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Nasrin Sotoudeh et Maryam Lee : deux femmes entre le voile et la mort

Nasrin Sotoudeh et Maryam Lee : deux femmes entre le voile et la mort

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L’Iranienne Nasrin Sotoudeh et la Malaisienne Maryam Lee risquent leur vie pour avoir contesté le port du voile. A l’heure où, en France, la vague obscurantiste menace laïcité et droits des femmes, leur histoire devrait faire réfléchir.

Deux femmes, sans s’être jamais rencontrées, partagent le même destin, à 6.000 kilomètres l’une de l’autre : leur refus du voile islamique, les menaces de mort. La première, Nasrin Sotoudeh, 57 ans, a le visage émacié par 45 jours de grève de la faim, le souffle brisé et le cœur épuisé par les conditions de survie dans la prison d’Evine, près de Téhéran. Embastillée à plusieurs reprises depuis 2010 parce qu’elle ose plaider le droit des femmes et des enfants, Nasrin est devenue le symbole de l’inhumanité du régime des mollahs. Après avoir assumé la défense d’une femme qui manifestait contre le port du voile, elle a été à nouveau incarcérée et condamnée à douze ans de prison pour « incitation à la débauche ».

La seconde, Maryam Lee, 28 ans, vit en Malaisie. Elle a un visage plein et joyeux, mais son regard vif est désormais teinté d’angoisse. En 2017, elle a décidé d’enlever le voile qu’elle portait depuis l’âge de neuf ans. Dans son pays majoritairement musulman, le « tudung », comme on appelle là-bas ce bout de tissu qui fait couler tant d’encre et de sang de par le monde, n’est pas obligatoire. Dans les faits, la pression sociale est telle que la plupart des musulmanes l’ont adopté. En expliquant dans un livre – Les choix dévoilés - comment elle a pris conscience que découvrir ses cheveux et son visage n’était pas un péché, Maryam Lee a déclenché les foudres du ministre des affaires religieuses qui a immédiatement diligenté une enquête sur la jeune femme. Des milliers de menaces de mort ont fusé sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les mosquées.

Culture du mensonge et de la haine

« Même sans justifications légales, les femmes sont considérées comme des criminelles si elles veulent enlever le voile : elles sont dans la prison des attentes de la société » explique Maryam Lee à l’AFP. La Malaisie compte plus de 60% de musulmans, 20% de boudhistes, des hindouistes et des chrétiens. Les mariages entre musulmanes et non-musulmans sont strictement interdits. L’ex-premier ministre Mahathir Mohamed est par ailleurs considéré comme l’un des dirigeants les plus antisémites du monde. Tout va ensemble, l’exclusion des femmes comme la culture du mensonge et de la haine.

L’Iranienne et la Malaisienne, l’une dans la théocratie des mollahs chiites, l’autre dans une monarchie parlementaire où l’islam sunnite dicte désormais les comportements, sont otages d’un système judiciaire et mental qui a fait du voile le signe suprême de l’adhésion à l’islam et de son rejet une preuve de trahison qui mérite la flagellation - Nasrin Sotoudeh a été condamnée à 148 coups de fouet - ou l’appel au meurtre. Ces deux drames ne constituent qu’un nouvel épisode de la sinistre saga du voile islamique. Un chiffon revendiqué depuis quarante ans, dans toutes les terres musulmanes, du Golfe à l’océan, comme l’étendard de l’islam politique. A l’heure où, en France, tout froncement de sourcil devant celles qui instrumentalisent cet emblème est dénoncé comme « islamophobe », certaines pseudo-féministes égarées devraient regarder du côté des vies meurtries à Téhéran et à Kuala-Lumpur.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne