Les anciens éléphants du cirque Ringling seront transférés dans une réserve naturelle

Après de longs mois voire de longues années passés au service du célèbre cirque, ces éléphants d'Asie vont bientôt pouvoir vivre sur plus de mille hectares.

De Oliver Whang
Publication 24 sept. 2020, 15:15 CEST
Les éléphants d'Asie du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey exécutent pour la dernière fois ...

Les éléphants d'Asie du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey exécutent pour la dernière fois leur numéro le 1er mai 2016 à Providence, dans l'état de Rhode Island.

PHOTOGRAPHIE DE Bill Sikes, AP Photo

L'année prochaine, les éléphants retraités du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey rejoindront leur nouveau foyer dans un centre de conservation en Floride, ce qui conclura le périple entrepris en 2015 lorsque la compagnie mère du cirque, Feld Entertainment, annonçait pour la première fois son intention de renoncer aux spectacles d'éléphants.

Annoncée aujourd'hui, l'acquisition de 35 éléphants d'Asie auprès de Feld Entertainment par la White Oak Conservation s'apprête à donner naissance à la plus grande communauté d'éléphants d'Asie de l'hémisphère ouest, d'après l'organisation. Les travaux ont commencé sur un terrain de 1 000 ha et devraient s'achever en 2021.

Cette réserve naturelle offrira aux animaux la possibilité de choisir entre différents paysages, parmi lesquels des zones humides, des prairies ou encore des forêts, et sera parsemé de 11 plans d'eau, tous suffisamment grands pour permettre aux éléphants de se baigner.

« C'est l'occasion pour nous de leur donner une chance d'être à nouveau de simples éléphants dans une situation aussi proche de la nature que possible, » déclare Michelle Gadd, directrice des programmes internationaux de conservation pour Walter Conservation, une filiale des activités philanthropiques consacrées à la protection des espèces sauvages du propriétaire des Dodgers de Los Angeles, Mark Walter, et sa femme Kimbra, auxquels appartient également la White Oak Conservation.

Ces éléphants, dont la longévité en captivité atteint les 45 ans en moyenne, sont âgés de quelques années à plus de 70 ans. Ayant passé la majorité de leur vie en captivité, ils ne peuvent pas être remis en liberté, mais cette initiative reste un pas dans la bonne direction, indique Ed Stewart, président et cofondateur de Performing Animal Welfare Society (PAWS, Société pour le bien-être des animaux de spectacle, ndlr), une organisation à but non lucratif basée en Californie qui accueille des animaux abandonnés, victimes de violence ou retraités du monde du spectacle. « J'ai l'impression que leur bien-être en captivité sera très bon, ce qu'il se fait de mieux en la matière, » ajoute-t-il.

 

UN ANIMAL SANS DOMICILE

Les éléphants d'Asie sont une espèce en danger d'extinction et leur population mondiale a chuté de moitié au moins ces 75 dernières années. Il en resterait entre 20 000 et 40 000 à l'état sauvage d'après les estimations. Ce déclin est en grande partie dû à la destruction de leur habitat : il ne reste que 15 % de leur aire de répartition historique dans le Sud et le Sud-est asiatique à cause de la déforestation, du développement agricole et de l'expansion industrielle. Leur population est également affectée par des menaces à plus petite échelle, comme le braconnage pour leur peau et leurs défenses.

Un duo d'éléphants à la retraite prend la pose en 2016 devant les 80 hectares du Centre pour la conservation des éléphants détenu par Ringling Bros. à Polk City, en Floride. Trente des éléphants du centre vont être déplacés dans un nouvel habitat de plus de mille hectares à White Oak en 2021.

PHOTOGRAPHIE DE KERRY SHERIDAN/AFP, Getty Images

Environ un tiers des éléphants d'Asie vit en captivité. Ils sont utilisés pour l'agriculture, l'exploitation forestière et les attractions touristiques en Inde, en Thaïlande et au Myanmar. Le dressage des jeunes éléphants en captivité peut se révéler brutal et implique souvent des méthodes centrées sur la peur qui font appel aux punitions ou à la douleur et provoquent parfois des saignements.

Plusieurs centaines d'éléphants d'Asie vivent aux États-Unis, la plupart dans des zoos. Une autre partie est accueillie par les sanctuaires ou les refuges, mais une poignée d'éléphants restent à ce jour à la merci des cirques et se donnent encore en spectacle dans les états et les villes où l'exploitation des animaux sauvages est légale.

Puisque les éléphants d'Asie sont plus petits que leurs cousins africains et sont généralement perçus comme étant plus faciles à gérer, ils sont devenus le choix de prédilection des cirques itinérants au milieu du 19e siècle. L'origine de cette tendance est attribuée à Phineas Taylor Barnum avec la farandole d'éléphant de son cirque autoproclamé « spectacle le plus grandiose sur Terre. »

Dans une enquête menée en 2011, le magazine Mother Jones rapporte que les éléphants ont souffert de maltraitances et d'un manque de soins dès le départ. Un animal de la toute première expédition de Barnum visant à capturer des éléphants est mort pendant le transport entre ce qui est aujourd'hui le Sri Lanka et les États-Unis. De même, le dressage des éléphants à l'aide d'aiguillons électriques est rapidement devenu une pratique standard maintenue par Feld Entertainment lors de son rachat du cirque Barnum en 1967. L'enquête a également révélé que, même à un stade avancé du 21e siècle, de nombreux animaux de spectacles détenus par Feld étaient surexploités, pendant qu'un grand nombre d'entre eux mouraient de problèmes de santé liés à leurs conditions de vie.

En 2016, la pression exercée par les défenseurs des droits des animaux et l'évolution de l'opinion publique ont poussé Feld à mettre à la retraite ses derniers éléphants de spectacle. Au nombre de 40 au total, ils ont été transportés jusqu'à un lopin de terre de 80 hectares appelé Ringling’s Center for Elephant Conservation (CEC, Centre Ringling pour la conservation des éléphants, ndlr). Un an plus tard, l'entreprise fermait le cirque pour de bon.

L'arrivée des éléphants au CEC n'a pas mis fin à la controverse pour autant. Plusieurs groupes de défense des animaux, notamment People for the Ethical Treatment of Animals (PETA) et le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), se sont attaqués à la taille des enclos pour éléphants. En 2016, Reuters signalait par ailleurs que les éléphants étaient enchaînés la nuit.

Face à ces revendications, Feld a réaffirmé son engagement envers le bien-être des animaux et les a gardés au CEC. Au fil des années, certains ont été vendus à des zoos, quelques-uns sont morts et plusieurs sont nés.

Aujourd'hui, le CEC héberge 34 éléphants et en prête un autre au zoo de Fort Worth. Presque tous sont sur le point de déménager à nouveau.

 

UN PAS VERS LA NATURE

La transition des éléphants du CEC à leur nouvel habitat de White Oak pose un certain nombre de défis. Comme nous l'explique Gadd, la plupart de ces éléphants sont habitués à vivre en isolement quasi total et aucun d'entre eux n'a eu à chercher sa propre nourriture précédemment. C'est pourquoi une poignée d'animaux, dont le nombre reste encore à déterminer, restera au CEC pour le reste de leur vie, mais seront désormais placés sous la responsabilité de White Oak. Certains éléphants ne parviendraient pas à s'adapter au nouvel environnement et sont simplement trop vieux pour connaître un déménagement supplémentaire, indique Gadd.

 

En général, ces animaux se sentent à l'aise avec la présence humaine et il leur arrive même de la rechercher, témoigne Gadd. En revanche, ils ne sont pas familiers avec les dynamiques d'un troupeau et les liens familiaux qui existent habituellement entre les éléphants d'Asie sauvage.

Nick Newby est membre de l'Elephant Taxon Advisory Group de l'Association des zoos et aquariums et travaille avec des éléphants depuis 2003 ; il a été recruté par White Oak pour apprendre à connaître les éléphants et les préparer à la vie dans leur nouveau foyer. Ce travail, qui a déjà commencé, implique notamment de permettre le développement progressif d'une hiérarchie sociale au travers d'interactions de groupe surveillées et d'encourager les comportements autonomes. D'après Gadd, Feld Entertainment a apporté son soutien à cette initiative.

« Nous sommes fiers de notre partenariat avec White Oak visant à transférer les éléphants de notre centre au leur afin de pousser plus loin les efforts de conservation de cette espèce en danger, » a déclaré Kenneth Feld, PDG de Feld Entertainment, dans un communiqué.

L'objectif est que l'année prochaine, lorsqu'ils quitteront le CEC, les éléphants aient plus de facilité à s'établir dans leur nouvel habitat et puissent, avec les mots de Gadd, « vivre comme des éléphants normaux. » À plus long terme, White Oak ambitionne de réintroduire les éléphants nés ici dans la nature, ajoute-t-elle.

À en croire Ed Stewart de PAWS, aucun éléphant d'Asie n'a jamais été réintroduit avec succès dans la nature, principalement à cause du rétrécissement effréné de leur habitat et des relations complexes entre « Hommes et éléphants aux points de rencontre de leurs deux cultures. »

Il indique ne pas être sûr de la capacité des éléphants nés en captivité à retrouver leur état sauvage. Gadd reconnaît que malgré l'espace et la similarité du refuge de White Oak avec l'habitat naturel des éléphants d'Asie, rien ne garantit la réussite de la réintroduction de cette population. Néanmoins, cette ambition reste « une expérience très importante pour évaluer la capacité des éléphants à réapprendre leurs comportements sauvages, » explique-t-elle.

Stewart, Gadd, les Walter et d'autres spécialistes de la conservation insistent sur la nécessité de pousser plus loin les efforts visant à préserver et protéger les éléphants d'Asie, aux États-Unis comme ailleurs. Cela dit, c'est une avancée qui mérite d'être célébrée : « En captivité, il n'existe pas de situation parfaite, mais c'est là une nette amélioration pour ces éléphants. Et ils l'ont méritée. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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