INFO LE POINT. Plouf ! Quand la CGT gère une entreprise…

VIDÉO. Le syndicat, à la tête du puissant CE d'EDF, a mis en vente la majorité de ses campings, victimes d'une gestion « désastreuse », selon… la CGT.

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Temps de lecture : 4 min

Elles étaient belles, les vacances au camping trois étoiles Les Amis de la plage, en Vendée. Ou... peut-être pas. Géré par la CIAT, une structure liée à la Caisse centrale d'activités sociales (CCAS), chargée de gérer les activités sociales du personnel des industries électriques et gazières – communément dénommée CE d'EDF –, ce site devrait changer de pavillon dans les prochaines semaines, tout comme une vingtaine d'autres campings frères. Ainsi en a décidé, le 17 septembre, le conseil d'administration de la CCAS, qui a perçu, en 2019, une dotation de 304,3 millions d'euros des entreprises du secteur de l'énergieTout cela s'est joué ric-rac.

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Sur dix-huit administrateurs, neuf ont voté pour – tous de la CGT –, neuf, issus de FO, de la CFDT et de la CFE-CGC, se sont positionnés contre. Mais le président ayant une voix prépondérante, et étant issu de la CGT, la mise en vente a été actée. Résultat, la CCAS a donné son feu vert à la cession partielle de la CIAT à l'entreprise familiale MS Vacances, pour un montant de 24 millions d'euros payable sur trois ans, avec reprise de la dette bancaire de 19,6 millions. L'opération porte sur un périmètre de 22 campings sur les « 34 campings historiques exploités à ce jour ».

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Plomberie fiscale

« Fragilisée par un endettement bancaire mal structuré dont les résultats d'exploitation, même s'ils étaient positifs, ne permettaient pas de retrouver un équilibre financier et encore moins de dégager les investissements nécessaires, la CIAT a également été impactée par un accident industriel en 2016 sur le développement d'un projet d'habitat toilé. Cela a conduit la société à être encadrée par un protocole bancaire », explique dans une déclaration, consultée par Le Point, le président de la CCAS, Nicolas Cano.

La date prévisionnelle de réalisation de la cession est fixée au 30 septembre 2020, avec une date butoir fixée au 30 novembre 2020, conformément au protocole de conciliation, conclu le 6 mars 2018, soumis au constat du tribunal de commerce de Paris par ordonnance du 15 mars 2018 et prolongé par les avenants du 30 janvier et 30 juin 2020.

C'est fin 2009 que la CIAT, créée en 1976 par André Trigano, est tombée dans l'escarcelle de la CCAS pour un montant de 84 millions. L'idée, alors, était de faire du « CE d'EDF » un leader du tourisme social. Spécialisée dans l'hôtellerie de plein air, cette structure est détenue à 100 % par la CCAS, à travers deux holdings. D'après une présentation interne, ce montage juridique avait été privilégié pour « protéger le statut fiscal » de cette structure et lui éviter d'être soumise aux « impôts commerciaux ». En tout, ce sont 179 personnes en CDI qui travaillent au sein des trois filiales – en été, on peut dénombrer jusqu'à 1 200 salariés. Côté chiffre d'affaires, il s'élevait à 61,2 millions pour un résultat net dans le rouge, à moins 6,6 millions d'euros ; il en était de même pour les exercices précédents (61,6 millions de chiffres d'affaires pour 12,7 millions de pertes ; ou encore 60,1 millions de chiffres d'affaires pour 9,1 millions). Le Covid-19 n'y est pour rien, donc.

Lire aussi André Trigano : « Une voiture qui ne roule pas, ce n'est plus une automobile »

Investissements hasardeux

Des procédures de mandat ad hoc et de conciliation avaient d'ailleurs été ouvertes en 2014, 2016 et 2017 avec pour but de mener des négociations entre les différents créanciers du groupe et les actionnaires, la recherche des sources de financement pour assurer la poursuite d'activité du groupe, y compris par l'ouverture du capital, voire par la cession de la structure. Dans ce cadre, un certain nombre de mesures ont été prises : la renégociation de la maturité de la dette, la mise en place d'un moratoire et le recentrage des activités. Des dépréciations de titres avaient aussi été enregistrées en 2016, 2017, 2018, respectivement pour 8,8 millions d'euros, 63,4 millions et 17 millions. Enfin et surtout, cette cession à venir, à MS Vacances, un groupe vendéen qui détient cinq sites, liés aux comités d'entreprise des dockers du Havre, la SNCF, Renault, les Chantiers de l'Atlantique, Airbus…

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La CIAT est un sujet de tensions au sein même de la CGT. Le Point a pu consulter plusieurs courriers adressés par des dirigeants de la CGT-Énergie à leurs homologues : ils parlent de « gouffre financier », d'« investissement hasardeux », de « marasme économique », de « résultats désastreux », plus largement, ils exigeaient des « documents indispensables à la bonne compréhension de tous les enjeux ». Dans une des lettres des protestataires, il est même possible de lire : « Nous affirmons que le déficit structurel de la CCAS est dû pour une grande part à l'achat de la CIAT, qui représente un puits sans fonds (100 millions d'euros d'investissement depuis dix ans, 84 millions d'achat et 18 millions de dettes, soit au total 202 millions). » Et de poursuivre : « Force est de constater que les décisions prises depuis plus de 10 ans étaient faussées par le biais d'informations erronées, d'omissions, de silences coupables. » Ce groupe de contestataires internes à la CGT exigeait même une vente totale de la CIAT, et de conclure, sur un ton grave : « Le risque de connaître les mêmes mésaventures qu'au CE de la RATP est prégnant. » En 2011, la Cour des comptes avait dénoncé des fraudes au sein de cette structure.

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Commentaires (82)

  • Pseudo1139

    ''cession à venir... MS Vacances, un groupe vendéen qui détient cinq sites, liés aux comités d'entreprise des dockers du Havre, la SNCF, Renault... ''. Pas certain qu'ils y gagnent. Les dockers du Havre, où le syndicat CGT était (est ? ) dans la tourmente, avec le trésorier (CGT) qui n'a jamais remis les comptes à ses mandants de la CGT.

  • frrcpx

    Les campings du CCAS étaient jusque dans les années 90 une institution dont j'aurai bien profité et mes parents aussi après moi (mon père était agent EDF). Un vrai environnement protégé mais libre (on avait une grande liberté de mouvement, même les plus jeunes, car on était responsabilisé dans nos occupations), on avait des animations très familiales, pas comme les grosse teufs des campings "normaux" actuels où je ne mets plus les pieds car cela ne me correspond plus, surtout avec la politique du chiffre qui agglutine les mobilhomes pour un max de rentabilité... Et pourtant, j'en aurais fait des camping (CCAS et autres)

    On avait aussi de grands spectacles avec -surtout - des groupes en devenir, comme le Quator que j'ai vu une de leurs premières années.

    Et plus que tout, un respect les uns des autres (normal, ils avaient tous le même employeur en commun donc savaient facilement ce qu'ils valaient sans avoir à jouer à celui qui avait la plus grosse) : on était tous à la même enseigne, de l'employé de base au (sous ?) chef de barrage hydraulique, ce qui m'a permis de visiter ce barrage quand j'ai eu l'occasion d'aller voir mes amis chez eux...

    Ils ont voulu se faire encore plus gros qu'ils n'étaient, alors que les camps n'ont plus autant la côte chez les employés (qui ne veulent plus passer leur vacances entre collègues ? ) et qu'ils ont fermé la majorité des petits, qui avaient en plus un sacré avantage, faire travailler des gens du coin - ce qui était tout à l'honneur de la CCAS (pas sûr que l'espèce de truc thalasso/remise en forme qui a remplacé mon camp préféré en n'exploitant qu'un tiers du terrain ( ! ) embauche des gens de la région)

  • Dizul

    La CGT s'en remettra !