La flèche dorée de l’hôtel de ville de Stockholm brille dans le soleil couchant. Des joggeurs évacuent le stress de la journée en parcourant à longues enjambées les quais où sont amarrés des bateaux. Un jeune couple passe, à deux sur un vélo, secoué par le relief de la rue pavée. J’observe les environs depuis le Tak, dont la terrasse, entourée de rambardes vitrées, est située sur un toit, à 52 mètres de haut. Comme presque tous les débits de boissons populaires de la capitale suédoise, le Tak est resté ouvert pendant toute la pandémie.

J’ai décidé de me payer un verre de bulles pour célébrer l’ajout de la Suède sur la liste des pays exemptés de la quarantaine imposée aux voyageurs qui arrivent sur le territoire britannique. Je vis à Stockholm, mais j’ai la double citoyenneté britannique et suédoise. C’est donc pour moi l’occasion de rendre visite à ma famille pour la première fois depuis le mois de février. Depuis cette annonce, je reçois aussi beaucoup de messages de la part de connaissances britanniques qui, voyant que le nombre de cas a fortement diminué pendant l’été, envisagent de prendre des vacances en Suède, à défaut de pouvoir le faire ailleurs. La liste des destinations européennes potentielles semble en effet raccourcir de jour en jour.

Masques : seuls 6 % de la population suédoise les utilise

La première chose qu’un touriste remarquera en arrivant ici, c’est l’absence de masques. Si le masque est obligatoire dans les aéroports suédois, il n’est cependant pas exigé dans les transports, les commerces, les salons de coiffure ou autres lieux publics. Un récent sondage a révélé que seuls 6 % de la population utilise un masque, même si 43 % des citoyens croient qu’il pourrait stopper la propagation de l’infection et que plusieurs scientifiques suédois réputés font pression auprès des autorités pour qu’elles adoptent une autre approche. Anders Tegnell, l’épidémiologiste en chef de la Suède, a dit qu’il était prêt à réexaminer la question si l’on observait un nouvel accroissement du nombre de cas, mais il a insisté à maintes reprises sur le fait que le lavage des mains et la distanciation physique restaient les moyens les plus efficaces de lutter contre le virus.

Pour l’heure, l’absence de l’accessoire indispensable de 2020 confère à Stockholm – une ville qui est généralement à l’avant-garde de la mode – un “air de normalité” qui fait défaut à la plupart des capitales européennes. Mais il ne faut pas croire que la vie n’a pas changé dans le pays, qui a aussi été l’un des seuls à ne pas confiner sa population au plus fort de la pandémie et qui a surtout misé sur des mesures volontaires de lutte contre le virus.

Dans le bar où je me trouve, seul le service aux tables est autorisé. En mars, les commandes au comptoir ont été interdites pour éviter que les gens se côtoient de trop près. Les rubans de plastique noir et jaune qui ont été installés pour favoriser la distanciation physique entre les groupes font contraste avec les luxueuses banquettes de cuir et de velours de l’établissement. Il y a bien un DJ, mais on ne peut pas danser. Les grandes boîtes de nuit ont temporairement fermé leurs portes ou, comme Tradgarden, une énorme discothèque au style industriel prisée par les hipsters stockholmois, se sont converties en restaur