À Paris, la colère des parents dont les enfants sourds sont privés d'un enseignement adapté

Depuis la rentrée, une petite dizaine d'enfants sourds est privée de professeur qualifié en langue des signes française à Paris. Une situation qui révolte les parents d'élèves.

Depuis lundi 21 septembre 2020, les parents d'élèves de l'école rue de Turennes à Paris sont en grève.
Depuis lundi 21 septembre 2020, les parents d’élèves de l’école rue de Turenne à Paris sont en grève. (©Twitter / Ronit Leven)
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La fronde s’organise rue de Turenne, à Paris, où se situe l’unique classe élémentaire dans toute la capitale qui dispense des cours en langue des signes française (LSF). À l’origine de la colère des parents : l’absence d’enseignant en LSF depuis la rentrée, ce qui prive leurs enfants d’un enseignement adapté.

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Huit enfants privés d’enseignement

Les parents l’ont appris la veille de la rentrée : le contrat de l’enseignante en langue des signes de leurs enfants n’a pas pu être renouvelé. Ce qui laisse les huit enfants sourds, de niveau CP au CM2, sans professeur. 

« Les parents d’élèves s’étaient mobilisés pour trouver cette personne après le départ de la titulaire en 2018. La situation était particulière : elle n’était pas professeure mais fonctionnaire et avait demandé un détachement », explique dans le détail Barbara Fougère, mère d’une petite fille de neuf ans, scolarisée au PEJS de Paris (pôle d’enseignement de jeunes sourds de l’école Turenne). Un détachement qui n’a pas été renouvelé pour cette rentrée scolaire :

Son contrat dans l’école a été renouvelé deux fois mais pour cette troisième année, elle a été empêchée à cause de son statut de fonctionnaire.

Une classe pour cinq niveaux 

Un remplacement temporaire pour deux semaines a alors été proposé par le rectorat, la veille de la rentrée. « On s’est rendus compte qu’il ne s’agissait pas d’une enseignante mais d’une AESH (accompagnant d’élève en situation de handicap), qui n’avait pas les notions de pédagogie nécessaires », poursuit Barbara Fougère. 

« Cette classe est particulière car elle est multi-niveaux et réunit des enfants du CP au CM2. Il faut avoir les épaules pour endosser une telle charge de travail », reconnaît la maman. Le 18 septembre, il a été décidé de mettre fin à la mission de l’AESH.

« Intégration sauvage » à d’autres classes

« On nous a donc proposé l’inclusion de chaque élève dans les classes de leur niveau (avec des enfants entendants) sans accompagnement. Une « intégration sauvage », que dénonce Kim Bouveret, présidente de l’Association des parents d’enfants sourds de Paris (Apes75) :

Face à cette injustice, nous avons décidé d’entamer une grève dès le 21 septembre et de ne pas mettre nos enfants à l’école. 

Une grève qui a eu comme point d’orgue la venue des élus de Paris Centre, dont son maire Ariel Weil, pour soutenir le combat des parents le 24 septembre. Après cette mobilisation, le rectorat a proposé aux parents d’élèves une solution temporaire : un enseignant « non signant » avec plusieurs interprètes diplômés. « Ils doivent tourner car pour une qualité optimale de la traduction ils ne peuvent traduire que 20 minutes à tour de rôle », précise la présidente de l’Apes75. 

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Vers une nouvelle action pour « une solution stable »

Un dispositif provisoire accepté par les parents et qui devait être mis en place lundi 28 septembre. « Nous avons eu la surprise de constater que le rectorat avait changé son plan et proposait un enseignant remplaçant entendant qui ne serait pas assisté d’interprètes mais d’une enseignante sourde de langue des signes de second degré (collège et lycée) », raconte Kim Bouveret qui s’interroge : 

Comment une enseignante sourde peut servir ‘d’interprète’ à un enseignant entendant ? Sachant qu’il faut deux années d’études pour être interprète en LSF…

« Le rectorat ne nous donne aucune information concernant la durée de cette solution, ni sur la motivation d’un tel choix », déplore-t-elle, ajoutant qu’avec les parents d’élèves, ils réfléchissent à une nouvelle action « afin de faire valoir les droits de (leurs) enfants et obtenir le plus rapidement possible une solution stable et pérenne ».

Une pénurie de candidats

Contacté, le rectorat de Paris souligne la difficulté à recruter un enseignant pour cette structure « aux cadres légaux strictes, très rare en France » : 

Le nombre de candidats pour ce type de poste est extrêmement faible. Nous cherchons un remplaçant depuis que le poste est vacant mais en attendant de trouver cette perle rare, le binôme s’est imposé à nous.

Un tandem qui « correspond au cadre légal » et qui constitue déjà un « progrès » pour le rectorat, arguant que la personne qui occupait le poste auparavant n’était pas enseignante. 

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