Quand Basquiat affole Nuits-Saint-Georges

Une galerie près de Dijon a monté une exposition de dessins inédits de l'artiste new-yorkais. Des faux, affirment plusieurs spécialistes.

De notre correspondant à Dijon,

Dessin exposé à Nuits-Saint-Georges et attribué à Basquiat.
Dessin exposé à Nuits-Saint-Georges et attribué à Basquiat. © André Morin

Temps de lecture : 3 min

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Une nouvelle galerie d'art, installée à Nuits-Saint-Georges, au cœur de la côte viticole bourguignonne, comptait frapper un grand coup pour son inauguration en dévoilant une exposition de 35 dessins inédits de l'artiste new-yorkais Jean-Michel Basquiat. Une petite galerie de province, inconnue, qui expose des pièces jamais vues d'un des peintres les plus cotés, voilà qui a de quoi surprendre. Et attirer l'attention d'experts sourcilleux qui sèment le doute quant à l'authenticité des œuvres présentées.

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Richard Rodriguez dégaine le premier : « Je suis littéralement tombé à la renverse, c'est tellement énorme. Ce sont des faux grossiers, tous ! » affirme ce « collectionneur et ami de Basquiat ». L'homme n'a pas visité l'exposition, mais assure qu'il n'en a pas besoin pour affirmer que ces dessins sont des faux. « Ce sont des gribouillis. On voit bien que c'est grossièrement dessiné, Basquiat n'était pas un enfant et, s'il faisait des œuvres expressionnistes, il avait aussi un très beau coup de crayon », lance-t-il.

C'est comme si l'on vous donnait un billet de Monopoly en vous affirmant qu'il s'agit d'un billet de 500 euros.

Richard Rodriguez n'est pas un inconnu, son avis est écouté. Et pour cause, c'est déjà lui qui, en 1994, conteste l'authenticité de trois peintures de Basquiat, exposées par le galeriste parisien Daniel Templon à la Fiac (Foire internationale de l'art contemporain). S'en suivront polémiques, noms d'oiseaux et procès au terme desquels les trois tableaux litigieux seront reconnus comme faux. L'homme, qui se dit ami de Jean-Michel Basquiat, dont il entend « défendre l'intégrité de l'œuvre », ne décolère pas. « Ces dessins ne sont même pas bien imités. C'est comme si l'on vous donnait un billet de Monopoly en vous affirmant qu'il s'agit d'un billet de 500 euros. »

"Closed circuit", dessin exposé à Nuits-Saint-Georges et attribué à Basquiat.
 ©  André Morin
"Closed circuit", dessin exposé à Nuits-Saint-Georges et attribué à Basquiat. © André Morin
Il a été rejoint dans son combat par Nordine Zidoun, galeriste luxembourgeois, qui a organisé, en 2016, une grande exposition de 15 toiles et 15 dessins de Basquiat. « La galerie Volcano de Nuits-Saint-Georges m'a répondu avoir pris l'avis de professionnels. Mais qu'ils me donnent le nom de ces professionnels pour que je puisse les appeler pour leur demander comment ils ont pu commettre une telle erreur », s'échauffe ce dernier.

Enjeux financiers

Les organisateurs de l'exposition bourguignonne tentent maladroitement de dégonfler la polémique. « Nous ne faisons qu'organiser une exposition, pour le plaisir de montrer de beaux dessins. Nous ne vendons pas les œuvres et l'entrée est gratuite », avance Dominique Viano, membre d'Artefact Mundi, association qui a regroupé les dessins. L'argument pèse peu de poids face aux enjeux financiers. Basquiat, la star du pop art, décédé d'une overdose en 1988 après huit années d'une carrière fulgurante, affole le marché de l'art : fin juin, la toile Untitled (Head) (1982) s'est arrachée pour 110,5 millions de dollars lors d'enchères chez Sotheby's, en faisant l'une des pièces les plus onéreuses vendues par un artiste américain. La mise en vente d'une toile et d'un dessin de Basquiat par la présentatrice de talk-show Ellen DeGeneres devrait également faire grimper les compteurs.

Lire aussi Et Basquiat apparut

"Roll The Wagon", dessin exposé à Nuits-Saint-Georges et attribué à Basquiat.
 ©  André Morin
"Roll The Wagon", dessin exposé à Nuits-Saint-Georges et attribué à Basquiat. © André Morin
À décharge, authentifier des œuvres d'artistes américains n'est pas une sinécure. Dans le cas présent, c'est The Estate of Jean-Michel Basquiat, dirigé par ses deux sœurs, Lisane et Jeanine, qui détient les droits moraux sur l'œuvre. Depuis le décès du père de l'artiste, en 2012, l'Estate refuse de se prononcer sur l'authenticité des toiles non répertoriées afin d'éviter d'être attaqué juridiquement sur ses décisions. C'est donc le pedigree des œuvres qui sert souvent de base à l'évaluation. « Les dessins que nous exposons proviennent de la collection Danny Rosen, revendus à un collectionneur, qui en a revendu une partie à deux autres, en vente de gré à gré », assure Dominique Viano, qui assure que des documents attestant ses dires sont « à la disposition de la justice ».

Aucun des 35 dessins n'est signé et, si quelques-uns présentent des mentions, au dos, celles-ci sont apocryphes. « Basquiat ne signait pas tous ses dessins. Trouver un dessin non signé, c'est possible, mais 35 d'un coup, ça, ça ne l'est pas », conclut Richard Rodriguez.

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Commentaires (4)

  • Klaxon

    Ça paraît douteux. On ne reconnaît pas son trait de crayon ni la dynamique du geste ni même les minuties.

  • Christian71

    Un spécialiste et vrai connaisseur aurait visité l'exposition avant de commenter, mais il est vrai qu'un déplacement à la campagne est outrancier pour ces soit-disant spécialistes

  • Ilhdep

    Que le vin reste « vrai » dans cette excellente ville, le reste, est un peu accessoire...