Prostitution des mineurs : "Les réseaux sociaux, la banalisation du sexe, ont joué un grand rôle"

Nina s'est prostitué pendant un an, elle n'a avait alors que 15 ans (image générique d'illustration) ©Getty -  Francesco Sambati / EyeEm
Nina s'est prostitué pendant un an, elle n'a avait alors que 15 ans (image générique d'illustration) ©Getty - Francesco Sambati / EyeEm
Nina s'est prostitué pendant un an, elle n'a avait alors que 15 ans (image générique d'illustration) ©Getty - Francesco Sambati / EyeEm
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Armelle Le Bigot-Macaux présidente de l'ACPE (Agir contre la prostitution des enfants), Thierry Delcroix et Nina, auteurs du livre "Papa vient me chercher" (broché 2020), sont les invités de Mathilde Munos.

Nina s'est prostituée pendant un an, elle n'avait alors que 15 ans, mais ressentait un fort mal-être depuis la sixième. Sur le fait de vendre son corps, elle explique : "J'étais arrivé à un seuil où il y a eu un point de rupture entre mon corps et mon esprit, je n'apportais plus la même valeur à mon corps. Quelque chose s'est brisé en moi, je me sentais déjà tellement sale, je suis juste passée au-dessus."

Les réseaux sociaux, la banalisation du sexe, ont joué un grand rôle

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Pourtant, l'explication n'est pas à chercher dans le contexte familial, plutôt aimant et sans difficulté : "Ça peut toucher n'importe qui", rappelle son père Thierry Delcroix : "Ce sont des petits détails qui ont commencé à nous mettre la puce à l'oreille". Il raconte le choc, aussi quand, un jour, il a rentré son numéro de téléphone dans un moteur de recherche et qu'il est tombé sur "ses annonces : là le coup de massue, on tombe de l'arbre".

Pas d'aide et un "fort sentiment de culpabilité"

Nina explique son impuissance : "Il y a cet appel de l'argent, de ce monde-là : même si j'avais envie de me sortir de là, mes envies, mes fréquentations, mes addictions reprenaient le dessus et je repartais". Elle fugue alors, plusieurs fois, seule en Belgique, Luxembourg, Espagne, à chaque fois sans que ses parents ne puissent l'en empêcher : "En face pas d'aide, pas d'écoute, du parquet de la police, de la justice (...) on n'avait pas de compréhension, pas d'action, et un fort sentiment de culpabilité" explique son père. 

"On a eu une suspicion de mise en cause" se souvient-il, parce que le schéma, c'est le problème de famille. Pour cela, il risquera même la perte de la garde de ses deux autres enfants.

Aujourd'hui, Nina rend hommage au soutien que lui ont apporté ses proches : "Je n'avais pas ce cran au fond de moi, le fait que mes proches ne m'aient pas jugée m'a permis de me reconstruire en tant que femme, de reconstruire ma famille".

Pas seulement un "proxénétisme de cité"

"Cela fait 7 ans que je me bats pour dénoncer ce phénomène" affirme de son côté Armelle Le Bigot-Macaux présidente de l'ACPE (Agir contre la prostitution des enfants). Elle confirme que lorsque le père de Nina dit "les portes étaient fermées", c'est vrai : "On entend parler de proxénétisme des cités, on se dit 'ça me concerne pas' : non, ça peut toucher tous les enfants". Elle appelle ainsi le gouvernement à monter une commission sur le phénomène : "Je vous assure que les chiffres seront hallucinants, je voudrais qu'on parle réellement de prévention, ça passe par l'école et former les professionnels, qui ne savent pas écouter, ni ce qui se passe".

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