Une part de notre héritage génétique provenant de l’homme de Néandertal pourrait expliquer certaines formes graves de Covid-19. C’est l’hypothèse avancée dans la revue Nature, mercredi 30 septembre, par le « pape » des génomes anciens, Svante Pääbo (Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste, Leipzig) et de son collègue Hugo Zeberg (Institut Karolinska, Stockholm). Selon eux, les porteurs d’un fragment chromosomique identique à celui trouvé sur plusieurs fossiles néandertaliens ont un risque multiplié par trois de faire une forme grave de détresse respiratoire induite par le SARS-CoV-2. Ce variant est présent dans 50 % de la population d’Asie du Sud, chez 16 % des Européens, mais est quasiment absent en Afrique.
Pour parvenir à ces conclusions, les deux chercheurs se sont appuyés sur deux études récentes visant à identifier les facteurs de risques génétiques associés aux formes sévères de Covid-19. La première, publiée le 19 juin dans le New England Journal of Medicine était une étude dite d’association pangénomique (« genome wide association study »). Le principe est, pour un trait donné, de déduire de la comparaison d’un grand nombre de génomes des variations au sein de ceux-ci qui sont le plus souvent associées à ce caractère. En l’occurrence, David Ellinghaus (université de Kiel - Schleswig-Holstein en Allemagne) et ses collègues avaient constaté que des variants particuliers de régions des chromosomes n° 3 et 9 (sur les 23 paires que compte notre patrimoine génétique) étaient plus présents chez les malades ayant fait des formes sévères de Covid-19.
La seconde étude, signée de la Covid-19 Host Genetics Initiative, une vaste coopération internationale visant elle aussi à élucider le rôle de facteurs génétiques chez l’homme (et non chez le virus) dans la susceptibilité et la sévérité de l’infection au SARS-CoV-2, a permis d’affiner cette observation. En combinant les résultats de huit études totalisant 3 199 cas et 897 488 témoins, l’Intiative a écarté la région du chromosome 9, responsable des groupes sanguins, initialement suspectée. En revanche, elle a conforté le rôle d’une région du chromosome trois englobant six gènes.
Croisements anciens
C’est sur ce « cluster » de gènes que Svante Pääbo et Hugo Zeberg se sont concentrés, en se demandant s’il ne proviendrait pas de Néandertal ou de l’homme de Denisova, un autre de nos cousins disparus. Si ce variant « aggravant » n’a pas été retrouvé sur les Dénisoviens, il était bien présent en deux exemplaires dans le génome du fossile néandertalien Vindija 33.19, qui a vécu dans l’actuelle Croatie il y a 50 000 ans.
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