La wedding planner de Mon plus beau jour, Marie-Émilie Méjan, partage ses bonnes adresses avec les futurs mariés.

Salons, congrès et foires annulés, mariages reportés, jauges de spectateurs limitées... L'épidémie menace des milliers d'emplois dans le secteur de l'événementiel. (illustration)

Mademoiselle Fiona

"Depuis le confinement, c'est une catastrophe". En cette fin du mois de septembre, Fabienne Calvo, organisatrice de mariages, ne peut que constater les conséquences de la pandémie sur son business. "C'est bien simple : tout ou presque s'est arrêté", confie-t-elle à L'Express. La majorité des mariages que la wedding-planner avait rigoureusement préparés durant l'été ont été reportés, voire annulés. Et alors que Fabienne Calvo attendait avec impatience le mois de septembre pour reprendre pleinement son activité, seuls deux mariages ont pu être célébrés au Château de Carsix, qu'elle s'occupe de louer pour les futurs époux : situé dans l'Eure, le lieu a été placé en zone rouge. "La préfecture déconseille les événements de plus de dix personnes. Nous n'avons d'autres choix que reporter", indique l'organisatrice, résignée.

Publicité

Face à une remontée en flèche des cas de Covid-19 sur le territoire, de nouvelles mesures sanitaires strictes ont été instaurées dans plusieurs départements : tous les "établissements recevant du public" vont notamment devoir fermer à Aix-Marseille et en Guadeloupe... À Paris, Lille, Toulouse, Saint-Etienne, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier, Bordeaux, Lyon et Nice, la jauge des rassemblements est abaissée à 1000 personnes, les rassemblements de plus de 10 personnes interdits dans l'espace public. La location de salles pour des fêtes, y compris pour des mariages, est elle aussi interdite.

LIRE AUSSI >> Covid-19: Marseille, Bordeaux, Lyon, Paris... Quelles sont les villes les plus touchées?

"C'est dramatique", commente Muriel Saldalamacchia, membre d'honneur et initiatrice du tout nouveau syndicat des Wedding-Planners. "Sur la saison 2020, j'ai déjà perdu 90% de mon chiffre d'affaires. On est en train d'enterrer le secteur, au lieu de trouver des solutions pérennes", déplore-t-elle. Pourtant soutenue financièrement par l'État depuis le confinement, la cheffe d'entreprise s'inquiète. "Le report des charges, les prêts, c'est une chose... Mais il faudra bien les payer un jour", rappelle-t-elle. "Et quand on me verse 12 000 euros de compensation, il ne faut pas oublier que, derrière, j'ai perdu 100 000 euros de chiffre d'affaires". "Si on continue à ce rythme, on va faire disparaître toute une partie de nos métiers", ajoute Cédric Angelone, président du Syndicat des Activités Événementielles (SAE). "Il faut nous refaire travailler, le plus vite possible", martèle-t-il.

"Ce sera l'hécatombe"

Dans toutes les filières, le désarroi est le même : les pertes financières s'accumulent, et des dizaines de chefs d'entreprise sont obligés de mettre la clé sous la porte. "Plus de 400 000 emplois ont été touchés, pour 18 milliards d'euros de perte directe, et 32 milliards de pertes indirectes", assure par exemple Olivier Roux, président du syndicat des organisateurs de foires, salons et congrès UNIMEV. "Avant l'été, nous avions calculé qu'une entreprise sur deux allait disparaître d'ici quatre à six mois dans notre secteur", explique de son côté Philippe Abergel, délégué général du syndicat des services de l'Audiovisuel scénique et évènementiel SYNPASE. "Sur cet été, 80% des mariages ont été annulés ou reportés, et, si tout va bien, seuls 50% des mariages prévus en 2020 pourront se dérouler", estime pour sa part Virginie Mention, de l'association des Wedding Planners et des officiants de cérémonies laïques. "Sans un soutien spécifique, qui puisse durer dans le temps, ce sera l'hécatombe", résume Cédric Angelone, "angoissé" pour les mois à venir.

LIRE AUSSI >> Covid-19 : pas forcément de deuxième vague mais des vaguelettes à répétition

"Psychologiquement, ça devient dur", témoigne ce directeur d'agence événementielle, premier témoin d'une filière à l'agonie. Sur Whatsapp, le président du SAE a créé un fil de discussion pour conseiller les professionnels de l'événementiel : depuis des semaines, les messages sont de plus en plus pessimistes. "On lit des choses dramatiques, qui nous brisent le coeur", confie-t-il, prenant l'exemple d'un régisseur "en recherche active d'emploi", et obligé dans l'intervalle "d'accepter des missions de maçon pour pouvoir manger". "Il y a des drames humains. Au printemps, un organisateur de mariage qui gère 40 collaborateurs, 16 lieux et des millions d'euros de chiffres d'affaires nous a proposé de s'enchaîner à un monument, pour faire part de son désarroi", raconte Cédric Angelone. "C'est fort, parce que ce ne sont pas des profils qui ont l'habitude d'en arriver à de telles actions. Les professionnels sont à bout, épuisés par la situation".

"Beaucoup de prestataires sont dans une détresse profonde", lâche Philippe Abergel, lui aussi spectateur d'un système à bout de souffle. "On s'est mis à refaire des devis pour l'automne, à reprendre espoir... Et tout s'annule, parfois du jour au lendemain. Financièrement, c'est la cata. Psychologiquement, l'angoisse repart", regrette-t-il. "Nous sommes démoralisés", abonde Virginie Mention, de l'ASSOCEM. "On s'attendait à pouvoir célébrer à nouveau des mariages en septembre, ce n'est pas le cas. On se fait balader de décisions gouvernementales en arrêtés préfectoraux, et beaucoup d'entre nous ont désormais envie d'abandonner", raconte l'organisatrice de mariage. "Même si l'État a aidé les professionnels, recevoir 1500 euros quand on a des loyers, des charges et des salaires à verser, ce n'est pas assez. Il faut que nous puissions compter sur une reprise d'activité".

"Laissez-nous bosser !"

"On nous coupe l'herbe sous le pied", témoigne de son côté Muriel Saldalamacchia, touchée de plein fouet par les mesures restrictives prises par l'État. Cet été, la wedding-planner n'a pu organiser qu'un seul événement, sur les 14 initialement prévus. "Pourtant, on a toutes les clés pour assurer ces événements malgré tout. Mais on ne nous écoute pas !", s'agace-t-elle. "Laissez-nous bosser, laissez-nous montrer patte blanche", s'indigne l'organisatrice. Pour elle, les événements privés sont aujourd'hui "stigmatisés", alors même qu'ils pourraient se dérouler "sous contrôle".

LIRE AUSSI >> Soirées d'intégration: pourquoi les étudiants continuent de faire la fête à l'ère du Covid

"On met en place un sens de circulation pour le staff et les invités, un système de roulement pour éviter que les prestataires ne se croisent, on encourage le port du masque, le gel, les gestes barrière...", liste-t-elle. "Comment peut-on autoriser 1000 personnes dans un stade, et limiter les mariages à dix invités ?", interroge Muriel Saldalamacchia, qui assure avoir fait part au gouvernement d'un "protocole sanitaire strict", applicable pour les mariages. "Pour l'instant, nous n'avons eu aucune réponse", regrette la wedding-planner.

Même son de cloche du côté du SAE, qui réclame "un protocole sanitaire clair, validé par les personnels sur le terrain, et qui puisse permettre une reprise des événements privés et publics en toute sécurité". "Ne pas faire, c'est une solution moyenâgeuse", fait valoir Cédric Angelone. "Il y a des solutions de repli, comme des événements 100% en ligne, mais ce n'est pas durable", souligne de son côté Olivier Roux, qui attend désormais une réponse "urgente" de la part du gouvernement. "Au lieu de tout arrêter, il faut trouver des solutions", indique Cédric Angelone, confirmant à L'Express avoir envoyé au gouvernement un "plan de sauvetage" de la filière événementielle. Prolongation des prêts garantis par l'État, des mesures de chômage partiel et du fonds de solidarité, annulation des charges sociales en 2020, garantie de l'État sur les crédits matériels, immobiliers et techniques... Le SAE y réclame notamment un prolongement des aides spécifiques mises en place pour le secteur au fil des mois, "sans lesquelles il faudra s'attendre à de multiples faillites", prévient Cédric Angelone. "Nous espérons une réponse rapide, parce que nous avons parfois l'impression d'avoir usé tous nos recours", confie-t-il. "Il y a urgence".

Publicité