idéale pour Romorantin n’aboutira jamais. Il meurt en 1519.

Léonard de Vinci, Déluge

Léonard de Vinci, Déluge, vers 1517-1518

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Pierre noire • 16,3 x 21 cm • The Royal Collection, Royal Library, Windsor Castle • © Her Majesty Queen Elizabeth II 2019

De Florence à Amboise
1516

Alors âgé de 63 ans, Léonard est invité à Amboise par François Ier et s’engage dans un long et fatiguant voyage de 1500 km. À dos d’âne, il traverse les Alpes accompagné d’un élève, d’hommes d’armes et de trois immenses chefs-d’œuvre : la Sainte Anne, le Saint Jean-Baptiste et la fameuse Joconde. Venant de la vallée d’Aoste puis empruntant la vallée de Montjoie, l’équipée franchit le col du Bonhomme en décembre 1516. Devant ce paysage alpin de sommets enneigés il dessine et écrit : « Notre corps est au-dessous du ciel et le ciel au-dessous de l’esprit ». Il traversera ensuite Grenoble et Lyon avant d’atteindre les rives de la Loire qui le conduiront à sa dernière demeure.

Léonard de Vinci, Les Alpes vues depuis Milan

Léonard de Vinci, Les Alpes vues depuis Milan, vers 1510-1512

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Craie rouge et rehauts de blanc sur du papier préparé rouge pâle 10,5 x 16 cm • 10,5 x 16 cm • Coll. Royal Library, Windsor Castle • Royal Collection Trust © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2019

Au service du pouvoir

Habile courtisan, Léonard savait s’attirer les faveurs des puissants qui appréciaient ses talents universels. En 1482, alors qu’il est âgé de 30 ans, Léonard de Vinci est à la recherche d’un emploi et adresse à Ludovic Sforza, gouverneur du duché de Milan, une audacieuse lettre de motivation.

Écoutez la lettre de Léonard à Sforza

L'homme de Vitruve

Vitruve, architecte et ingénieur, rédigea en 15 av. J.-C. un traité d’architecture dédié à son maître l’empereur Auguste. Il y inséra un dessin représentant les proportions idéales – divines – du corps humain (inscrites dans un cercle et un carré), qui va fasciner les hommes de la Renaissance. Après la version maladroite de il Taccola, Léonard s’attelle à cette tâche vers 1490 dans ce qui deviendra son dessin le plus célèbre.

À gauche, Mariano di Jacopo dit il Taccola et à droite, Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve
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À gauche, Mariano di Jacopo dit il Taccola et à droite, Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve, XVe siècle et vers 1490

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Plume, encre et lavis sur pointe de métal • 34,4 x 24,5 cm • Coll. Galerie dell’Accademia, Venise • © Photo Scala, Florence - courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali e del Turismo. © Royal Collection Trust © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2019

Ses multiples talents

  • Ingénieur militaire

    Dans sa lettre d’introduction au seigneur de Milan, Léonard consacre neuf paragraphes (sur dix) à décrire ses talents d’ingénieur militaire. Pour Sforza, il imagine sur papier quantité d’engins de guerre : des chars blindés, d’épouvantables attelages munis de lames pour découper l’ennemi, une arbalète de 25 mètres d’envergure… Destinées avant tout à impressionner le duc, ces inventions débridées ne seront pas réalisées.

    Léonard de Vinci, Projet pour un char à faux et un char blindé
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    Léonard de Vinci, Projet pour un char à faux et un char blindé, vers 1485-1488

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    Plume et encre • 17,3 x 24,6 cm • Coll. British Museum, Londres • © DeAgostini / Leemage

  • Botaniste

    La centaine de plantes et de fleurs finement dessinées dans ses carnets prouvent que Léonard s’intéressait beaucoup à la botanique. Il est d’ailleurs le premier à deviner le rôle du Soleil dans la croissance des plantes ! Parmi les plus beaux exemples de cette passion : son décor de 270 m² au plafond réalisé pour son protecteur Ludovic Sforza où s’épanouissent des branches de mûrier avec force détails.

    Léonard de Vinci, Ornithogale en ombelle entre renoncule rampante et anémone sylvie ; en bas, deux espèces d’euphorbe
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    Léonard de Vinci, Ornithogale en ombelle entre renoncule rampante et anémone sylvie ; en bas, deux espèces d’euphorbe, vers 1506-1508

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    Plume et encre sur sanguine • 19,8 x 16 cm • Coll. Royal Library, Windsor Castle • © Royal Collection Trust © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2019 / Bridgeman Images

  • Anatomiste

    S’il est un domaine où Léonard est en avance sur son temps, c’est bien celui de l’anatomie. Aujourd’hui encore, ses dessins décrivant l’intérieur du corps humain fascinent. Il est l’un des premiers à comprendre que le cœur — et non le foie — se trouve au centre du système sanguin !

    Léonard de Vinci, Études anatomiques des musculatures du cou, de l’épaule, du thorax et du bras
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    Léonard de Vinci, Études anatomiques des musculatures du cou, de l’épaule, du thorax et du bras, vers 1509-1510

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    Plume, lavis brun sur traces de pierre noire et craie rouge • 28,8 x 20,2 cm • Coll. Royal Library, Windsor Castle • © Royal Collection Trust © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2019 / Bridgeman Images

  • Organisateur de fête

    Léonard de Vinci, party planner ? Pour ses protecteurs, Ludovic Sforza, le duc de Milan, puis pour François Ier, son dernier mécène à Amboise, il organise des banquets et des fêtes somptueuses et conçoit de luxueux décors, costumes et automates destinés à éblouir les invités et à renforcer le prestige de ses hôtes.

    Léonard de Vinci, Costume de guerrier armé d’une lance
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    Léonard de Vinci, Costume de guerrier armé d’une lance, vers 1517-1518

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    Craie noire, crayon, encre et lavis sur papier • 27,3 x 18,3 cm • Royal Collection, Windsor • © Costa / Leemage

Léonard de Vinci, Projet pour un char à faux et un char blindé
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Léonard de Vinci, Projet pour un char à faux et un char blindé, vers 1485-1488

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Plume et encre • 17,3 x 24,6 cm • Coll. British Museum, Londres • © DeAgostini / Leemage

Léonard de Vinci, Ornithogale en ombelle entre renoncule rampante et anémone sylvie ; en bas, deux espèces d’euphorbe
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Léonard de Vinci, Ornithogale en ombelle entre renoncule rampante et anémone sylvie ; en bas, deux espèces d’euphorbe, vers 1506-1508

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Plume et encre sur sanguine • 19,8 x 16 cm • Coll. Royal Library, Windsor Castle • © Royal Collection Trust © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2019 / Bridgeman Images

Léonard de Vinci, Études anatomiques des musculatures du cou, de l’épaule, du thorax et du bras
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Léonard de Vinci, Études anatomiques des musculatures du cou, de l’épaule, du thorax et du bras, vers 1509-1510

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Plume, lavis brun sur traces de pierre noire et craie rouge • 28,8 x 20,2 cm • Coll. Royal Library, Windsor Castle • © Royal Collection Trust © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2019 / Bridgeman Images

Léonard de Vinci, Costume de guerrier armé d’une lance
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Léonard de Vinci, Costume de guerrier armé d’une lance, vers 1517-1518

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Craie noire, crayon, encre et lavis sur papier • 27,3 x 18,3 cm • Royal Collection, Windsor • © Costa / Leemage

Un automate à la cour de François Ier

Ce lion cracheur de fleurs est l’une des seules inventions qui ait vraisemblablement été construite du vivant de Léonard. L’automate aurait été conçu pour marcher jusqu’à François Ier et laisser tomber à ses pieds des fleurs de lys, à la fois blason de Florence et symbole de la royauté française.

Reconstitution du lion mécanique à l’Institut culturel italien de Paris
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Reconstitution du lion mécanique à l’Institut culturel italien de Paris, 11 septembre 2019

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© Thomas Samson / AFP

D'intrigants codex

  • Astronomie, architecture, géologie… Véritable graphomane, Léonard de Vinci a noirci de ses recherches des milliers de feuillets, dont au moins la moitié a été perdue. Rédigés de son écriture en miroir, caractéristique du gaucher qu’il était, ces codex illustrent une incessante quête de savoir, même si ses inventions resteront à l’état de papier. Après sa mort, Francesco Melzi, son fils adoptif, s’attellera à rassembler les manuscrits du maître, notamment pour publier un Traité de la peinture, projet dont rêvait Léonard. En vain. Aujourd’hui cette quantité de manuscrits est dispersée dans le monde entier. On peut toutefois consulter librement l’un des plus fameux d’entre eux.

    Léonard de Vinci, Manuscrit A, folio 57 verso : traité de l’eau, folio 58 recto : barrage
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    Léonard de Vinci, Manuscrit A, folio 57 verso : traité de l’eau, folio 58 recto : barrage, 1490-1492

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    Dessin au crayon et encre • 21,3 x 14,8 cm • Coll. Bibliothèque de l'Institut de France, Paris • © RMN-Grand Palais (Institut de France) / René-Gabriel Ojéda

Léonard de Vinci, Manuscrit A, folio 57 verso : traité de l’eau, folio 58 recto : barrage
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Léonard de Vinci, Manuscrit A, folio 57 verso : traité de l’eau, folio 58 recto : barrage, 1490-1492

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Dessin au crayon et encre • 21,3 x 14,8 cm • Coll. Bibliothèque de l'Institut de France, Paris • © RMN-Grand Palais (Institut de France) / René-Gabriel Ojéda

Pourquoi sa peinture
est-elle si unique ?

Les détails font la perfection, et la perfection n’est pas un détail.
Léonard de Vinci

Léonard de Vinci, La Vierge aux rochers [détail], 1483-1486

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Huile sur bois transposé sur toile • 199 x 122 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Se revendiquant autant artiste qu’ingénieur ou scientifique au gré des circonstances, Léonard n’en a pas moins placé la peinture au-dessus de tout. Penseur et expérimentateur curieux, autodidacte avide de connaissances, il allie, comme personne avant lui, explorations techniques, pensée théorique et pratique picturale virtuose. Mais combien de tableaux a t-il vraiment peint ? Comment procédait-il au sein de son atelier ?

Ses armes secrètes

  • La science du dessin

    Léonard observe, scrute, analyse, dissèque : il embrasse « l’œuvre infinie de la nature » avec une extraordinaire capacité à capter la vivacité de son sujet. Ses grotesques, bien qu’aux traits exagérés, témoignent de son attirance tant pour le sublime que pour les difformités. Il aimait le contraste, pousser l’étude et la réflexion au-delà de la nature elle-même.

    Léonard de Vinci, Cinq études de caractère (têtes grotesques)
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    Léonard de Vinci, Cinq études de caractère (têtes grotesques), vers 1490

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    Plume et encre • 26,1 x 20,6 cm • Coll. Royal Library, Windsor Castle • © Royal Collection Trust © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2019 / Bridgeman Images

  • La primauté de la perspective

    Pour Léonard de Vinci, « la perspective doit être mise au premier rang de toutes les sciences et disciplines humaines, car elle couronne tant les mathématiques que les sciences naturelles. » Il en distingue trois types : la perspective linéaire, soucieuse de la juste diminution des choses à mesure qu’elles s’éloignent de l’œil ; la perspective des couleurs qui altère celles-ci, là encore, en fonction de leur éloignement. Et toujours selon le même principe, la perspective d’effacement, qui rend les choses moins nettes proportionnellement à leurs distances.

    Léonard de Vinci, La Cène
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    Léonard de Vinci, La Cène, vers 1495-1497

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    Ici les lignes mettent en évidence la rigoureuse perspective mise en œuvre par Léonard ; le point de fuite coïncide avec la tête du Christ dont le corps forme un triangle autour duquel s’organise toute la scène.

    Détrempe sur enduit de plâtre • 460 x 880 cm • Église Santa Maria delle Grazie de Milan • © Mauro Ranzani / Leemage

  • La magie du sfumato

    C’est la plus remarquable invention picturale de Léonard ! Autant que l’on puisse en juger, les matériaux utilisés par le maître sont conformes à ceux de ses contemporains : c’est l’usage qu’il en fait qui est neuf. Il pose la couleur en nombreuses couches transparentes sur l’imprimatura, technique consistant à travailler sur un fond préalablement coloré, et joue de l’opacité du blanc de plomb et de la translucidité de l’huile. Léonard de Vinci n’est pas l’un de ces « beaux-parleurs » qui charme par des couleurs éclatantes, mais un véritable illusionniste qui restitue les variations de la lumière.

    Léonard de Vinci, La Joconde [détail]
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    Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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    Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Léonard de Vinci, Cinq études de caractère (têtes grotesques)
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Léonard de Vinci, Cinq études de caractère (têtes grotesques), vers 1490

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Plume et encre • 26,1 x 20,6 cm • Coll. Royal Library, Windsor Castle • © Royal Collection Trust © Her Majesty Queen Elizabeth II, 2019 / Bridgeman Images

Léonard de Vinci, La Cène
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Léonard de Vinci, La Cène, vers 1495-1497

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Ici les lignes mettent en évidence la rigoureuse perspective mise en œuvre par Léonard ; le point de fuite coïncide avec la tête du Christ dont le corps forme un triangle autour duquel s’organise toute la scène.

Détrempe sur enduit de plâtre • 460 x 880 cm • Église Santa Maria delle Grazie de Milan • © Mauro Ranzani / Leemage

Léonard de Vinci, La Joconde [détail]
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Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Ses précieux conseils

Qui n’aurait pas voulu avoir le grand Léonard de Vinci comme professeur de dessin ? Dans ses notes, le maître dévoile une intelligence picturale faite de va-et-vient entre une connaissance approfondie des mécanismes de ce monde, la perception de la nature par l’œil et sa restitution.

Sainte Anne, de l’ébauche au chef-d’œuvre

À partir de 1500, Léonard travaille à son chef-d’œuvre ultime : une Sainte Anne commandée à l’origine par le roi de France, Louis XII, mais jamais livrée ni achevée. Pendant une quinzaine d’années le maître multiplie les esquisses, jusqu’à obtenir la composition qui conjugue à la perfection la forme et le sens. D’une beauté vertigineuse...

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant avec un petit agneau
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant avec un petit agneau, XVIe siècle

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Plume et encre • 8,7 x 15,2 cm • Coll. Galleria dell’Academia, Venise • © Electa / Leemage

1. L’ébauche

Les travaux préparatoires permettent d’observer les recherches du peintre, ses essais de composition et d’agencement, pour parvenir au résultat le plus expressif.

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant avec le petit Jean Baptiste
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant avec le petit Jean Baptiste, vers 1499-1500

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Fusain et rehauts de blanc sur papier monté sur toile • 141,5 x 104,6 cm • Coll. The National Gallery, Londres • © The National Gallery, London

2. Le carton

Ce carton diffère du tableau final par la représentation de saint Jean-Baptiste à la place de l’agneau. Sa composition est moins dynamique, plus linéaire. Selon Giorgio Vasari, biographe de Léonard et des grands artistes de la Renaissance, nous savons que ce premier carton (à l’attribution controversée), lorsqu’il fut exposé au public florentin, a provoqué « un afflux continuel deux jours durant d’hommes et de femmes (...) désireux de contempler les prodiges de Léonard, qui faisaient naître chez tous ces gens une immense stupéfaction ».

Atelier de Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant jouant avec un agneau
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Atelier de Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant jouant avec un agneau, vers 1508-1513

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Huile sur bois • 177,8 x 114,3cm • Coll. University of California, Armand Hammer Museum of Art, coll. Willitis J. Hole, Los Angeles

3. Le prototype

C’est l’une des originalités du travail de Léonard : une fois que le maître a l’idée de l’œuvre qu’il veut exécuter, il dirige et corrige ses collaborateurs qui copient ses formes et réalisent une sorte de prototype expérimental – que Léonard reprend ensuite pour le tableau final. Ici, les détails, notamment dans les paysages, sont moins beaux, mais plus achevés que dans la version finale du maître.

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus, vers 1503-1519

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Huile sur bois de peuplier • 168,4 x 130 cm • Coll. Musée du Louvre, Paris • © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

4. Le chef-d’œuvre

Cette peinture est restée inachevée car l’artiste n’a cessé de reprendre son œuvre pour atteindre la perfection. Par rapport aux versions antérieures, on retrouve la construction pyramidale, accentuée par la verticalité de sainte Anne, gage de stabilité. Sur ses genoux, la Vierge, véritable moteur, insuffle du dynamisme à la scène et sert de lien avec Jésus et l’agneau. Le bras droit figurant même symboliquement un cordon ombilical. Chaque figure est ainsi imbriquée l’une dans l’autre. La trinité est ici, selon les mots de l'historien de l'art Daniel Arasse, « un ensemble organique vivant » renforcé par l’échange des regards.

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus, vers 1503-1519

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Huile sur bois de peuplier • 168,4 x 130 cm • Coll. Musée du Louvre, Paris • © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

4. Le chef-d’œuvre

Cette peinture est restée inachevée car l’artiste n’a cessé de reprendre son œuvre pour atteindre la perfection. Par rapport aux versions antérieures, on retrouve la construction pyramidale, accentuée par la verticalité de sainte Anne, gage de stabilité. Sur ses genoux, la Vierge, véritable moteur, insuffle du dynamisme à la scène et sert de lien avec Jésus et l’agneau. Le bras droit figurant même symboliquement un cordon ombilical. Chaque figure est ainsi imbriquée l’une dans l’autre. La trinité est ici, selon les mots de l'historien de l'art Daniel Arasse, « un ensemble organique vivant » renforcé par l’échange des regards.

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail]
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois de peuplier • 168,4 x 130 cm • Coll. Musée du Louvre, Paris • © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

Sainte Anne, la figure originelle

Avec son sourire typiquement léonardesque, sainte Anne adresse un regard tendre et protecteur à sa fille et son petit-fils. Après avoir expérimenté dans des esquisses un visage plus marqué par la vieillesse, Léonard a finalement opté pour une sainte Anne plus douce et jeune. Son âge est cependant signifié par le voile et par sa position qui domine l’ensemble. Elle est la figure suprême des origines, celle par qui tout est engendré.

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail]
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois de peuplier • 168,4 x 130 cm • Coll. Musée du Louvre, Paris • © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

La Vierge au visage de lumière

Nimbé d’un subtil sfumato, le visage incliné de la Vierge irradie et fait l’effet d’une caresse qui balaye le tableau. Le teint diaphane, les yeux dépourvus de sourcils, les traits tout en rondeur, elle incarne la figure maternelle pleine de grâce. La masse moussue de ses cheveux formée de fines boucles ajoute encore à l’effet vaporeux. Son sourire est toutefois plus ambigu que celui de sainte Anne : on peut y lire de l’amusement, mais aussi de la mélancolie.

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail]
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois de peuplier • 168,4 x 130 cm • Coll. Musée du Louvre, Paris • © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

Un enfant Jésus à visage humain

Dépourvu d’auréole, le visage tendre et poupin, le fils de Dieu présente un aspect humain et regarde sa mère comme n’importe quel enfant. Son jeu avec l’agneau, qui peut paraître innocent, se révèle cependant violent (il lui tord le cou) et annonce le sacrifice à venir. Les deux êtres tendent même à se confondre, pieds et pattes s’entremêlant.

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail]
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois de peuplier • 168,4 x 130 cm. • Coll. Musée du Louvre, Paris • © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

Un paysage montagneux

À l’arrière-plan, comme dans La Joconde, apparaît une vaste étendue de montagnes escarpées et de cours d’eau. La perspective atmosphérique est subtilement rendue et permet de dissoudre le paysage dans l’horizon lointain. On pourrait croire que ce décor idyllique renvoie à un état primitif du monde mais de minuscules villages ont été décelés en contrebas des montagnes.

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail]
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Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois de peuplier • 168,4 x 130 cm • Coll. Musée du Louvre, Paris • © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

Au bord du précipice

Si ce précipice rocheux permet de tenir à distance le spectateur, il vient également signifier la stabilité du groupe face à l’abîme terrestre. La terre rocailleuse fait écho au paysage de l’arrière-plan et matérialise la Terre sur laquelle est descendu Dieu fait homme pour sauver l’Humanité. La restauration de l’œuvre en 2011 a permis de découvrir la présence, parmi les cailloux, de petits fossiles et d’eau, référence à la genèse du monde ainsi qu'au baptême.

Sainte Anne et ses doublures…

La formule iconographique de cette Sainte Anne de Léonard est si innovante qu’elle a rapidement été reprise par divers artistes. Et les variantes sont parfois… déconcertantes. Ici un rideau dévoile la scène, là un Joseph a été ajouté, ailleurs une ville a surgi dans le décor !

  • Jan Sanders Van Hemessen, Sainte Famille
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    Jan Sanders Van Hemessen, Sainte Famille, XVIe siècle

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    Huile sur bois • 146 x 107 cm • Coll. Musée des Beaux-Arts, Valenciennes • © RMN-GP / Tony-Guerrec

  • Bernardino Lanino, Vierge à l’Enfant avec sainte Anne et l’agneau
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    Bernardino Lanino, Vierge à l’Enfant avec sainte Anne et l’agneau, vers 1543

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    Huile sur bois • 158 x 108 cm • Coll. Pinacoteca di Brera, Milan • © Electa / Leemage

  • Bernardino Luini, Vierge à l’Enfant avec sainte Anne, saint Joseph et le petit saint Jean-Baptiste
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    Bernardino Luini, Vierge à l’Enfant avec sainte Anne, saint Joseph et le petit saint Jean-Baptiste, vers 1520

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    Tempera et huile sur bois • 118 x 92 cm • © Veneranda Biblioteca Ambrosiana/DeAgostini Picture Library/Scala, Firenze

  • Cesare da Sesto, La Vierge à l’Enfant et l’agneau
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    Cesare da Sesto, La Vierge à l’Enfant et l’agneau, 1510-1515

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    Tempera sur bois • Coll. Musée Poldi Pezzoli, Milan • © Electa / Leemage

Des attributions controversées

Un corpus de quinze à vingt : pas plus ! C’est le chiffre que les spécialistes admettent à propos des peintures de Léonard de Vinci. Focus sur quatre œuvres qui ont fait débat.

La Belle Ferronnière

Attribuée à De Vinci en 1642, la paternité de cette œuvre a longtemps été discutée jusqu’à ce qu’une étude scientifique, publiée en 2008, ne démontre que le noyer utilisé en support est le même que celui de La Dame à l’hermine, dont l’attribution est 100% sûre.

Léonard de Vinci, Portrait de femme, dit La Belle Ferronnière

Léonard de Vinci, Portrait de femme, dit La Belle Ferronnière, vers 1495-1499

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Huile sur bois • 63 x 45 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

La Belle Princesse

Au cœur d’une interminable controverse, ce dessin à la craie sur vélin n’a rien d’un Léonard de Vinci : le rattachement du cou au buste est médiocre, l’épaule est mal définie, la paupière inférieure de l’œil est conçue sans adresse... autant d’éléments indignes du grand maître italien.

Anonyme, La Belle Princesse

Anonyme, La Belle Princesse, vers 1480-1490

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Craie noire, rouge et blanche, encre et ajouts d’aquarelle sur vélin • 23,9 x 33,2 cm • Coll. privée • © Photo Josse/Leemage. © Bianchetti / Leemage

La Vierge au fuseau

Au printemps 1501, Léonard reçoit la commande pour le secrétaire du roi de France d’une Madone au fuseau. L’œuvre est connue grâce à de multiples copies (dont celle-ci) provenant de l’atelier du maître. On y voit la Vierge tenant dans ses bras l’Enfant Jésus devant un paysage léonardesque, composé de montagnes rocheuses.

D’après Léonard de Vinci, La Vierge au fuseau

D’après Léonard de Vinci, La Vierge au fuseau, vers 1501

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Huile sur bois • 48,3 x 36,9 cm • Coll. National Gallery of Scotland, Édimbourg • © Geoff Pugh / Shutterstock / SIPA

Le Musicien

Cette peinture divise les spécialistes. Exécutée sur du bois de noyer, elle est inachevée par endroits (notamment le bonnet et le manteau) et certaines ombres malhabiles – comme celles du cou et de la lèvre supérieure – pourraient être dues à des repeints ultérieurs. Certains détails du visage font penser à Léonard mais le doute demeure. La raideur du musicien et la dureté de certains contrastes ont fait pencher l’attribution vers deux collaborateurs du maître, Giovanni Antonio Boltraffio et Ambrogio de Predis.

Léonard de Vinci, Portrait d’homme, dit Le Musicien

Léonard de Vinci, Portrait d’homme, dit Le Musicien, vers 1485-1490

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Cette peinture mentionnée dans l’exposition du Louvre comme un Léonard divise les spécialistes.

Détrempe et huile sur bois • 44,7 x 32 cm • Coll. Pinacoteca Ambrosiana, Milan • © Photo Scala, Florence / Heritage Images

Pourquoi a-t-il été adopté par la France ?

Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard.
François Ier

Gabriel Lemonnier, Le Siècle de François Ier [détail], XVIIIe siècle

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François Ier, roi de France, reçoit à Fontainebleau le tableau de la Sainte Famille, envoyé de Rome par Raphaël comme hommage. À ses côtés, on distingue (à gauche) Catherine de Navarre de dos, avec en face d’elle Claude, reine de France, derrière laquelle on reconnaît Louise de Savoie et Diane de Poitiers (avec le grand chapeau). À droite de François Ier: Léonard de Vinci, la famille de Bourbon, Coligny, Bayard et le cardinal Bembo.

Huile sur toile • 64 x 96 cm • Coll. Musée des Beaux-Arts, Rouen • © Photo Josse / Leemage

De son vivant, la notoriété de Léonard de Vinci excédait déjà les Alpes. En 1516, l’artiste cède à l’invitation enthousiaste de François Ier et quitte l’Italie pour un voyage sans retour en France. À la cour d’Amboise, dans le Val de Loire, outre ses carnets, il emporte trois tableaux, sa Sainte Anne, son Saint Jean-Baptiste et sa fameuse Joconde. À sa mort, à 67 ans, François Ier en deviendra l’heureux propriétaire. Redécouvert au XIXe siècle, le maître suscite une véritable fascination, de Stendhal à Ingres, pour devenir un mythe national attirant au musée du Louvre les foules du monde entier.

  • Un ambassadeur sous le charme

    Avant de rencontrer François Ier en 1515, Léonard entretenait déjà des liens forts avec la France, et notamment avec l’ambassadeur français à Milan, Charles II d’Amboise. Dans une lettre du 16 décembre 1506, adressée à la seigneurie de Florence, il clame son amour pour Léonard de Vinci, arrivé dans la ville quelques mois plus tôt pour des travaux, probablement d’ingénierie militaire :
    « Les excellents ouvrages qu’a laissés en Italie et surtout dans cette ville (Milan) maître Léonard de Vinci, votre citoyen, ont incité tous ceux qui les ont vus à l’aimer de façon particulière sans même l’avoir rencontré. »

    Codex Atlanticus, folio 872 recto : brouillon de lettre de Léonard à Charles II d’Amboise
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    Codex Atlanticus, folio 872 recto : brouillon de lettre de Léonard à Charles II d’Amboise, XVIe siècle

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    Coll. Bibliotheque et pinacotheque ambrosienne, Milan • © Veneranda Biblioteca Ambrosiana/Mondadori Portfolio/Leemage

  • Léonard à la cour de François Ier

    À la mort de Julien de Médicis en 1516, Léonard est privé de mécène. Il accepte alors l’invitation de François Ier qui lui voue une admiration absolue, et traverse, selon la légende, les Alpes à dos d’âne. Léonard embarque avec lui Sainte Anne, Saint Jean-Baptiste et La Joconde. Il est installé dans le Manoir du Cloux, actuel Clos Lucé, qui communique avec la cour du château royal. Honoré par sa présence, François Ier le consulte régulièrement et le charge, en plus d’organiser de superbes fêtes, de réhabiliter et d’embellir la ville de Romorantin. Ce projet colossal de cité idéale ne sera cependant jamais concrétisé, la mort rattrapant le vieil homme.

    Château du Clos Lucé à Amboise
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    Château du Clos Lucé à Amboise

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    © Andera Pistolesi / Hemis.fr

  • Un génie est mort, une légende est née

    Le 2 mai 1519, Léonard de Vinci rend son dernier souffle à Amboise. François Ier était très attaché au maître italien qu’il appelait « mon père ». Cette affection a traversé le temps et en 1818, lorsque Jean-Auguste-Dominique Ingres immortalise la mort de Léonard, il place le roi à son chevet. Il n’était en vérité pas présent, mais cette légende est à la hauteur du couple mythique que formaient les deux hommes.

    Jean-Auguste-Dominique Ingres, Francois I<sup>er</sup> reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci [détail]
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    Jean-Auguste-Dominique Ingres, Francois Ier reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci [détail], vers 1818

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    Huile sur toile • 40 x 50 cm • Coll. musée du Petit Palais, Paris • © Photo Josse/Leemage

Codex Atlanticus, folio 872 recto : brouillon de lettre de Léonard à Charles II d’Amboise
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Codex Atlanticus, folio 872 recto : brouillon de lettre de Léonard à Charles II d’Amboise, XVIe siècle

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Coll. Bibliotheque et pinacotheque ambrosienne, Milan • © Veneranda Biblioteca Ambrosiana/Mondadori Portfolio/Leemage

Château du Clos Lucé à Amboise
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Château du Clos Lucé à Amboise

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© Andera Pistolesi / Hemis.fr

Jean-Auguste-Dominique Ingres, Francois I<sup>er</sup> reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci [détail]
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Jean-Auguste-Dominique Ingres, Francois Ier reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci [détail], vers 1818

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Huile sur toile • 40 x 50 cm • Coll. musée du Petit Palais, Paris • © Photo Josse/Leemage

Léonard et les français, une love story qui dure

Selon un sondage réalisé par Beaux Arts Magazine en avril 1992, Léonard de Vinci est l’artiste favori des Français. Au micro de la documentariste Pascale Charpentier sur France Culture, l’historien de l’art Daniel Arasse, spécialiste de Léonard de Vinci, revient sur les raisons de cette passion. (Vous pouvez aussi podcaster l'émission sur le site de France Culture).

La fascination pour Léonard de Vinci expliquée Par Daniel Arasse

Pourquoi La Joconde
est-elle si célèbre ?

Il faut reconnaître que l’exécution de ce tableau est à faire trembler de crainte le plus vigoureux des artistes, quel qu’il soit.
Giorgio Vasari

Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Icône absolue de l’histoire de l’art, œuvre la plus visitée au monde, la plus commentée aussi, à jamais insaisissable avec son regard qui nous suit des yeux pour ne plus nous lâcher, La Joconde nous semble éternelle. Et pleine de mystères ! Ces dernières années, les analyses scientifiques et recherches menées ont permis de lever le voile sur quelques énigmes de ce chef-d’œuvre, sans éviter les théories les plus farfelues.

Qui est-elle ?

  • Un homme travesti ? Une florentine proche des Médicis ? Isabelle d'Este ? Si l’identité du modèle a fait couler beaucoup d'encre et a suscité quelques idées folles, la théorie la plus probable est celle de Giorgio Vasari, grand biographe de la Renaissance. Il s’agit, selon lui, d’une commande, qui n’a jamais été livrée, de Francesco del Giocondo, un marchand de soie florentin. Le tableau serait le portrait de son épouse Lisa Gherardini – Monna Lisa –, une jeune femme de 25 ans qui venait probablement de lui donner un fils.

    Léonard de Vinci, La Joconde
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    Léonard de Vinci, La Joconde, vers 1503-1519

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    © RMN-GP / Michel Urtado

    Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris

Léonard de Vinci, La Joconde
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Léonard de Vinci, La Joconde, vers 1503-1519

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© RMN-GP / Michel Urtado

Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris

Léonard de Vinci, La Joconde [détail]
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Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

L'ombre d'un sourire

Un des plus beaux exemples du fameux sfumato de Léonard de Vinci. Cette technique virtuose, tout en nuances, confère au sourire de La Joconde cette lecture ambiguë, cette impression d'énigme qui a fait sa légende. Aussi, Monna Lisa incarne-t-elle la figure universelle de la sérénité à laquelle renvoie son nom, Gioconda, évoquant le terme jucundus, soit « plaisant », « agréable », « heureux ».

Léonard de Vinci, La Joconde [détail]
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Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Sous le voile

Des analyses par rayons infrarouges et ultraviolets réalisées en 2004 laissent penser que ce voile d’une extrême finesse pourrait être un guarnello, une gaze transparente que portait à l’époque les femmes enceintes ou qui venaient d’accoucher. Les examens ont aussi révélé que la chevelure ceinte par le voile noir était ramassée par un chignon plat, peut-être couvert d’un bonnet, coiffure que portaient les jeunes mères.

Léonard de Vinci, La Joconde [détail]
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Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Un regard nu

C’est l’élément de force du tableau. Dépourvu de sourcils et de cils, le visage de La Joconde est totalement épilé. Si longtemps les spécialistes ont cru qu’il s’agissait là d’une mode de la Renaissance, des analyses récentes portent à croire que La Joconde était bien pourvue à l’origine de sourcils, mais que ceux-ci ont été effacés avec le temps.

Léonard de Vinci, La Joconde [détail]
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Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

De précieux habits

Le rendu du textile est subtil et fin. Le mari du modèle présumé étant marchand d’étoffes, il n’est pas surprenant que tant d’attentions aient été accordées à ces détails !

Léonard de Vinci, La Joconde [détail]
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Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Étrange décor

Traité selon une perspective époustouflante, le paysage atmosphérique à l’arrière-plan, restitué avec une incroyable profondeur pour finir par se perdre dans le ciel, est un étrange mélange associant lac, volcans et forêt. Il aurait été inspiré à l’artiste lorsqu’il partit pour Milan. Des historiens de l’art y ont décelé des points communs avec la région de Montefeltro.

Léonard de Vinci, La Joconde [détail]
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Léonard de Vinci, La Joconde [détail], vers 1503-1519

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Huile sur bois • 77 x 53 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Michel Urtado

Étrange décor

Traité selon une perspective époustouflante, le paysage atmosphérique à l’arrière-plan, restitué avec une incroyable profondeur pour finir par se perdre dans le ciel, est un étrange mélange associant lac, volcans et forêt. Il aurait été inspiré à l’artiste lorsqu’il partit pour Milan. Des historiens de l’art y ont décelé des points communs avec la région de Montefeltro.

On a volé La Joconde !

La popularité de La Joconde explose après sa disparition en 1911, qui fait la une des journaux du monde entier.

Stupeur au Louvre le 22 août 1911 : La Joconde a disparu des cimaises du musée, laissant un vide béant. C’est le branle-bas de combat à la Préfecture de police qui dépêche des dizaines d’inspecteurs. Parmi les suspects figurent deux personnages bien connus : le poète Guillaume Apollinaire (emprisonné à cause de son ancien secrétaire qui avait dérobé des statuettes au Louvre) et Pablo Picasso (qui lui avait acheté des statuettes). Des récompenses de 60 000 francs sont offertes. L’affaire fait le tour du monde. L’œuvre est finalement retrouvée en décembre 1913. Le voleur, Vincenzo Peruggia, est un vitrier spécialisé dans la mise sous verre des tableaux du musée. Il a conservé l’œuvre dans sa chambre avant de la proposer à un antiquaire florentin qui décide de prévenir la police. Ses avocats expliquent son acte par un sentiment de patriotisme et il n’écope que de dix-huit mois de prison... En janvier 1914, La Joconde fait un retour triomphal au Louvre.

  • Vincenzo Peruggia, voleur de La Joconde en 1911, dans la salle d’audience du tribunal de Florence
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    Vincenzo Peruggia, voleur de La Joconde en 1911, dans la salle d’audience du tribunal de Florence, 1914

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    © Roger-Viollet

  • Vincenzo Peruggia, voleur de La Joconde
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    Vincenzo Peruggia, voleur de La Joconde, photo d'identité judiciaire du 25 janvier 1909

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    © Rue des Archives/PVDE

  • Une de l'Excelsior, “Le Louvre a perdu La Joconde”
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    Une de l'Excelsior, “Le Louvre a perdu La Joconde”, 23 août 1911

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    © Selva/Leemage

  • Emplacement occupé par La Joconde dans le Salon Carré du musée du Louvre après son vol le 21 août 1911
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    Emplacement occupé par La Joconde dans le Salon Carré du musée du Louvre après son vol le 21 août 1911

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    © Rue des Archives/Tallandier

  • Agents et barrière de bancs disposés autour de La Joconde, au musée des Offices de Florence, en 1913, pour la protéger, à la suite du vol de 1911
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    Agents et barrière de bancs disposés autour de La Joconde, au musée des Offices de Florence, en 1913, pour la protéger, à la suite du vol de 1911

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    © Roger-Viollet

  • Le réduit où La Joconde passa deux ans
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    Le réduit où La Joconde passa deux ans, 1911

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    © Roger-Viollet

  • lllustration de René Berger, Une du Ruy Blas
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    lllustration de René Berger, Une du Ruy Blas, 20 décembre 1913

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    © Caricadoc/Leemage

  • Article paru dans "Le Journal", Vol de La Joconde : “Pourquoi l’on a arrêté M. Guillaume Apollinaire”
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    Article paru dans "Le Journal", Vol de La Joconde : “Pourquoi l’on a arrêté M. Guillaume Apollinaire”, 10 septembre 1911

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    © Collection KHARBINE-TAPABOR

  • Guillaume Apollinaire sortant du cabinet du Juge d’instruction
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    Guillaume Apollinaire sortant du cabinet du Juge d’instruction, 1911

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    © Collection KHARBINE-TAPABOR

La Joconde en voyage

Exposée au Louvre depuis 1793, la précieuse et fragile Joconde a effectué très peu de voyages. Après un séjour aux États-Unis de 1962 à 1963, elle part au Japon et fait une escale à Moscou en 1974, avant de revenir définitivement à Paris. Ses déplacements ont chaque fois fait l’objet d’importantes mesures de sécurité, comme en témoignent les images d’archives.

La Joconde, plus qu’une icône, une obsession

Jocondomanie, jocondalâtrie, jocondophilie… Aucune autre œuvre au monde ne peut se targuer d’une telle popularité. Quand elle n’est pas détournée par les artistes tels que Marcel Duchamp (L.H.O.O.Q., 1919) ou Fernand Léger (La Joconde aux clés, 1930), elle inspire la littérature, la publicité ou le cinéma. En 1967 elle est même la star d’un court-métrage primé à Cannes. Réalisé par Henri Gruel avec les commentaires désopilants de Boris Vian, La Joconde : histoire d’une obsession est un petit bijou de drôlerie mêlant animation et prise de vue réelle. En musique aussi Monna inspire : détestée pour son « son rictus immonde » par Serge Gainsbourg, elle est chantée avec humour par Barbara ou adulée comme une fashionista par Will.i.am dans « Mona Lisa Smile ». Écoutez… et souriez !

L’homme de tous les fantasmes...

Dieu mis à part, Léonard de Vinci est sans doute l’artiste sur lequel on a le plus écrit. (…) Il a inspiré les fantasmes les plus légitimes et les déductions les plus saugrenues.
Daniel Arasse

Léonard de Vinci, Saint Jean-Baptiste [détail], vers 1513-1516

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Huile sur bois • 69 x 57 cm • Coll. musée du Louvre, Paris • © RMN-GP / Tony Querrec / presse

De son vivant, Léonard de Vinci était déjà reconnu pour ses qualités hors du commun. Grâce à la fascination des peintres, poètes et écrivains, qui l’ont rendu immortel, au fil des générations, un mythe est né.

Un visionnaire toujours plus surprenant

Grand défenseur de la vie animale, amateur de gastronomie, architecte de cité idéale, concepteur de machines volantes… Léonard de Vinci était un insatiable curieux, en avance sur son temps dans de nombreux domaines. Et chaque année nous apporte son lot de découvertes nouvelles – comme de théories farfelues – qui contribuent à entretenir son aura magnétique.

Le peintre de tous les records !

Cinq cent ans après sa mort, Léonard de Vinci continue de déchaîner les passions. L’exemple le plus éclatant remonte au 15 novembre 2017, où dans une fameuse salle des ventes londonienne le Salvator Mundi, tableau attribué à Léonard, battait tous les records : en moins de vingt minutes, l’œuvre a été adjugée pour une somme stratosphérique de 400 millions de dollars !

L'exposition événement au musée du Louvre

Cinq cents ans après sa mort, la fièvre Léonard de Vinci s’empare du musée du Louvre. Cette méga-exposition réunissant près de 160 œuvres est l'aboutissement de dix années de travail des conservateurs du musée du Louvre et de négociations acharnées afin d’obtenir les prêts les plus prestigieux. Un événement qui promet de battre des records de fréquentation. Réservation impérative !

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Léonard de Vinci

Du 24 octobre 2019 au 24 février 2020

Crédits

Coordination éditoriale : Florelle Guillaume

Textes : Malika Bauwens et Pauline Debroux

Gestion de projet : Alessandra Danelli

Iconographie : Laurène Flinois

Relecture : Léone Metayer

Voix podcast « Lettre à Ludovic Sforza » : Olivier Richard

Cartographie : Stéphane Humbert-Basset

Vidéos © INA • Podcast Daniel Arasse © France Culture

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Ce numéro collector fait le tour des connaissances actuelles sur Léonard de Vinci, décryptant ses œuvres les plus fameuses comme ses zones d’ombre. Suivez le maître dans une Italie en pleine effervescence créative et technique, parmi les joyaux de l’architecture, les chefs-d’œuvre et leurs grands représentants. Où l’on découvre un artiste universel, à la fois peintre, architecte, ingénieur militaire ou metteur en scène de spectacles. Inclus, dans un cahier spécial sur papier dessin, les plus beaux crayonnés du maître.