Files d'attentes interminables, résultats envoyés trop tard, si le cap du million de tests PCR Covid hebdomadaires fixé par le gouvernement a bien été atteint, la mise en oeuvre est compliquée. En coulisses, c'est une course contre la montre permanente pour les laboratoires d'analyses médicales.
C'est une scène devenue quotidienne devant les laboratoires d'analyses médicales de la capitale. À 10h du matin, la file d'attente à l'extérieur s'étend sur plusieurs dizaines de mètres. À gauche, les analyses biomédicales courantes, à droite, des parisiens asymptomatiques qui ont besoin d'un test covid pour convenance personnelle (voyage, fête de famille, simple inquiétude).
Dans ce laboratoire Biogroup du XIII ème arrondissement de Paris, les résultats sont livrés en 24h (rarement 48h) pour les patients symptomatiques, 72h maximum pour les cas contacts et parfois jusqu'à quatre jours pour les autres. La priorité absolue est mise sur les patients devant subir une opération, les cas contacts signalés par l'Agence Régionale de Santé et les soignants.
Une priorisation essentielle, juge le Dr Emmanuel Mselati, directeur du labo : "certains, jours, jusqu'à 40% des patients qui se présentent viennent se faire dépister pour voyager. Entre un patient symptomatique qui ne peut pas se rendre au travail et une personne qui doit prendre l'avion, même pour voyage d'affaire, les français peuvent comprendre pourquoi on priorise."
Course contre la montre
Une fois les prélèvements effectués via un écouvillon plongé dans la fosse nasale, les tubes sont placés dans des sacs plastiques pourvus d'un code couleur, qui indique leur degré de priorité. Quatre fois par jour, ils sont collectés par des coursiers qui les emmènent pour analyse vers un plateau technique situé à Saint Denis (Seine-St-Denis). Pas question de prendre la moindre minute de retard, raconte Farida, laborantine :
On ne peut pas faire attendre le coursier, on ne peut pas faire attendre les patients, on doit accepter tout le monde. On travaille très rapidement, il n'y a pas une minute de répit.
Un rythme effréné que l'on retrouve sur le plateau technique où les échantillons sont analysés, à deux pas du Stade de France. Ici, 20.000 prélèvements sont livrés chaque jour, dix fois plus que ce que le laboratoire traitait avant la crise sanitaire. Sur cette immense plateforme de 2000 mètres carrés, la circulation est parfois compliquée, entre les piles de cartons, les paillasses recouvertes de tubes à essai et les dizaines de petites mains, majoritairement jeunes, qui s'activent pour que les analyses soient menées le plus rapidement possible.
Automates PCR Covid "made in Wuhan"
Pour faire face à la volonté de "testing" massive du gouvernement, il a fallu embaucher des techniciens de laboratoire (l'effectif a doublé). Deux vestiaires, une salle de pause et des bureaux ont également été transformés en "labos Covid". Mais le laboratoire a surtout investi. Quinze machines "made in China" flambant neuves ont été livrées en avril. Ironiquement, elles ont été produites à Wuhan, l'épicentre de la pandémie mondiale.
"Elles ont une capacité d'analyse de 2000 échantillons par jour. Nous ne connaissions pas les machines, ni le fournisseur. Mais elles sont très fiables", explique Arthur Denoël, biologiste et chef du plateau technique. Indispensables pour tenir la cadence, ces automates PCR Covid attirent toutes les convoitises et les prix se sont envolés, jusqu'à 5 millions d'euros l'unité. Sans compter les réactifs utilisés pour les tests, produits en Chine comme en France, dont les prix de vente frisent les sommets.
Pour le Dr Frédéric Lahiani, de la direction générale de Biogroup, seuls les acteurs privés sont capables de prendre un tel risque financier. D'autant qu'une fois la crise passée, ces machines n'auront plus aucune utilité. Mais au-delà des bénéfices certains et des objectifs financiers ; "les biologistes sont avant tout médecins" insiste Frédéric Lahiani. "Il a fallu répondre à un immense défi lancé par les autorités de santé. Evidemment tout n'est pas parfait, notamment en terme de délai de rendu des résultats. Mais nous continuons à investir, à acheter de nouvelles machines pour relever ce défi et enrayer l'épidémie."
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