Par Kharinne Charov et David Briand
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Cet été, mnemiopsis leidyi a été prise en flagrant délit d’implantation au large d’Oléron. Cette espèce invasive pourrait provoquer des perturbations importantes et nuire à la biodiversité.

Nom savant : mnemiopsis leidyi. Noms communs : méduse américaine, cténophore américain, noix de mer. Mensurations : 3 à 12 centimètres de long. Description : de forme ovale et transparente faite de six lobes avec deux rangées de palettes ciliées. Particularité : espèce très réfléchissante. Voilà pour le portrait.

La bestiole est très jolie, à tel point qu’elle a inspiré le réalisateur James Cameron pour son film « Abyss ». Jolie oui, sauf qu’elle n’a rien à faire en Charente-Maritime ! Son biotope est loin de chez nous, dans l’Atlantique nord-américain. Et pourtant, par la main de l’homme, comme toujours, elle a dépassé les bornes.

D’abord en Russie

Au début des années 1980, telle une espionne de la CIA en pleine Guerre froide, elle a pris ses aises en mer Noire, accidentellement introduite grâce aux eaux de ballast des bateaux. Puis, comme une grande, elle est partie en villégiature en mer d’Azov, en mer Égée et en mer Caspienne. Parce qu’elle aime les voyages, elle s’est laissé flotter jusqu’en Méditerranée, en Norvège et en mer du Nord.

Elle a dû apprendre que la France est la première destination touristique au monde et la voilà rendue sur les côtes françaises, par la porte du port du Havre, en 2005. Forcément, la bestiole ne s’est pas arrêtée là. Ses copines méduses ont dû lui refiler le tuyau de la bonne cote de la Charente-Maritime auprès des touristes et elle a débarqué cet été, sans frapper.

La découverte de cette espèce sur la côte oléronnaise a été faite à l’occasion de prélèvements dans le cadre d’une surveillance des espèces non indigènes marines.
La découverte de cette espèce sur la côte oléronnaise a été faite à l’occasion de prélèvements dans le cadre d’une surveillance des espèces non indigènes marines.
GÉRARD BRETON/DORIS

Dans le cadre d’un programme de surveillance des espèces non indigènes marines, notamment dans les sites ostréicoles, la réserve naturelle de Moëze-Oléron , gérée par la Ligue pour la protection des oiseaux , a mis ses bateaux à disposition de Céline Masse. Cette ingénieure travaille à la station marine d’Arcachon et mène ses recherches selon le plan d’action de la directive-cadre Stratégie pour le milieu marin, qui utilise des descripteurs pour juger du bon état écologique du milieu marin.

Repérée au Château-d’Oléron

C’est au cours de deux sorties que des prélèvements ont été effectués cet été. Les analyses sont en cours dans les laboratoires de la station marine, en collaboration avec Jérôme Jourde, ingénieur d’étude et collaborateur à l’Université de La Rochelle. Mais l’exploration ne s’est pas arrêtée là. Le filet de zooplancton tracté par le navire le « Borgot » a fait une pêche, non pas miraculeuse, mais inquiétante au large du Château-d’Oléron en cueillant la mnemiopsis leidyi. Elle faisait la belle dans les pertuis.

L’accueil charentais-maritime a beau être légendaire, il y a quand même des limites ! Car une espèce non indigène, lorsqu’elle est introduite par l’homme en dehors de son aire de répartition naturelle, peut provoquer des perturbations importantes et nuire à la biodiversité locale. C’est l’histoire de la perche du Nil, du moustique-tigre , du doryphore de la pomme de terre ou du ragondin.

Celle que l’on nomme aussi la « méduse américaine »peut coloniser et envahir n’importe quel milieu, même pollué.
Celle que l’on nomme aussi la « méduse américaine »peut coloniser et envahir n’importe quel milieu, même pollué.
GÉRARD BRETON/DORIS

Maintenant, pas la peine de chercher à qui revient la faute, mais certains se tourneront vers la conchyliculture qui peut occasionner l’arrivée sur nos côtes de cette fausse amie qui ressemble à une méduse, les cellules urticantes en moins. On sait que dame mnemiopsis leidyi est abondante en mer côtière peu profonde riche en apports organiques car elle a une faim de loup. Son menu préféré : plancton en entrée, œufs de poisson servis sur un lit de larves de cnidaires en plat et crustacés au dessert. Maline, elle sait résister à trois semaines de jeûne en réduisant la taille de son corps.

Pas bégueule, elle s’adapte

Son sens de l’adaptation ne s’arrête pas là ! Elle est capable de remonter les estuaires car elle tolère des variations de température et de salinité importantes. Elle apprécie d’ores et déjà celui de la Gironde. Elle supporte aussi les taux d’oxygène très bas. Moralité : la belle ne fait pas sa chochotte, elle peut coloniser et envahir n’importe quel milieu, même pollué.

La fécondation de cette hermaphrodite a lieu en pleine eau et donne une larve, puis un adulte miniature en seulement 20 heures, qui pourra se reproduire après 13 jours. Et un seul individu peut produire plusieurs milliers d’œufs par jour. L’espèce peut même s’autoféconder…

Ces organismes peuvent former des bancs de milliers d’individus (jusqu’à 500 par m3) lorsque la nourriture est abondante. Et, a priori, plus la bébête mange, plus elle se reproduit. Quand on sait qu’en Russie, la présence de madame a eu des conséquences catastrophiques sur le rendement poissonnier (1), on peut s’inquiéter en Charente-Maritime. Pas pour rien que mnemiopsis leidyi est le cténophore le plus étudié dans le monde. Et la station marine d’Arcachon ne va pas la lâcher.

(1) Pour exemple, la pêche à l’anchois est passée de 204 000 tonnes en 1984 à 200 tonnes en 1993 et celle au maquereau de 4 000 tonnes à zéro.

D’autres envahisseurs présents dans le département :

L’écrevisse de Louisiane. Introduite par l’homme pour des raisons commerciales, elle s’est échappée de ses élevages et a largement contribué à l’extinction de ses homologues indigène. Elle peut libérer jusqu’à 600 œufs à chaque ponte et n’a pas de prédateur en Europe.
L’écrevisse de Louisiane. Introduite par l’homme pour des raisons commerciales, elle s’est échappée de ses élevages et a largement contribué à l’extinction de ses homologues indigène. Elle peut libérer jusqu’à 600 œufs à chaque ponte et n’a pas de prédateur en Europe.
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La sargasse. C’est une algue apparue en 1969 alors que l’huître japonaise remplaçait la portugaise, décimée.Elle présente des « frondes »de 10 mètres de long qui endommagent les filets des pêcheurs et constituent une gêne importante pour les parcs ostréicoles.
La sargasse. C’est une algue apparue en 1969 alors que l’huître japonaise remplaçait la portugaise, décimée.Elle présente des « frondes »de 10 mètres de long qui endommagent les filets des pêcheurs et constituent une gêne importante pour les parcs ostréicoles.
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L’herbe de la pampa. C’est l’une des graminées les plus majestueuses, on la voit et la plante partout. Or, peu de gens savent les entretenir, d’où une propagation exponentielle.
L’herbe de la pampa. C’est l’une des graminées les plus majestueuses, on la voit et la plante partout. Or, peu de gens savent les entretenir, d’où une propagation exponentielle.
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Faux-vernis du Japon. L’ailante, alias le faux vernis du Japon, est un arbre à feuilles caduques devenu courant et très invasif. S’il ne supporte pas l’ombre, il résiste au froid, à la sécheresse et à la pollution.C’est un véritable prédateur pour la biodiversité.
Faux-vernis du Japon. L’ailante, alias le faux vernis du Japon, est un arbre à feuilles caduques devenu courant et très invasif. S’il ne supporte pas l’ombre, il résiste au froid, à la sécheresse et à la pollution.C’est un véritable prédateur pour la biodiversité.
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Baccharis. Introduite dans le sud-ouest de la France à la fin du XVIIe siècle, cette espèce originaire d’Amérique du Nord était prisée comme plante ornementale. Elle a progressivement colonisé les côtes françaises. L’arbrisseau peut atteindre 4 mètres de haut.
Baccharis. Introduite dans le sud-ouest de la France à la fin du XVIIe siècle, cette espèce originaire d’Amérique du Nord était prisée comme plante ornementale. Elle a progressivement colonisé les côtes françaises. L’arbrisseau peut atteindre 4 mètres de haut.
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Dans les marais, les ragondins prolifèrent

2500, c’est le nombre de ragondins capturés et tués l’an dernier sur le territoire de la Communauté de communes (CdC) Aunis Sud, autour de Surgères (plus 300 à 400 rats musqués, autre espèce nuisible). Le ragondin détruit les berges, les cultures proches, sape les ouvrages d’art et est vecteur d’une maladie mortelle pour l’homme (la leptospirose). Or l’espèce, qui ne compte pas de prédateurs naturels, prolifère.Le mammifère aquatique atteint sa maturité sexuelle à six mois, tandis que la femelle peut avoir deux portées par an. Deux individus peuvent ainsi générer 80 mammifères en deux ans. Les ragondins se reproduisent toute l’année, encore plus en l’absence d’hivers rudes. C’est pourquoi, à la différence de la jussie qui est combattue entre le printemps et l’automne, c’est toute l’année que la lutte se déroule, à l’échelle des bassins-versants.Ainsi, le Syndicat mixte Charente aval agit dans huit intercommunalités (Communauté d’agglomération Rochefort Océan, de Saintes et de La Rochelle, Cdc Cœur de Saintonge, de Marennes, de Gémozac, Vals de Saintonge, Aunis Sud).Sur la centaine de communes représentées, ce sont environ 30 000 ragondins qui ont été tués l’an dernier, « soit par piégeage avec, au nord de la zone, l’association Aunis GD et, au sud, le piégeur et producteur de pâté de ragondins Éric Bruneteau ; soit par tirs avec la FDGDON 17 (Fédération départementale des groupements de défense contre les organismes nuisibles de la Charente-Maritime, NDLR) », indique Alain Burnet, président du Syndicat mixte Charente Aval.Mais avec des moyens moins conséquents puisqu’un tiers environ des frais engagés sont subventionnés, contre 80 % (notamment grâce à l’Europe) ces dernières années. Résultat, il reste 200 000 euros à financer par les collectivités chaque année.En Russie,la présencede mnemiopsis leidyi a eu des conséquences catastrophi-ques surle rendement poissonnierL’écrevisse de LouisianeIntroduite par l’homme pour des raisons commerciales, elle s’est échappée de ses élevages et a largement contribué à l’extinction de ses homologues indigène. Elle peut libérer jusqu’à 600 œufs à chaque ponte et n’a pas de prédateur en Europe.La sargasseC’est une algue apparue en 1969 alors que l’huître japonaise remplaçait la portugaise, décimée.Elle présente des « frondes »de 10 mètres de long qui endommagent les filets des pêcheurset constituent une gêneimportante pour les parcsostréicoles.L’herbede la pampaC’est l’une des graminées les plus majestueuses, on la voit et la plante partout.Or, peu de gens savent les entretenir, d’où une propagationexponentielle.BaccharisIntroduite dans le sud-ouest de la France à la fin du XVIIe siècle, cette espèce originaire d’Amérique du Nord était prisée comme plante ornementale. Elle a progressivement colonisé les côtes françaises. L’arbrisseau peut atteindre 4 mètres de haut.Faux-vernis du JaponL’ailante, alias le faux vernis du Japon, est un arbre à feuilles caduques devenu courant et très invasif. S’il ne supporte pas l’ombre, il résiste au froid, à la sécheresse et à la pollution.C’est un véritable prédateur pour la biodiversité.Deux milles cinq cent, c’est le nombre de ragondins capturés et tués l’an dernier sur le territoire de la Communauté de communes (CdC) Aunis Sud, autour de Surgères (plus 300 à 400 rats musqués, autre espèce nuisible). Le ragondin détruit les berges, les cultures proches, sape les ouvrages d’art et est vecteur d’une maladie mortelle pour l’homme (la leptospirose). Or l’espèce, qui ne compte pas de prédateurs naturels, prolifère.Le mammifère aquatique atteint sa maturité sexuelle à six mois, tandis que la femelle peut avoir deux portées par an. Deux individus peuvent ainsi générer 80 mammifères en deux ans. Les ragondins se reproduisent toute l’année, encore plus en l’absence d’hivers rudes. C’est pourquoi, à la différence de la jussie qui est combattue entre le printemps et l’automne, c’est toute l’année que la lutte se déroule, à l’échelle des bassins-versants. Ainsi, le Syndicat mixte Charente aval agit dans huit intercommunalités (Communauté d’agglomération Rochefort Océan, de Saintes et de La Rochelle, Cdc Cœur de Saintonge, de Marennes, de Gémozac, Vals de Saintonge, Aunis Sud). Sur la centaine de communes représentées, ce sont environ 30 000 ragondins qui ont été tués l’an dernier, « soit par piégeage avec, au nord de la zone, l’association Aunis GD et, au sud, le piégeur et producteur de pâté de ragondins Éric Bruneteau ; soit par tirs avec la FDGDON 17 (Fédération départementale des groupements de défense contre les organismes nuisibles de la Charente-Maritime, NDLR) », indique Alain Burnet, président du Syndicat mixte Charente Aval. Mais avec des moyens moins conséquents puisqu’un tiers environ des frais engagés sont subventionnés, contre 80 % (notamment grâce à l’Europe) ces dernières années. Résultat, il reste 200 000 euros à financer par les collectivités chaque année.En Russie,la présencede mnemiopsis leidyi a eu des conséquences catastrophi-ques surle rendement poissonnierL’écrevisse de LouisianeIntroduite par l’homme pour des raisons commerciales, elle s’est échappée de ses élevages et a largement contribué à l’extinction de ses homologues indigène. Elle peut libérer jusqu’à 600 œufs à chaque ponte et n’a pas de prédateur en Europe.La sargasseC’est une algue apparue en 1969 alors que l’huître japonaise remplaçait la portugaise, décimée.Elle présente des « frondes »de 10 mètres de long qui endommagent les filets des pêcheurset constituent une gêneimportante pour les parcsostréicoles.L’herbede la pampaC’est l’une des graminées les plus majestueuses, on la voit et la plante partout.Or, peu de gens savent les entretenir, d’où une propagationexponentielle.BaccharisIntroduite dans le sud-ouest de la France à la fin du XVIIe siècle, cette espèce originaire d’Amérique du Nord était prisée comme plante ornementale. Elle a progressivement colonisé les côtes françaises. L’arbrisseau peut atteindre 4 mètres de haut.Faux-vernis du JaponL’ailante, alias le faux vernis du Japon, est un arbre à feuilles caduques devenu courant et très invasif. S’il ne supporte pas l’ombre, il résiste au froid, à la sécheresse et à la pollution.C’est un véritable prédateur pour la biodiversité.Deux milles cinq cent, c’est le nombre de ragondins capturés et tués l’an dernier sur le territoire de la Communauté de communes (CdC) Aunis Sud, autour de Surgères (plus 300 à 400 rats musqués, autre espèce nuisible). Le ragondin détruit les berges, les cultures proches, sape les ouvrages d’art et est vecteur d’une maladie mortelle pour l’homme (la leptospirose). Or l’espèce, qui ne compte pas de prédateurs naturels, prolifère.Le mammifère aquatique atteint sa maturité sexuelle à six mois, tandis que la femelle peut avoir deux portées par an. Deux individus peuvent ainsi générer 80 mammifères en deux ans. Les ragondins se reproduisent toute l’année, encore plus en l’absence d’hivers rudes. C’est pourquoi, à la différence de la jussie qui est combattue entre le printemps et l’automne, c’est toute l’année que la lutte se déroule, à l’échelle des bassins-versants. Ainsi, le Syndicat mixte Charente aval agit dans huit intercommunalités (Communauté d’agglomération Rochefort Océan, de Saintes et de La Rochelle, Cdc Cœur de Saintonge, de Marennes, de Gémozac, Vals de Saintonge, Aunis Sud). Sur la centaine de communes représentées, ce sont environ 30 000 ragondins qui ont été tués l’an dernier, « soit par piégeage avec, au nord de la zone, l’association Aunis GD et, au sud, le piégeur et producteur de pâté de ragondins Éric Bruneteau ; soit par tirs avec la FDGDON 17 (Fédération départementale des groupements de défense contre les organismes nuisibles de la Charente-Maritime, NDLR) », indique Alain Burnet, président du Syndicat mixte Charente Aval. Mais avec des moyens moins conséquents puisqu’un tiers environ des frais engagés sont subventionnés, contre 80 % (notamment grâce à l’Europe) ces dernières années. Résultat, il reste 200 000 euros à financer par les collectivités chaque année.