"Si on est à nouveau enfermé, je saute par la fenêtre", Suzanne, résidente d'un Ehpad

Pendant les deux mois du confinement, Jean n'a pas pu voir sa femme Mireille. ©Radio France - Ouafia Kheniche
Pendant les deux mois du confinement, Jean n'a pas pu voir sa femme Mireille. ©Radio France - Ouafia Kheniche
Pendant les deux mois du confinement, Jean n'a pas pu voir sa femme Mireille. ©Radio France - Ouafia Kheniche
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Dans les Ehpad, le souvenir du confinement s’est transformé en angoisse. Cette période a duré deux mois. Deux mois pendant lesquels ces femmes et ces hommes ont non seulement été coupés du reste du monde mais ont aussi été enfermés entre 4 murs.

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Le confinement "en chambre" était la règle dans les maisons de retraite. Aujourd’hui, le virus se propage à nouveau rapidement, la peur de mourir est toujours présente, d’autant plus pour ces personnes fragiles. Pour autant, quand on les interroge, ce qui les tétanise c’est l’idée d’être une nouvelle fois coincés "enfermés comme en prison", comme dans cet Ehpad du Morbihan, la villa Tohannic, où vivent 95 résidents. 

Dans la chambre d’Yvonne, il y a deux magnifiques bouquets. Elle a fêté ses 100 ans il y a deux jours, l’occasion pour elle de revoir sa famille :  

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Jusqu’à présent, je suis restée seule et je trouvais que c’était plus prudent. Et là pour mon anniversaire j’ai reçu mes deux filles et leurs maris et une petite fille que je n’avais pas vu depuis deux ans. S’il n’y avait pas eu ce coronavirus, on avait prévu une grande fête générale.

Rester enfermé dans sa chambre

Yvonne a toute sa tête, elle peut communiquer avec ses proches. C’est d’ailleurs par téléphone qu’elle s’est entretenue avec eux jusque-là. Ce n’est pas le cas de tout le monde. A l’étage du dessous, 20 personnes vivent dans l’unité fermée des résidents souffrant d’Alzheimer ou de problèmes cognitifs. Pour entrer, la directrice Nathalie Joly compose un digicode.  

Pendant le confinement, chaque résident devait rester enfermé dans sa chambre. La directrice a décidé de ne pas appliquer cette règle à cette unité dite protégée.  

"Isoler les gens ici, c’est impossible. Les personnes déambulent, ne comprennent pas les consignes. On avait isolé l’unité, les patients et le personnel", explique Isabelle Joly. 

Jean est venue tenir compagnie à Mireille, son épouse. Ils sont tous les deux résidents de l’Ehpad mais ne vivent pas au même étage puisqu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer.  

Comme tous les matins et tous les soirs, il vient donc lui rendre visite et ils se promènent dans le petit jardin de la résidence ensemble, chose qu'ils n’ont pas pu faire pendant deux mois.  

Jean confie : 

Le confinement a été très dur. D’abord pendant deux mois je n’ai pas vu ma femme et ensuite j’étais limité à mes 4 murs. Ce n’est pas normale comme situation. De toute façon, je n’ai pas peur de mourir. Ce que je ne veux pas c’est mourir avant ma femme, je veux l’accompagner jusqu’au bout.

Jean et Mireille peuvent se revoir chaque jour depuis le mois de mai. Femmes, enfants, amis… Les visiteurs sont de nouveau là, comme avant l’épidémie. Ils sont en revanche accueillis dans un sas d’entrée avec registres des visites, masques, gels et prise de températures. 

Pendant le confinement, chaque résident devait rester enfermé dans sa chambre.
Pendant le confinement, chaque résident devait rester enfermé dans sa chambre.
© Radio France - Ouafia Kheniche
La Quarantaine
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"On ne reconfinera pas tout le monde en chambre"

A l'accueil, Sylvie apprécie ce retour à une vie presque normale : 

Les visites sont contrôlées mais à nouveau, les portes sont ouvertes. Avant, on voyait les familles passaient devant l’Ehpad, faire des signes par la fenêtre. On a vu des scènes dignes de Roméo et Juliette, ça nous faisait sourire mais c’était dur. 

La période est difficile pour les salariés qui ont dû jongler entre l’absence d’école pour leurs enfants et la nécessité d’être présents dans l’Ehpad. Mais dure surtout pour les personnes âgées qui ont vécu ce confinement comme un traumatisme. Pour certains comme Suzanne, résidente de 89 ans : "Si on nous enferme à nouveau, je saute par la fenêtre… être enfermée comme en prison, il n’y a rien de pire."  

Ces deux mois ont définitivement marqué les résidents. Isabelle Joly, la directrice de l’Ehpad et son équipe ont mûrement réfléchi à la question. "Si l’épidémie se développe à nouveau massivement, on ne refera pas la même chose, on ne reconfinera pas tout le monde en chambre. On a des résidents qui nous ont dit : 'Vous nous volez les derniers instants de notre vie'".

La santé des uns, la liberté des autres, dans les Ehpad, comme ailleurs cet équilibre entre les deux restent encore à inventer.  

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