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Dix ans après le rapport mapping : violences impunies en RDC

30 septembre 2020

Le 1er octobre 2010, l'ONU rendait un rapport sur les violences commisses entre mars 1993 et juin 2003 en RDC. Des faits d'une gravité extrême, restés sans suite ou presque. On en parle le chercheur Michel Luntumbue.

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Michel Luntumbue, chargé de recherche au Groupe de recherche et d'information sur la paix
Michel Luntumbue, chargé de recherche au Groupe de recherche et d'information sur la paixImage : Wendy Bashi

Octobre 2010 : l'ONU rend son rapport dans le projet Mapping. Un inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 en République démocratique du Congo.

Les auteurs toujours libres

"De possibles crimes contre l'humanité en RDC" - Michel Luntumbue

Un rapport de plusieurs centaines de pages, qui reprenait de manière détaillée les violations les plus graves des droits humains et du droit international. Dix ans après sa diffusion n'a pas été suivie d'effets. Elle n'a, par exemple, pas donné lieu à des poursuites contre les auteurs des faits recensés. L'éventuel tribunal spécial pour la RDC semble être tombé aux oubliettes. 

Ce mercredi matin, dans sa matinale Afrique à 7hTU, la DW revenait sur le sujet avec son invité de la semaine : Michel Luntumbue, chargé de recherche au Groupe de recherche et d'information sur la paix.

DW : Michel Luntumbue bonjour ! Récemment, il a été question du rapport Mapping dans l'actualité congolaise. Pour nos auditeurs : pouvez-vous rappeler ce qu’est ce rapport et surtout, autour de quoi il s'articule?

Michel Luntumbue : Voilà. Le rapport Mapping est un document volumineux de quelque 500 pages établi par le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. Il s'agit en fait d'un inventaire des actes les plus graves de violation des droits humains et de violation du droit humanitaire international survenus en République démocratique du Congo (RDC) sur la période allant de mars 1993 à juin 2003.

Ce  rapport a été demandé à la suite de la découverte de fosses communes dans l'est du Congo et il est né de l'idée de faire la lumière sur ces actes graves survenus dans l'est du Congo et d'aider le gouvernement de transition à mettre en place un processus de justice et de justice transitionnelle.

DW : Reparler de justice transitionnelle : ici on est dix ans après la sortie de ce rapport et certains faits qui y sont soulignés, comme par exemple la présence ou encore les agissements d'armées étrangères en RDC restent malheureusement d'actualité. Pourquoi, selon vous, si on a justement ce gros rapport qui est une piste de solution ?

Michel Luntumbue : L'un des enjeux à trancher dans ce rapport, c'est la qualification juridique de la plupart des faits gravissimes qui se sont produits. Que ce soit des attaques contre les camps, des attaques ciblées contre des groupes, des viols, par leur caractère systématique, pourraient relever d'une qualification juridique, de crimes contre l'humanité, voire certains de crimes de génocide.

Mais cela ne peut être établi que si les faits sont présentés devant une juridiction. Pour qu'une instruction soit menée, il faut d'abord que tous les acteurs concernés non seulement reconnaissent la Cour de justice internationale ou encore soient signataires de l'acte de Rome qui institue la Cour pénale internationale.

Le rôle des pays voisins 

Paul Kagame ici lors du Africa CEO Forum à Kigali (26.03.2019)
Le président rwandais Paul Kagame a estimé que le rapport Mapping visait à faire de son pays un bouc émissaireImage : picture-alliance/C. Ndegeya

DW : Ce rapport semble déranger dans certains pays limitrophes de la RDC. Alors on se souvient de la dernière sortie médiatique, il n'y a pas très longtemps, de James Kabarebe et depuis Kigali, après que le docteur Mukwege a reparlé du rapport Mapping, de la possibilité de mettre en place un tribunal spécial pour la RDC. Comment est- ce que vous analysez cela ? Mais surtout, pourquoi est-ce que ça dérange autant ?

Michel Luntumbue : Il est vraiment important de souligner la période couverte par le rapport Mapping. Donc, ça va bien de mars 1993 à juin 2003. Ça couvre un ensemble de faits qui impliquent toute une série d'acteurs nationaux et régionaux. Il n'y a pas une focalisation sur un acteur régional ou national particulier.

DW : Vous parlez tout à l'heure de justice transitionnelle. Il est souvent question, en tout cas même dans le discours du docteur Mukwege, de mettre en place un tribunal spécial pour la RDC qui devrait ou qui aurait pour mission de s'occuper justement des crimes qui sont détaillés et documentés dans le rapport Mapping. Qu'est ce qui manque aujourd'hui pour mettre en place ce tribunal ?

Michel Luntumbue : Il faut sans doute une priorisation, une inscription à l'agenda, une réinscription en fait, de ce rapport Mapping et ses recommandations à l'agenda. Bon, le Congo est seulement dans un processus de réforme de son appareil judiciaire qui manque de moyens. La justice ordinaire manque de moyens. Comme je disais en 2007, les autorités congolaises avaient accepté le principe et les recommandations de rapport Mapping et la perspective de lutte contre l'impunité.

Mais c'est un très long processus qui suppose des moyens et des réformes. On voit encore à l'heure actuelle tout l'enjeu de l'émancipation de la justice par rapport à l'exécutif. C'est un long processus qui passe par la remise à l'agenda de cette question de la lutte contre l'impunité qui est immanquablement, une des conditions d'une pacification sans doute de l'est du Congo.

Le docteur Mukwege et d'autres acteurs ont rappelé qu'on ne saurait avoir de paix sans justice et que ça prenne la forme que les Sud-Africains auront initié avec une Commission vérité et réconciliation ou les Gacaca (tribunaux populaires) mis en œuvre au Rwanda. Ça reste une nécessité. L'administration de la justice reste une nécessité pour amener une paix durable dans l'est du Congo.

DW-Redaktion Afrika-Französisch
Wendy Bashi Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle@WenBash