L’affaire Cambridge Analytica n’en a pas fini de dévoiler les stratégies sordides utilisées par l’équipe de campagne de Donald Trump. Dans une enquête de Channel 4 News, on apprend qu’une base de données nommée « Deterrence » (Dissuasion en français) regroupant plus de 3 millions d’Afro-Américains a été utilisée lors de la campagne de présidentielle de 2016 afin de les dissuader de se rendre aux urnes.

Cambridge Analytica était une société britannique spécialisée la diffusion de campagne stratégique. Sa triste renommée s’est construire sur le scandale de la collecte des données de 50 millions de profils Facebook, sans leur consentement. Un peu plus tard, ce chiffre passera de 50 à 87 millions. Ces données furent réutilisées pour affiner grandement le ciblage publicitaire des annonces de la campagne de Donald Trump. Le tout, dans le but de créer un clivage profond favorisant son élection, à la surprise du monde entier. Aujourd’hui, si Cambridge Analytica n’existe plus, il semblerait qu’une autre entreprise ait repris ses activités : Emerdata.

Outre les 50 millions de profils Facebook, Channel 4 a pu mettre la main sur des bases de données regroupant presque 200 millions d’électeurs américains. Ils sont répartis en plus de 5 000 fichiers, pesant au total 5TB. Il s’agit là d’une quantité astronomique d’information, utilisée pour nourrir les algorithmes de ciblage d’audience. D’ailleurs, l’enquête révèle que 8 catégories d’électeurs ont été créées afin d’être interpelées sur les réseaux sociaux, ou ailleurs sur le web. L’une de ces catégories était nommée « Deterrence » et s’avère être plus centrée sur les Noirs Américains.

Ainsi, la chaine révèle que si cette communauté continue 32% de la population de l’État de Géorgie, elle représente 61% des résidents présents dans l’audience « Deterrence ». En Caroline du Nord, c’est 46%, alors qu’elle ne représente que 22% des locaux, et 17% contre 5,4% dans le Wisconsin. Dans toute la base de données, 54% est étiquetées comme « Noir », « Hispanique », « Asiatique », et « Autre ».

Des associations demandent dores et déjà de pouvoir consulter les publicités de l’époque, mais est-il possible d’y accéder ? Oui et non. Facebook a attendu d’être au pied du mur pour repenser en profondeur son fonctionnement, tant sur la protection des données des utilisateurs, que sur les règles de publicités (politiques ou non). Malheureusement, il n’y avait pas de bibliothèque publicitaires, donc aucune publicité n’a été archivée, et bien souvent elles n’était pas là pour amplifier une publication, ce qui aurait simplifié leur identification. Cependant, dans des documents récupérés par Channel 4, Cambridge Analytica admet avoir ciblé des Afro-Américains en Géorgie avec un contenu baptisé « Predators Video » pour un budget de 55 000 dollars.

Ces nouvelles révélations relancent inévitablement débat de la présence des publicités politiques sur les plateformes sociales. Outre les problématiques liées au ciblage, la question se pose sur le rôle démocratique de campagnes dissuadant les électeurs d’aller voter. C’est d’autant plus problématique lorsque Facebook reste le dernier géant à ne pas prendre de décisions concrètes. Sur Twitter par exemple, elles sont bannies depuis le 22 novembre 2019, suivi de près par Spotify. Google de son côté à limité de nombreux paramètres de ciblage publicitaires. Quant à Snapchat, un processus de fact-checking est à présent obligatoire.

La position de Facebook est très claire, qu’il s’agisse des publicités politiques ou de la modération des contenus. L’entreprise a déjà ses propres règles, mais ne veut pas être « arbitre de la vérité ». Elle attend donc des autorités de chaque de pays de lui imposer ce qui doit être fait. Un discours qui donne encore une certaine liberté.