Remaniement : le blues des « gueules cassées »

Les anciens ministres de l'équipe Ayrault qui ont été brutalement éconduits du gouvernement de Manuel Valls tentent, tant bien que mal, de tourner la page.

Remaniement : le blues des « gueules cassées »

    LEURS AGENDAS se sont vidés d'un coup, leurs téléphones sonnent moins. Et depuis la fin du feuilleton sur le remaniement, on les appelle les « ex ». Ils sont 17 de l'équipe de Jean-Marc Ayrault à ne pas avoir été reconduits par Manuel Valls au gouvernement et à le vivre souvent douloureusement.

    « C'est rude », reconnaît Guillaume Garot, ex-ministre à l'Agroalimentaire. Certains ont d'autant plus de mal à encaisser qu'ils n'ont jamais été officiellement prévenus. « Je l'ai appris devant ma télévision, en découvrant les noms », confie Michèle Delaunay, ex-ministre aux Personnes âgées. Même « humiliation » pour Alain Vidalies et Guillaume Garot, qui a tout de même eu droit, avant-hier, à un petit mot d'excuse de Valls. Thierry Repentin a, lui, reçu un simple SMS de François Hollande, son ami... « C'est raide, la vie politique », reconnaît l'ancien ministre aux Affaires européennes, qui admet « passer un moment difficile ».

    Le sentiment d'injustice prédomine : « Pourquoi moi ? » « J'ai le sentiment d'avoir bien servi la France, l'Etat et la gauche, et dans des circonstances pas toujours faciles », insiste Dominique Bertinotti, l'ex-ministre à la Famille qui a évoqué publiquement son cancer. Incompréhension et parfois même un brin d'amertume. C'est le cas de Thierry Repentin, doublement sacrifié pour laisser sa place à Harlem Désir, exfiltré du PS, et sans possibilité d'atterrir au Logement, sa spécialité. Ce ministère a échu à Sylvia Pinel pour obtenir la fidélité des Radicaux de gauche... Hasard du calendrier, le jour où Delaunay a été virée, elle devait présenter sa loi en Conseil des ministres.

    La politique ne reste jamais loin

    Depuis, la Bordelaise s'est réfugiée dans son jardin et « se venge » sur ses arbres. « Sécateur à la main, je taille, j'élague et je fais du compost », sourit Delaunay, qui a besoin d'activité : « Quand on a le cafard la nuit, on va nettoyer sous l'évier. » De retour hier dans sa Savoie, Repentin part dans un refuge en montagne pour randonner ce week-end et « se vider la tête ». Quant à Garot, « break à Madrid » avec au programme farniente, longueurs de piscine et surtout lecture. Il vient de commencer un thriller politique, « la Bataille de chats » d'Eduardo Mendoza, un Catalan né à Barcelone. De quoi lui rappeler Valls...

    >> EN IMAGES. Les grands absents du gouvernement Valls

    Mais ces ex gardent les mains dans le cambouis. Il faut notamment recaser les anciens collaborateurs de cabinet. Un appui pour un CV dans le privé, un SMS de recommandation auprès d'un ministre... « Pôle emploi, c'est nous », grimace Repentin.

    Carlotti retrouve la poudrière marseillaise

    La politique ne reste jamais loin. Après quelques jours de repos dans sa maison du Gard, Vincent Peillon a vite replongé. Tête de liste aux européennes dans le Sud-Est, il prépare sa péniche pour faire campagne. « Il est gonflé à bloc », reconnaît le député Pascal Terrasse même si ses proches lui ont conseillé de « lever le pied » après avoir pris « un coup de vieux » à l'Education. Marie-Arlette Carlotti s'est accordé un week-end, « sans téléphone », avant de retrouver la poudrière du PS marseillais.

    Abasourdi par son éviction -- « Prends plus que quelques jours de vacances... » lui a brutalement signifié Valls -- et surtout par sa défaite surprise à Palaiseau (Essonne) aux municipales, François Lamy, lui, n'a qu'une idée en tête : « Revenir plus fort à l'Assemblée pour travailler le groupe de l'intérieur », glisse son entourage.

    Certains n'auront bientôt plus rien

    Ceux qui étaient parlementaires retrouveront automatiquement leur siège un mois après leur sortie du gouvernement. « Plus que trois semaines ! » se réjouit déjà Delaunay. Pour ceux qui n'ont rien, ils toucheront une indemnité équivalente à leur traitement pendant six mois.

    Repentin va aussi retrouver son siège de sénateur mais pour peu de temps. Après la débâcle des municipales, le Savoyard sait qu'il ne pourra le conserver en septembre. Quand les uns pensent encore à leur avenir politique, d'autres pensent à leur avenir tout court.