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Mohamed Hassan Dadou : les connexions françaises du cheikh qui appelle au meurtre contre "Charlie"

Mohamed Hassan Dadou : les connexions françaises du cheikh qui appelle au meurtre contre "Charlie"

Islamisme

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Une dizaine de jours avant l’attaque au hachoir devant l’ancien siège de "Charlie Hebdo", le prédicateur Mauritanien basé à Doha, au Qatar, Mohamed Hassan Dadou, figure très influente au sein de l’organisation internationale des Frères Musulmans, avait lancé un appel au meurtre contre le journal satirique français.

C’est le même homme. Un cheikh qui dirige un « Centre de formation des Ulémas », situé à Doha, au Qatar, et au profit duquel, le 24 mai 2019, a été organisé à Saint-Denis un diner caritatif destiné à lever des « dons déductibles d’impôts en France ». Une initiative de l’Institut Européen des Sciences Humaines (IESH), financé et dirigé par Musulmans de France (ex-UOIF), la branche française des Frères musulmans. Or ce cheikh Mohamed Hassan Dadou, qui avait participé à l’événement en visioconférence, a lancé voici dix jours un enregistrement audio enflammé. Destiné en apparence à inciter les musulmans à boycotter les produits et marchandises de « la France impie », le prêche considère le « châtiment » subi par Charlie Hebdo en 2015 « bien mérité ». Dadou y exhorte « tous les vivants parmi les partisans du prophète Mahomet » à « laver l’honneur », en se « sacrifiant » pour lui, car, dit-il : « l’amour du prophète est une condition sine qua non de la foi […] personne parmi vous ne peut être croyant sans aimer le prophète plus qu’il ne s’aime lui-même, plus qu’il n’aime ses parents, ses enfants et tout autre humain. L’intérêt de cet amour pour le prophète est de le défendre, de le protéger et de se sacrifier pour lui. Et il n’y a nulle bonté en vous, si vous ne le faites pas ».

"Châtiment"

Cheikh Dadou qualifie la republication récente des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo de « réitération de la même offense et la même provocation » qui lui a coûté le « châtiment » de 2015. Il accuse le journal satirique français de vouloir « tester » les musulmans, afin de « savoir s’il reste des vivants parmi [eux] capables de défendre l’honneur ». Raison pour laquelle, il considère cette « offense » comme une « épreuve d’Allah » et exhorte tous les musulmans à « accomplir [leur] devoir de partisans du prophète, que le salut d’Allah soit sur lui et défendre [leur] religion, en montrant à Allah le meilleur [d’eux-mêmes] ».

Pour conclure sa missive, l’homme qui prétend s’exprimer au nom de « l’esprit de la foi et de l’amour » et dont la Confrérie se revendique d’un « islam modéré et de juste-milieu », s’adresse aux « ennemis de l’islam et à ceux qui l’insultent » leur promettant « défaites, malheurs et catastrophes » et implore Allah « d’infliger la mort à ceux qui moquent le prophète Mahomet », de leur « porter le pire des coups de boutoir » afin, dit-il, d’assouvir « la soif de vengeance qui brûle dans nos poitrines » !

Inspirateur de l’assassin du père Jacques Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray

Cet appel au meurtre contre Charlie Hebdo n’est pas une première pour Cheikh Dadou. En juillet 2016, son nom a déjà été évoqué dans l’enquête sur l’assassinat du père Jacques Hamel, dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray. En analysant le téléphone portable d’Adel Kermiche, alias Abou Jayyed al-Hanafi, le djihadiste qui a égorgé le père Hamel, les enquêteurs sont tombés sur des échanges, via la messagerie cryptée Telegram, avec Mohamed Hassan Dadou. Malgré ses incitations au meurtre et ses nombreuses diatribes antisémites, dans lesquelles il s’enorgueillit que « le jour du jugement dernier, les musulmans tueront tous les juifs, ces descendants des singes et des porcs », Dadou continue de sévir, sans restriction aucune, sur les différentes plates-formes des réseaux sociaux, notamment à travers sa chaine Youtube et ses comptes Facebook et Twitter.

Ces dérives violentes ne lui ont pas, non plus, valu la désapprobation des milieux prétendument « modérés » de la mouvance des Frères musulmans. Cheikh Dadou continue à diriger, depuis Doha, au Qatar, le « Centre de Formation des Oulémas », qu’il a créé en 2007 dans son pays d’origine, la Mauritanie, et que les autorités de Nouakchott ont interdit en 2018. Et il est toujours membre du comité directoire de l’« Union internationale des Oulémas musulmans », une instance liée à l’organisation internationale des Frères musulmans, fondée par le prédicateur Egypto-Qatari, Youssef al-Qaradawi, dont Dadou fut longtemps le numéro 2.

En France et en Europe, des associations fréristes, telles que « Le Havre de paix » et des sites islamistes, comme « Musulmans de Genève », proche de Hani Ramadan (le défenseur de la lapidation) continuaient à le défendre il y a peu encore sous prétexte qu’il est « un érudit dont la voix doit être écoutée »...

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne